Macron en RDC : conquérir les cœurs et séduire les esprits

C’est déjà calé. Le président français Emmanuel Macron arrive à Kinshasa vendredi pour repartir samedi. Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’une visite très controversée. Mais pas seulement…

Depuis bientôt trois ans, en effet, Paris est en train de perdre, coup sur coup, ses places fortes en Afrique. Sans aller jusqu’à la caricature, la Françafrique est en net recul partout, face aux assauts répétés de la « Russafrique » et de la « Sinafrique ».

Une coopération plus vigoureuse dans les secteurs militaire et des infrastructures, notamment, prend la place de la condescendance et de l’arrogance, surtout quand cette coopération ne rappelle pas un passé de traite, d’esclavagisme et de colonialisme qui irrite chaque jour un peu plus les Africains.

Dans le contexte de la crise de l’Est de la RDC, c’est en effet peu de dire aujourd’hui que les investissements français en République démocratique du Congo se comptent sur les doigts d’une seule main, et que même dans le secteur de la lutte contre le changement climatique, dans lequel la RDC s’est offerte comme un pays solution avec son immense forêt et ses tourbières séculaires, on ne peut que constater le fait que Paris est loin d’innover et d’élever sa démarche globale au niveau de ses déclarations d’intention.

Dans le cas des événements de l’Est, la France a pris notamment trop de retard pour s’afficher véritablement comme le pays de la déclaration des Droits de l’Homme, ne condamnant que sur le tard et du bout des lèvres l’aventurisme du Rwanda, ceci après avoir humilié le plus grand pays francophone du monde en offrant le poste de secrétaire général de la Francophonie à la Rwandaise Louise Mushikiwabo.

Ces maladresses surabondent un déficit abyssal d’affection dont souffre cruellement Emmanuel Macron dans les cœurs des Congolais.  Le chef de l’Etat français n’est en effet ni Jacques Chirac, dit l’Africain, qui n’hésitait pas à fréquenter les huttes de ses hôtes, ni Giscard d’Estaing l’Auvergnat, dont les parachutistes sautèrent sans hésiter ni marchander sur Kolwezi pour soutenir l’armée du maréchal Mobutu à la fin des années 1970.

Des actes qui nourrissent la nostalgie des Congolais, même si on peut, par ailleurs, comprendre que ce pan de l’histoire et sa charge d’émotion échappent totalement à Emmanuel Macron qui n’avait même pas atteint la puberté à l’époque.

Malheureusement pour lui, dans sa pratique du pouvoir, le président français semble plus proche d’un autre animal politique de la riche faune française appelé Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas non plus les faveurs des Congolais. D’autant moins qu’en 2009, il eut devant le parlement congolais l’audace de décliner à sa manière la question des frontières de la RDC avec le Rwanda, avant de s’en servir pour bâtir la théorie de la curieuse répartition des richesses du sous-sol congolais. Une théorie qui a inspiré les revendications du M23 une année après, et fondé celle du partage territorial qui hante aujourd’hui certaines officines hexagonales et leurs prolongements dans le pays des mille collines.

Bref, autant de contentieux qui alimentent la colère des Congolais, les poussant à regarder avec plus de sympathie les événements dans le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, où les populations apprennent à vivre sans la France et même contre elle !

C’est donc peu dire à ce stade qu’au sein de la classe politique congolaise, comme de la société civile de notre pays, peu nombreux sont des compatriotes qui défendent la France comme faisant partie de leurs rêves pour l’avenir de la RDC.  Surtout quand, face aux multiples morts de l’Est du pays, à la violation répétitive des Droits de l’Homme, au soutien du Rwanda et des multinationales, au pillage qui s’exerce sur cette partie du pays, la France dégage pour la plupart d’entre les Congolais le sentiment d’avoir choisi le camp de ceux qui ne veulent pas du bien au pays de Lumumba.

Le président Macron se trouve ainsi devant un immense défi : conquérir les cœurs et séduire les esprits.

La levée des boucliers est malheureusement telle, dans le Congo profond, qu’il faudra au chef de l’Etat français apprendre à marcher sur les œufs et à mettre sur la table autre chose que des mots pour espérer reconquérir les Congolais. Macron doit éviter de proposer à la RDC une négociation humiliante avec le Rwanda et le M23 comme le laissent croire les observateurs.

A lui de jouer et de relever le défi ! ACP/DG

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