35 ans de disparition du chanteur Luambo Makiadi commémorés dans l’indifférence (Par Saint Hervé M’Buy)

Kinshasa, 13 octobre 2024 (ACP).-  Le 35ème anniversaire de la disparition de l’artiste  Luambo Makiadi, de la République démocratique du Congo, a été commémoré dans l’indifférence totale et l’oubli à Kinshasa, a déploré, samedi, à l’ACP un expert de la rumba  congolaise moderne lors d’un entretien.

« Nous sommes à ce jour en train de perdre l’héritage artistique de Franco Luambo Makiadi. 35 ans après sa disparition, nous sommes surpris que cette date est commémorée dans l’indifférence totale par rapport à son héritage artistique. En lui seul, Luambo constitue un patrimoine culturel à préserver », a déclaré Herman Bangi Mbayo, un expert de la Rumba congolaise, journaliste et écrivain.

Et de renchérir : « Aujourd’hui, nous constatons que ce n’est pas dans la méditation que nous commémorons les 35 ans de la disparition de Luambo Makiadi mais plutôt dans l’oubli et l’indifférence totale. Il a urbanisé la musique congolaise. Il a ajouté des éléments modernes à la musique traditionnelle congolaise.  Il a contribué au rayonnement de notre musique sur le plan international. C’est le plus grand auteur compositeur de la rumba congolaise. Il a réalisé beaucoup d’œuvres par rapport aux autres musiciens congolais ».

 Sur le plan artistique, a témoigné Herman Bangi,  Luambo Makiadi est géniteur du style rumba odemba, en dehors de la fiesta, deux styles de la musique congolaise moderne. Pour lui, Luambo Makiadi est un peintre de la société congolaise par  les thématiques abordées dans ses chansons. 

« Luambo Makiadi a évoqué les problèmes sociaux dans ses tubes à succès. Ses chansons sont intemporelles », a soutenu Herman Bangi Mbayo. 

« Franco de mi amor », un peintre de la société congolaise

« L’artiste musicien François Lokanga Lua Ndjo Pene  Luambo Makiadi alias « Franco de mi amor », « Grand maître » demeure, 35 ans après sa disparition, un des grands peintres de la société congolaise. L’homme a ramassé toutes les thématiques de la société congolaise et était presque le seul à bien caricaturer les conflits de la politique zaïroise de l’époque. Luambo a évoqué des rivalités dans les couples mais aussi a abordé la conjoncture d’un pays en ballottage – le Zaïre de Mobutu. Bref, Luambo comme un reporter des faits divers et des peoples, continue à capter l’attention des mélomanes jusqu’aujourd’hui », a indiqué l’expert de la Rumba  congolaise moderne. 

Selon lui, la musique du grand maître Luambo Makiadi Franco a contribué énormément au savoir-vivre grâce notamment au contenu éducateur  des chansons comme « Ya Luna Umbanzila »-, -« Kinsiona »-, -« Mamou »-, -« Lisanga Ya ba Nganga »-, -« Mario »-, -« Très impoli »-, -« Tailleur »-, -« Attention na sida » pour ne citer que celles-là. 

Une  icône

Né le 6 juillet 1938 à Sona-bata dans le Kongo-Central, Franco Luambo Makiadi est un chanteur, compositeur et guitariste congolais. Il est connu pour avoir été un des maitres de la Rumba congolaise.

 Après la mort de son père, le jeune Franco abandonne le chemin de l’école pour subvenir aux besoins de la famille. C’est au sein du groupe « Watam » et à l’âge de 12 ans que Franco Luambo Makiadi débute sa carrière musicale. Il chantait en sa langue maternelle, le kikongo. En 1958, il compose la chanson « Mukoko » qui fut interdite de diffusion par les autorités coloniales pour avoir fait allusion à la décolonisation.

Luambo a marqué aussi de sa présence au sein de l’orchestre « Ok Jazz » à côté de plusieurs autres musiciens de renom, notamment Josky Kiambukuta, Ntesa Dalienst, le guitariste Simaro Lutumba et le saxophoniste Verckys Kiamuangana Mateta, etc.

Franco  avait à peu près 14 ans, les années  1953, quand il avait toqué à la porte de l’African Jazz. Kallé Jeff l’avait orienté  vers la percussion car il  savait  que Franco voulait apprendre autre chose. L’African Jazz était justement une école pour apprendre des détails.

Franco avait besoin d’étudier les mesures, la cadence, les crescendos, la grammaire musicale appliquée et les différents rythmes pour être capable d’interpréter les soupirs du son face aux exigences de son métier.

Le 12 octobre 1989, François Luambo Lua Ndjo Makiadi, connu sous le nom de Franco Luambo, décédait  aux Cliniques de l’Université catholique de Louvain (Mont-Godinne) en Belgique.

Sa dépouille avait été rapatriée au Zaïre, actuellement la RDC, où un deuil national de 4 jours avait été observé.

La rumba Odemba

L’héritage de Luambo Makaidi est à puiser dans son style de musique dénommée « la rumba Odemba », immortalisée par plusieurs stars de la musique congolaise dont Noël Ngiama dit Werrason, Le Karmapa et autres. Cette variante de la Rumba constitue aujourd’hui toute une école, l’école  dite « Ok jazz ».

De son vivant, Luambo Makiadi jouait sa guitare en sixte, une technique qui consiste à pincer plusieurs cordes à la fois. A l’époque, il était le seul à maitriser cette technique à la perfection. Avec son instrument de prédilection en bandoulière, il explorait les faits de société et dénonçait les antivaleurs avec une dose d’humour propre à lui, dans les morceaux comme « Mario », « Mamou » et « 12 600 lettres ».

Le musicien était adulé par les femmes sous le sobriquet de « Franco de mi amor » parce qu’il savait ramasser leurs préoccupations et leur règne sentimental par des textes percutants et teintés d’une certaine poésie.  Luambo Makiadi avait ses talents de poète authentique et d’un vertueux guitariste. Il n’était pas « Dieu ». Il exprimait aussi ses peines comme dans la chanson « Kisiona ».

 Durant plus de 30 ans, sa musique a connu une présence considérable en RDC et en Afrique.

35 ans après sa mort, plusieurs artistes se sont approprié son style et ses mélodies.  Jean-Jacques Kibinda Pembele alias « Karmapa » en est l’illustration parfaite. 

Cet artiste peint un tableau comme Luambo Makiadi à l’époque, cela à travers dans sa chanson « Bileyi ya mobali ».

L’artiste Karmapa, un des héritiers artistiques de feu Luambo, rappelle aux mélomanes les différents récits de femmes qui se disputaient les hommes  rapportés par le « Grand maître » dans les morceaux comme « Mario » ou « Mamou ». Aujourd’hui encore, les chefs-d’œuvre de l’artiste Luambo continuent d’agrémenter des rencontres foraines à travers la ville province de Kinshasa, en République démocratique du Congo et à travers le monde. ACP/JF

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