Franco Luambo Makiadi,  un passionné du vécu quotidien de ses compatriotes

Kinshasa, 11 octobre 2022 (ACP).- 33 ans jour pour jour depuis la disparation, le 12 octobre 1989 à Mont-Godinne, en Belgique, de François Lua Ndjo Makiadi mieux connu sous les noms de Luambo Makiadi, Franco ou Grand Maitre,  pour qui les mélomanes de Kinshasa et de Brazzaville ont encore frais en mémoire de ses œuvres phonographiques exultant la passion pour le vécu quotidien de ses compatriotes.

L’artiste musicien et guitariste dont l’héritage musical perpétuel et intemporel traverse les générations, naquit le 6 juillet 1938 à Sona-bata dans la province du Kongo central, d’un père Anamongo et d’une mère Ne Kongo. Ce fut un enfant fragile, raison pour laquelle sa mère le surnomme Makiadi et il deviendra plus tard l’Okanga Lwa Djo Pene Luambo Makiadi suite à la politique de recours à l’authenticité. Converti à l’Islam en 1981, il deviendra à l’insu de ses fans Aboubakar Sidiki, nom qu’il ne gravera jamais sur ses disques.

« Ce sorcier » de la guitare comme le surnommaient certains de ses fans, a fait ses débuts dans la musique à 15 ans, non loin de la parcelle familiale de la rue Bosenge n° 100, dans la commune de Ngiri-Ngiri,  où sa maman était locataire. Il intègre le groupe Watam d’Ebengo Dewayon  sous le joug de la maison Loningisa puis rejoint l’OK Jazz où il devient à la fois auteur compositeur, chanteur, guitariste, conteur, éditeur meneur d’hommes et dérangeur.

Il se forge un style de guitare qui lui est propre et est parmi les premiers Congolais à avoir joué de la guitare électrique vraisemblablement le premier qui l’ait fait contrairement à d’autres groupes célèbres. Il va vite s’imposer sur l‘échiquier musical national, et même africain.

Sa notoriété semble encore intacte suite à l’immensité de son œuvre qui met souvent en exergue le vécu quotidien de la société kinoise et qui décrit les faits de société comme le manque de bonnes manières « Ozalaka très impoli » (Tu as toujours été très impoli) ou encore la jalousie « Mbanda akoti kikumbi » (Ma rivale fréquente des maisons occultes contre moi)

 Franco artiste féministe et analyste politique en avance sur son temps

Fin observateur de la vie au quotidien, il se fait combattant pour les causes féminines avec des correspondances de plus de 12.000 femmes africaines lui racontant les relations conflictuelles qu’elles entretenaient avec leurs rivales ou avec les sœurs de leurs époux. D’où la chanson intitulée « 12.600 lettres ».

Franco s’est même attaqué à pas feutré à la gouvernance même de son pays. Mais, en se servant des métaphores pour dénoncer les antivaleurs qui gangrenaient la classe politique de l’époque à travers le tube « Tailleur », un pamphlet à l’endroit de cette élite s’accrochant à des postes. « Olobaki trop na esika yango, bati yo pembeni, loba lisusu, papa » (que reste-t-il de ton arrogance maintenant que tu viens d’être révoqué de tes fonctions?).

Dans la même ligné il y a le titre « Lettre à Monsieur le DG » de l’album « Lisanga ya banganga » (Retrouvailles des grands prêtres, en lingala), sorti en 1985 et enregistré avec, le chanteur-compositeur Pascal Tabu Ley Rochereau, patron de l’orchestre Afrisa International dont le refrain retient l’attention des mélomanes « Ozalaka kaka moto, DG » (tu n’es qu’un être humain DG». Et de poursuivre : « Entourage esalaka mabe po nini ? » (L’entourage cause du tort, pourquoi ?). Une pratique à la mode dans un Zaïre où des chefs sont protégés dans leurs domaines par des hordes de courtisans.

« Devenu maître de sa guitare, Luambo a apprivoisé toute la société africaine et congolaise. Il va censurer et vilipender tout le monde et toutes les couches sociales. Chacun se sentira visé dans sa chanson. Il débordait même au point d’être rappelé à l’ordre par la justice », déclara peu après sa mort, Oscar Tatanene Manata, ambassadeur du Zaïre (RDC) aux États-Unis

Le Grand Maître « Franco Demi Amor », affublé de l’appellation « Sorcier de la guitare » est un des monuments africains de cet instrument à corde avec d’innombrables disques enregistrés en lingala et en Kikongo.

ACP/KHM/CDN

Fil d'actualités

Sur le même sujet