Kinshasa, 11 avril 2022 (ACP).- A 82ansle guitariste solo Antoine NeduleMontswet« Papa Noël »dispose d’un bilan et d’un héritage à léguer aux générations montantes d’Afrique et des Caraïbes. Et c’est dans la mesure où cet artiste talentueux est cité de tout le temps parmi les pionniers de la musique congolaise qui ont marqué l’époque par une inspiration ayant contribué à la création des partitions rythmiqueset des arrangements musicaux inédits.
Papa Noël qui vit en France, avec ses 69ans de carrière musicale,est l’un des plus grands stylistes congolais de la guitare solo. Constructeur d’une grande finesse, il a une sûreté rythmique et harmonique exceptionnelle, à en croire MM. Joseph Pululu et Clément Ossinondé, tous deux chroniqueurs de musique, ayant œuvré pour le compte de Mbokamosika et PageAfrik.
Il a marqué la discographie africaine, sous son nom ou en orchestre dans son parcours.Papa Noël a traversé toutes les époques de la rumba. Suite au décès de Franco, après onze ans passés dans le TP OK Jazz, il s’installe en Europe, où il réside depuis un quart de siècle.
Le parcours d’Antoine Nedule, peu commun, épouse l’histoire de la rumba congolaise, selon ces chroniqueurs qui soulignent que le nom de Rock-a-Mambo est aujourd’hui tombé dans l’oubli en affirmant que très peu de personnes s’en souviennent encore aujourd’hui. Même Manda Tchebwa, dans son excellent ouvrage « Terre de la chanson » consacré à toute la musique congolaise moderne, ne consacre à ce célèbre groupe, que deux pauvres paragraphes au détour d’une évocation de la figure de Grand Kallé.
Les maîtres de cette classe de surdoués de la musique congolaise moderne, ont pour noms, au départ Essous Jean Serge, Papa Noël Nedule et Rossignol Cantador. Dans la généalogie de la musique congolaise moderne, cette branche n’a pas connu l’heureux parcours des écoles Ok Jazz et African Jazz.
Presque tous les groupes issus de ce style n’ont pas survécu à la vague des jeunes des années 70/80, le Rock-a-mambo véritable école de la musique congolaise, au même titre que l’African Jazz et l’OK Jazz, est un orchestre de studio, dans lequel passeront même le Grand Kallé, Nico Kassanda et son frère DéchaudMongalaMwamba, DewayonEbengoIsenge et son frère Johnny Bokelo, Vicky Longomba et bien d’autres.
La plupart des groupes qui en sortiront, n’ont pas survécu à la vague dévastatrice de la musique jeune des années 70/80 : Vox Africa, Bamboula, Cobantou et Conga, Dynamic Jazz et, de l’autre côté du fleuve, à Brazzaville, le Congo Jazz, les Bantous et les Négro band. Leurs leaders ne connaitront pas non plus le destin heureux de Rochereau et Franco – Bombenga, Dewayon, Essous, Bokelo, Rossignol Cantador.
Rescapé de ce naufrage, l’insubmersible Papa Noël, qui tel le phénix, se fait un malin plaisir de renaître à chaque décade pour marquer l’espace musical de ses solos et riffs.Papa NoëlNedule est donc, le dernier des fédérés, à l’instar de ces cow-boys, qui revenaient de nulle part, croyant que la guerre de sécession n’était pas fini, alors qu’elle l’était depuis belle lurette. Dernier des Rock-a-Mambo, alors qu’Essous Jean Serge « 3S » a posé son sax, Papa Noël continue de travailler ses accords, de créer de nouvelles sonorités comme celui qu’il nous propose avec son dernier album salsa « Patchanga » Café Noir.
Le dernier dépositaire du style Rock-a-mambo a encore beaucoup à dire. Même s’il a eu le temps de faire la jonction entre ce qui reste de son école, avec la fiesta de l’African Jazz et l’Odemba de Franco et l’OK jazz. Son album Tangawisi joué avec l’Ok jazz et Baninga interprété avec le groupe Kékélé, produit sur la place de Paris, à des décennies d’intervalle, sont certifiés.
Chacune de ses créations porte la marque « Rock et Mambo », ce saccadé particulier « made in Lipopo ».Depuis la place de Paris, avec Kékélé, il a revalorisé la guitare sèche et remis au goût du jour les sons d’origine de la rumba congolaise.Papa Noël reste un « catalogue » (mannequin dirait-on aujourd’hui).
