Kinshasa, 25 avril 2022(ACP).- Emotion, tristesse, mélancolie, allégresse constituent les maitres mots de la peinture d’une nostalgie portée pour l’artiste chanteur Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, alias Papa Wemba, une icône de la rumba congolaise dont les mélomanes se souviennent ce 24 avril 2022 du sixième anniversaire de son décès.
A tout seigneur, tout honneur, le gouvernnement congolais, vient de cristalliser cette reconnaissance par l’achat de la villa de Papa Wemba, située sur l’avenue Fôret n° 16, au quartier Macampagne/Joli Parc, dans la commune de Ngaliema, à Kinshasa, en marge de la célébration de la « Journée africaine de la musique », commémorée le 24 avril de chaque année depuis 2016, et initiée par les ministres de la Culture de l’Union africaine, réunis à Addis-Abeba, en Ethiopie, un mois et demi après le décès de Papa Wemba. C’était aussi pour rendre hommage à cette star mondiale de la musique.
S’exprimant à l’occasion de cette Journée prévue le 24 avril prochain, dédiée, à la défunte star congolaise Shungu Wembadio dit « Papa Wemba », la ministre de la Culture, arts et patrimoines, Catherine Kathungu Furaha, a renseigné que l’initiative d’acquisition de cette résidence par l’État pour sa musealisation est une pratique innovante pour la RDC comme c’est le cas pour presque tous les grands artistes sous d’autres cieux, dont les résidences deviennent des musées ou encore des galeries d’art, notamment les maisons de Victor Hugo et de Napoléon en France, devenus des patrimoines et sites touristiques.
Mme Kathungu Furaha a souligné que cette nouvelle propriété de l’État est une expression de l’immortalisation du roi de la Rumba congolaise, car cet espace auparavant privé va regorger des éléments relatant l’intimité du vécu personnel de l’artiste, à laquelle vont s’ajouter des œuvres achevées, des projets, des instruments et outils de travail, tout ce qui atteste le processus créatif de l’artiste.
La visite de ce musée va évoquer chronologiquement le parcours du Kuru avec des espaces spécialement conçus qui seront aménagés pour accueillir différents types de collections ainsi qu’un studio de musique.
L’idée du rachat de cette parcelle est d’en faire un musée de la rumba congolaise, comprenant un studio d’enregistrement pour les musiciens, soutient le biographe officiel de Papa Wemba, Jean-Paul Ilopi, qui souligne pour sa part, que sa fierté est de voir ce lieu devenir une propriété du peuple congolais.
L’artiste chanteur congolais Félix Wazekwa a été chargé par la ministre de la Culture, arts et patrimoines, de préparer un répertoire des chansons célèbres de Papa Wemba que devraient interpréter plusieurs artistes invités à un concert commémoratif.
Né sur les aires de la rumba
Né en 1949 juin dans le Grand Kasaï, Papa Wemba est un artiste charnière pour le continent africain. Initié au chant et à la musique par une mère pleureuse professionnelle, il chante d’abord dans une chorale paroissiale avant de faire le tour des groupes de rumba de Kinshasa dans les années 60.
Dans les années 1950, la rumba congolaise dominait le continent et si elle est toujours aussi présente sur la scène africaine, c’est notamment grâce à Papa Wemba qui, avec le groupe ZaïkoLangaLanga – qu’il intègre en 1969 – a dépoussiéré une rumba un peu languissante, notamment en l’électrisant.
Aux côtés de Pépé Fely Manuaku et Jersy Jossart Nyoka, Papa Wemba est l’un des membres fondateurs de l’orchestre Zaïko Langa-Langa : c’est le point de départ de la troisième École de la musique congolaise moderne. Résolument avant-gardiste en même temps qu’il est attaché à la tradition musicale de son pays, il enrichit la musique congolaise moderne par des emprunts aux musiques des terroirs et par l’introduction d’instrument traditionnel tel le lokolé.
Créant la rumba-rock, une fusion de rumba et de pop-rock, il sort la musique congolaise des sentiers battus et devient le porte-étendard de la culture congolaise sur la scène internationale, marquée des empreintes de cette dernière. Sachant se départir des thèmes habituels de la rumba congolaise, Papa Wemba n’hésite pas à scruter son temps avec une acuité de sociologue.
En témoigne la chanson « Esclave » composée pour soutenir la lutte contre l’apartheid. À travers ce livre sans complaisance présentant de manière vivante la carrière de Papa Wemba, le lecteur comprendra pourquoi depuis quarante ans, ce chanteur, par son style, sa personnalité et sa voix parmi les plus belles d’Afrique, ne cesse de susciter l’admiration des mélomanes du monde entier.
Papa Wemba se revendiquait aussi de la musique anglo-saxonne et admirait le rock américain, lui qui se faisait appeler Jules Presley au début de sa carrière musicale, rappelle-t-on. Il dynamise les rythmes, évacue les instruments à vent et accélère le tempo. Il s’est aussi essayé au soukouss, au ndombolo jusqu’à la «world music», dont il devient une star grâce au coup de pouce de l’anglais Peter Gabriel, avant de revenir à la rumba.
Le musicien était le fondateur du label et du groupe Viva la Musica, en 1977, et on lui doit les tubes Analengo, en 1980, son premier succès panafricain, et plus tard Maria Valencia ou encore Yolele, emblèmes de la «world music». C’est le coup de pouce du musicien Peter Gabriel qui le fait mondialement connaître.
Papa Wemba est le deuxième musicien africain, après TabuLey Rochereau -un autre Congolais-, à signer avec le fameux label Real World fondé par le Britannique qui lui propose d’ailleurs de faire les premières parties de ses concerts.
On lui doit également l’essor de la SAPE, la Société des ambianceurs et personnes élégantes, dont il fut l’une des figures. Le dandysme excentrique et coloré devient sa marque de fabrique.
Brillant jusqu’au moindre détail, jusqu’au revers de la veste. Ce mouvement, né au Congo-Brazzaville au moment des Indépendances, a pris son envol grâce à la diaspora zaïro-congolaise en Europe, notamment en France et en Belgique. C’est d’abord une mode vestimentaire, mais aussi un art de vivre dont sa chanson Matebu est devenue l’emblème.
Artiste touche-à-tout, Papa Wemba s’est aussi essayé au cinéma. Le musicien, qui vient de s’installer en France, joue au milieu des années 1980 dans le film franco-zaïrois La vie est belle –dédié aux habitants de Kinshasa-, où il tient le rôle principal et dont il compose la musique. ACP/Kayu/OB/JFM/MMC