Kinshasa, 13 avril 2025 (ACP).- Le coût exorbitant des frais constitue à ce jour l’une des difficultés d’accès à une justice équitable en République démocratique du Congo (RDC), selon plusieurs avis recueillis lors d’une mini-enquête réalisée par l’ACP.
André Kanku, agent de l’Etat interrogé à ce sujet, a dénoncé « le coût élevé des frais de procédures qui comprennent notamment les frais de greffe, d’huissier, les honoraires d’avocat, les frais d’exécution des décisions ».
En combinant tous les éléments ci-haut cités, les frais de procédure peuvent nager entre 500 et 800 USD, pour les affaires civiles simples, selon un avocat du barreau de Kinshasa/Gombe qui a requis l’anonymat. Il a confié également que ces frais peuvent atteindre 3.000 USD, « selon les décisions des juridictions, les arrêtés supplémentaires, le type d’affaires ou encore selon le statut social du prévenu ». Pour les affaires commerciales notamment, « les frais peuvent aller à plus de 3.000 USD », a-t-il dit.
Quant aux affaires pénales, « les seuls honoraires varient énormément en fonction de la gravité de l’affaire, de la durée du procès et de la réputation de l’avocat », a conclu la source.
Il est aussi courant que les avocats proposent « des honoraires conditionnels dépendant du succès du dossier, allant entre 5 à 20 % de la somme gagnée », a fait remarquer un greffier retraité. « Cette pratique aggrave davantage l’accès équitable à la justice, outre les frais de justice qui ont été majorés en novembre 2024, après signature d’un arrêté interministériel portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère de la Justice », a-t-il précisé. Ainsi, les frais de consignation sont passés de 10 à 50 $, soit une majoration de 50%.
Le barème des honoraires des avocats non en reste
Par ailleurs, même si le barème des honoraires des avocats est fixé par le Barreau national, la population congolaise estime qu’il reste trop élevé compte tenu de la situation socio-économique du pays.
Selon la décision du Barreau national, les honoraires à percevoir par les avocats pour leurs interventions judiciaires sont ainsi tarifiés : aux pénales, ils varient selon le degré entre 1.000 et 15.000 USD; aux affaires commerciales, ils sont entre 2.500 et 20.000 USD; aux recours judiciaires en matière administrative entre 1.000 et 10.000 USD tandis qu’en matières fiscale et douanière, ils sont fixés entre 1.000 et 5.000 USD.
Ce qui explique le fait que plusieurs justiciables manquent d’assistance ou voient leurs dossiers dépasser le délai légal pour le prononcé du jugement suite à ces coûts élevés. C’est notamment le cas de David K. (Fausse dénomination), poursuivi pour viol, et résidant au pavillon 3 A de la Prison centrale de Makala. « J’ai été abandonné par mes avocats et mon dossier a pris du temps. Et je ne suis pas seul dans ce cas. Beaucoup de détenus manquent même de crédit pour permettre aux avocats d’appeler leurs familles», a-t-il dit.
Dans les zones rurales et les milieux des personnes à faible revenu, « la chance de connaitre ses droits ou de consulter un avocat est très réduite ».
Pour une autre franche de la population, il se développe au pays un désintéressement, à cause du désordre qui gangrène le secteur judiciaire. « La justice en RDC est souvent critiquée pour des pratiques de corruption, certaines décisions de justice étant influencées par l’argent ou les relations, ce qui rend difficile l’accès équitable à la justice », a déclaré Junior Mulumba, la trentaine révolue, habitant la commune de Limete, au centre de Kinshasa.
Par ailleurs, l’éloignement des juridictions et le manque criant d’informations juridiques dans le camp de la population restent également « un handicap à l’accès à la justice pour tous », a fait savoir, pour sa part, Me Charline Asifiwe, du barreau de Kinshasa/Matete.
« Beaucoup de Congolais vivent loin des tribunaux et des services judiciaires. Ce qui entraîne des coûts supplémentaires en transport et en hébergement pour les justiciables. C’est le cas des dossiers en appel ou en cassation. Aussi, une grande partie de la population n’est pas informée de ses droits ni des recours possibles », a-t-elle dit, indiquant l’importance d’étendre des campagnes des sensibilisations sur le Droit d’une manière générale.
Toutefois, plusieurs mécanismes existent pour améliorer l’accès à la justice. C’est le cas notamment de l’assistance judiciaire gratuite qui concerne, selon la loi congolaise, « les personnes en situation de précarité (qui) peuvent bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite (avocats commis d’office, exonération des frais de justice, etc.) ».
Cette mesure reste encore non effective en raison du manque de moyens du système judiciaire et de non prise en charge des avocats commis d’office, a fait remarquer l’avocate Asifiwe.
Parmi d’autres mécanismes, il est prévu les cliniques juridiques souvent soutenues par des Organisations non gouvernementales (ONG). Elles fournissent des services gratuits de conseil juridique, d’assistance et d’orientation judiciaire aux populations vulnérables, tel est le cas de la Clinique juridique de droit de la Santé, ainsi que d’autres Organisations de la société civile (OSC), qui aident les justiciables à mieux comprendre leurs droits et à entamer des actions en justice. Aussi, a-t-on appris en outre, les tribunaux de paix ont le devoir de rapprocher la justice des citoyens et de traiter les affaires civiles et mineures sans nécessiter de lourdes procédures.
ACP/C.L.