Zaïko Langa Langa : 54 ans d’une légende musicale de la jeunesse kinoise (Par Arthur Kayumba)

Kinshasa, 26 décembre 2023 (ACP).-Plus qu’un groupe, Zaïko Langa Langa est un véritable orchestre qui a traversé le temps pour devenir une incontestable institution, voir un patrimoine. Kinshasa, 1974, Ali/Foreman, le combat de boxe du siècle. Zaïko était déjà là, sur scène, aux côtés des James Brown et autres Tina Turner pour le grand concert de cette rencontre historique. Un grand parmi les grands. Après l’African Jazz de Monsieur Kabasele et le OK Jazz de l’illustre Franco, Zaïko Langa Langa peut être considéré comme la troisième école de musique congolaise.

Une  scène s’est déroulé un jour de l’année 1969 au croisement des avenues Gambela et Eyala, en diagonale de la résidence de la famille Manwaku. Marcellin, d’un bond, s’y engouffre pour enrôler le jeune Félix en qualité de guitariste.

La guitare était une affaire de père à fils dans la famille Manwaku où le Papa et les garçons y excellaient avec beaucoup de maîtrise. Mais, aussi paradoxale que cela pourra paraître, l’accord du guitariste fit perdre confiance au fondateur qui, mesurant l’ampleur des responsabilités (surtout financières) qui lui incomberaient à l’avenir, voulu tout plaquer.

Marcellin était encore élève, sans ressources sûres. Il en fait part à son copain Nzinga Gaby qui l’encourage à persévérer promettant même de l’aider dans la mesure de ses possibilités et joignant l’acte à la parole, il lui remet la somme de 2 zaïres, laquelle allait servir plus tard comme moyen de transport pour ramener le chanteur Jershy-Jossart au siège de l’orchestre.

Le lendemain, Marcellin, accompagné de Bita André, en informe son neveu Mongombe Henri surnommé « Baguino », qui fut très enchanté. D.V Moanda, qui lisait tranquillement « Astérix », la bande dessinée en vogue (avec Tintin) à l’époque, se redresse d’un trait, intéressé lui aussi. Il s’enquiert de la composition de l’orchestre. Marcellin lui explique : « Il y a déjà José (N’Yoka Longo) et Félix (le guitariste Manwaku Waku) que j’ai enrôlés hier soir. Mais José habite le quartier 13 dans la commune de N’Djili, il nous faut le retrouver coûte que coûte ».

Le fondateur tenait au longiligne José, lequel portait déjà le pseudonyme de Jershy-Jossart, à cause de son extraordinaire talent d’auteur compositeur. Le cahier contenant ses 250 chansons que Marcellin gardait comme des minerais rares en était la preuve la plus tangible. Déjà, dans « Belguid National », le dirigeant Delo Ngambo Marcellin et l’artiste Jershy-Jossart s’étaient mis d’accord pour délester le volumineux répertoire de quelques-unes de ces chansons. Aussi, prirent-ils langue avec monsieur Mputu Freddy, le responsable de la société Philips pour le besoin de la cause.

La démarche était soutenue par Longo Christine, la sœur aînée du chanteur qui y œuvrait en qualité de secrétaire administrative. Marcellin et Jershy-Jossart ont, incompréhensiblement, abandonné le projet après que monsieur Mputu ait émis le souhait d’auditionner les chansons proposées.

Henri Mongombe et D.V Moanda étaient des amis intimes et inséparables. Frère-aîné du guitariste Gégé Mangaya, Henri « Baguino » travaillait au ministère des Travaux publics. C’est ainsi qu’il devint le premier support financier de l’orchestre. Il propose son ami Moanda Daniel-Vital « Devitaux » surnommé aussi D.V, pour le remplacer pendant ses heures de service ; mais Marcellin s’y oppose farouchement : « – Je ne veux pas de ce mangeur de noix de kola », proteste-t-il avec véhémence ;

« Mais non ! Il est entreprenant, courageux et grand organisateur. Je réponds de lui », assurera « Baguino » qui parviendra finalement à convaincre son oncle Delo Ngambo Marcellin.

« Depuis plus de trois ans, l’orchestre existe, mais en désordre : un mois de répétition, deux mois de discorde, c’était là, la vie qu’a menée l’orchestre Zaïko encore sous la dénomination de Belguid National ». 

Très vite le chanteur Jershy Jossart jugera le groupe sans avenir et prendra ses distances. Toutefois, il viendra tous les week-ends chercher son ami Gégé Mangaya pour l’accompagner aux productions de l’orchestre Thu Zaïna où il prestait déjà comme bassiste.

Devant les contre-performances de « Belguid National », Delo Ngambo Marcellin décide de se débarrasser des incompétents. Il sera violemment pris à partie par ces derniers au point d’en venir aux mains avec le surnommé « Moustique », chanteur Pop de l’orchestre. Son cousin Bita André, qui assistait à la scène, s’interpose pour les séparer. C’est alors que le surnommé Dutronc, deuxième chanteur pop de l’orchestre, fera basculer la discussion en faveur de son collègue en lui disant : « t’inquiètes pas copain, s’il y a quelqu’un qui doit quitter le groupe, c’est bien lui parce qu’il nous y a trouvé ». Marcellin appréhenda, à sa juste valeur, la pertinence des propos de Dutronc et prit instamment la décision de mettre sur pieds un groupe musical qui l’appartiendrait de plein droit.

Rappelons qu’il ne restait qu’à obtenir l’accord de Gégé Mangaya pour que le projet se concrétise. Avec ses quatre guitares sèches et sa maîtrise dans le maniement des instruments à cordes, Gégé était incontournable. Il se positionnait également comme une bouée de sauvetage pour les musiciens désireux d’éclore. Son refus de répondre par l’affirmative à la requête qui lui a été présentée mettrait un frein au rêve de Marcellin, Bita André, Mongombe Henri et D.V Moanda. Dieu merci, Gégé manifesta un grand intérêt au projet qui prit corps le 24 décembre 1969.

Henri et D.V étaient, à l’époque, conseillers (technique pour le premier et chargé de la propagande pour le second) de l’orchestre Thu Zaïna, lequel planait outrageusement sur les groupes musicaux des jeunes de Léopoldville.

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