Bingema, icône du mouvement Yankee et homme de l’ombre de la musique congolaise (Un historien congolais)

Kinshasa,  2 juin 2025 (ACP).– L’icône du mouvement Yankee  à Léopoldville, ancienne appellation de la capitale de la République démocratique du Congo, et garde du corps des grands musiciens congolais, Bingema, dit « Big Man », a marqué l’histoire urbaine kinoise par ses capacités de bouclier en faveur de ses proches, a révélé lundi,  un  historien contacté par l’ACP.

« Bingema n’était pas musicien, mais sans lui, bien de concerts emblématiques du Trio Madjesi, de Bella Bella ou de Vévé n’auraient pas eu la même énergie ni la même sécurité. Il était à la fois le bouclier et l’aura dans l’ombre », a affirmé Franklin Mokho, chercheur en histoire contemporaine et spécialiste des mouvements sociaux populaires de la RDC.

Né entre 1943 et 1945, Bingema,  de son vrai nom Emmanuel Mbingha,  s’est imposé dès la fin des années 1950 dans le quartier Citas/Casamar à Barumbu, haut lieu des Yankees et Bills à Léopoldville.

Aux dires de Flanklin Mokho, ce jeune, fier et structuré, s’organisait autour de codes d’honneur pour défendre les territoires communaux, régler les différends de rue et parfois collaborer avec la police pour contenir les dérapages urbains.

« À Kitambo, commune culturelle par excellence, Bingema rejoint un cercle restreint de figures redoutées et respectées, Porrain, Degoum, Bicros, Santos, Zanga Zanga… Mais c’est lui qui se distingue par sa carrure impressionnante, son regard à la fois discret et tranchant, et sa réputation d’invincibilité», a-t-il fait savoir.

Son surnom de Big Man, ajoute-il, lui vient de ses exploits physiques et de son rôle de médiateur dans plusieurs conflits de rue. À force d’autorité et de loyauté, il a attiré l’attention des milieux artistiques, devenant portier et garde du corps personnel de Verckys Kiamuangana Mateta, mais aussi de feu Soki Vangu et d’autres piliers de la scène musicale congolaise. Bingema accompagne les tournées, sécurise les entrées de scène et devient un repère pour les artistes comme pour les fans.

Selon Franklin Mokho,  Bingema était aussi cité dans plusieurs chansons. Il représentait un symbole de force tranquille, respecté même par ceux qui ne partageaient pas ses méthodes.

Et de poursuivre que : «le système de collaboration instauré à l’époque entre les autorités et certaines figures des quartiers populaires permet à Bingema de jouer un rôle stratégique dans la lutte contre les kulunas, contribuant à stabiliser des zones sensibles de la capitale».

Une fin discrète, mais mémorable

Âgé de plus de 83 ans, Bingema s’est éteint récemment, dans la discrétion. Sa disparition, bien que peu médiatisée, fait réaliser à quel point certaines figures populaires, sans jamais prendre le micro, ont contribué à écrire l’histoire de la musique congolaise par leur présence incontournable.

« Il n’était pas une star sur scène, mais dans les coulisses, il était une légende vivante », a conclu Franklin Mokho.

Son héritage se prolonge à travers son fils, Hugo Bingema, instrumentiste dans l’orchestre Zaïko Langa Langa.

ACP/JF

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