Hommages mérités soient rendus aux Français Denis Pryen et Robert Ageneau, fondateurs, en 1975, des Editions L’Harmattan à Paris, pour « inciter les intellectuels africains à revaloriser la culture de l’écrit et des belles-lettres, à permettre aux auteurs africains la possibilité de publier ».
Hommages appuyés soient également rendus au Congolais Léon Matangila Musadila qui, en moins de trente ans après, dérouta ce « ce vent d’est, chaud et sec, originaire du Sahara et soufflant sur l’Afrique occidentale », vers Kinshasa, capitale d’un pays que baigne un des plus majestueux fleuves au monde.
Ce docteur d’Etat en philosophie de la Sorbonne, en France, et professeur des universités, déroule, dans un entretien , ses souvenirs : « Nous avions commencé en titubant en 2OO4, puis ça a commencé à prendre corps en 2009 » Ces seuls seize mots attestent la naissance de L’Harmattan RDC/Editions & Librairie.
Une naissance que sublime cette devise : « …être au carrefour de la diversité culturelle africaine et congolaise pour la transformation sociale des femmes et des hommes par le biais de la culture. Ainsi, contribuer modestement, particulièrement pour l’Afrique, à l’émergence d’une élite capable de se prendre en charge et de prendre véritablement en charge notre commun destin. Ce qui implique de mettre à la disposition des générations futures un héritage culturel qui sert de mémoire collective. »
Une trentaine d’ouvrages par an
Lui-même auteur d’une riche brochette d’ouvrages, chez L’Harmattan, le Pr Matangila justifie ses choix : « Ce qui nous a motivé à ramener L’Harmattan en RDC, ce vent qui souffle, qui transporte l’élite à son passage pour éclairer l’humanité, pour éclairer le monde, c’est qu’aucun pays ne peut sortir de son marasme sans l’implication de ses filles, de ses fils et d’abord de son élite » Et d’être encore plus précis, avec un clin d’œil à l’élite congolaise : « Quand nous avons décidé de la recevabilité de votre livre, il n’y a plus personne pour rejeter ça. Ca va directement tout droit chez l’imprimeur à Paris. L’avantage, c’est que L’Harmattan RDC est une véritable école, école de formation, école d’encadrement, école d’accompagnement et d’encouragement des auteurs. C’est impliquer à la fois l’élite africaine, l’élite congolaise, l’élite internationale, et les former, les encourager pour que leurs pensées, leurs cogitations pour résoudre les questions de la vie qui se posent à nous, s’étalent au niveau international. Comme ça, elles s’impliquent pour le devenir humain. Elles deviennent davantage des acteurs de notre histoire commune et collective ».
L’Harmattan RDC, c’est d’abord l’édition, ensuite la librairie. Les publications fleurissent le tapis. C’est le boom éditorial, avec un catalogue bien fourni. C’est la très bonne nouvelle. La République démocratique du Congo, se réjouit le Pr Matangila, « c’est le pays qui produit le plus d’ouvrages au niveau de L’Harmattan à Paris. Des ouvrages de qualité. »
La moyenne de publication est de trente ouvrages par an. Côté sombre de la médaille, ces « produits de qualité » manquent des consommateurs. C’est la mauvaise nouvelle.
La librairie passe des mois et des mois sans vendre, sans que les gens passent acheter des livres. Et pourtant, ce sont des livres qui couvrent tous les secteurs de la vie, publiés par L’Harmattan ou d’autres maisons d’édition que l’on peut facilement acheter ou commander.
A qui la faute ? Au pouvoir d’achat qui ne permet pas aux Congolais de se procurer ces œuvres de l’esprit ? Ou peu d’intérêt que l’on porte aux livres ? Par manque de financement et des subventions publiques, des textes de qualité ne sont pas publiés. Des auteurs s’astreignent à se prendre en charge et promeuvent eux-mêmes leurs œuvres.
Ces difficultés n’entament nullement pas la détermination du Pr Léon Matangila Masudila à contribuer à la construction du Congo de demain : « L’intérêt le plus important, c’est que la première richesse d’une nation, c’est la formation de l’homme…On ne peut pas changer ce pays sans que notre élite ne soit formée qualitativement et ne s’impliquent pas aussi qualitativement ».
Ce maitre en théologie de l’Institut catholique de Paris, sans tancer qui que ce soit, lance alors cette incantation : « Je demande à ceux qui veulent vraiment se former par eux-mêmes, pour eux-mêmes, et, pour être utiles à la Nation, qu’ils viennent vers nous. » Rendez-vous sans protocole au numéro 185 bis de l’avenue Kabambare, dans la commune de Lingwala, à Kinshasa, ou pullulent des enseignes plus bruyantes, plus attractives, plus ouvertes au grand public que ces deux simples mots, bien inscrits et bien visibles, sur un immeuble à étage : Le Harmattan RDC. ACP/