Bien sûr qu’à certains moments, il arbore un crâne rasé, à la Ray Lema ou à la Manu Dibango. Dernière coquetterie, pour ce Molobo de Lipopo qui a longtemps arboré une coiffure à la « Djonal » – une influence de Johnny Halliday – son signe distinctif pendant longtemps dans la galaxie musicale congolaise.
Nedule Montswet Papa Noël reste un témoin et un combattant – le dernier des fédérés – a encore des choses à nous dire, sur la genèse de la rumba congolaise, sur ses accointances avec Béa la Capitale (Brazzaville), mais aussi sur son statut de « pousseur » et de bâtisseur de styles musicaux : les Bantous de la capitale naissant, feront appel à lui, pour se démarquer du style Odemba.
Grand Kallé lui a donné l’occasion d’expérimenter le style Fiesta, avec le tube Moselebende, et Bamboula, son groupe, lui a permis de mettre sur pied un orchestre au style original, avec lequel il a représenté le Congo au Festival d’Alger en 1968.Mais l’homme n’a pas que des qualités. On lui prête une certaine instabilité artistique. PapaNoèl partage avec Sam Mangwana, le statut peu envié de « pigeon voyageur ». Celan’empêche qu’il est, en tout cas, l’un des rares artistes à avoir prolongé sa carrière aussi bien dans la vieille école de l’OK Jazz, qu’avec les artistes de la nouvelle génération comme Papa Wemba ou Carlyto qu’il a accompagnés en studio.
On l’appelle Noël parce qu’il est né le 25 décembre 1940. Enfant timide, il grandit dans la capitale du Congo belge, Léopoldville, alors en pleine expansion. Il prend goût à la musique grâce à sa mère, qui adore les airs cubains. À l’école, on lui enseigne le solfège et il chante à l’église catholique. Près de chez lui vit Daniel Lubelo, alias De la Lune, guitariste averti qui prendra bientôt la basse dans l’OK Jazz. Attiré par sa guitare, Papa Noël apprendra comment jouer l’accord de do majeur. Mais le jour où De la Lune trouve le garçon en train de s’exercer sur sa guitare alors qu’il s’était absenté, sa colère lui fait lancer des mots très durs. Pour consoler son enfant meurtri, sa mère lui offre alors une guitare.
On le place généralement dans « L’Ecole African Jazz », dont il est avec Emmanuel Tshilumba Wa Baloji « Tino Baroza» et Nicolas Kasanda « Dr Nico » les meilleurs de cette « Ecole » (mis à part, son ami d’enfance, le prestigieux rythmicien aux accords les plus difficiles, et dont on en parle que très peu ; le regretté Raymond BrainckKalonji).
Plusieurs mérites à son actif
«Papa Noël a été (grâce à l’inspiration de JS Essous) à l’origine de la création d’une troisième école dans la musique congolaise : « L’Ecole Bantous », dont il a connu la part la plus merveilleuse de sa carrière, et qui a eu du mal à trouver des émules – avant que n’arrive Gerry Gérard Biyela, dont le doigté ne s’apparentait que très peu.
Au-delà d’être Lauréat du « Prix national du mérite de la culture et des arts, en 1973 Antoine NeduleMontswet « Papa Noël », dont on connaît effectivement, la grande valeur dans l’animation artistique et dans l’élaboration d’une bonne musique orchestrée et harmonisée, se voit confier par la présidence de la République (Zaire/ Congo), une tâche absolument noble : La réalisation d’une Anthologie de la Musique Zaïroise (congolaise) en mobilisant les pionniers des années 50 « « BakoloMiziki » encore en vie à cette époque.
Notamment, Antoine WendoKolosoy – Camille Feruzi – Manuel D’Oliveira – Lucie Eyenga – Léon Bukasa, et AdouElenga. Ils vont réaliser deux albums dans lesquels seront repris leurs chefs d’œuvres d’antan (1950 – 1958).
Cette réédition est un véritable succès et une reconnaissance bien méritée pour le directeur artistique de l’œuvre : Antoine NeduleMontswet « Papa Noël » Mais, une reconnaissance qui ne sera pas suivie d’effet au sujet de l’activité du groupe « BakoloMiziki » s’étant arrêtée nette après la sortie des deux albums (Vol.01 et 02). ACP/Kayu/OB/JFM/SGB/MMC