Kinshasa, 10 janvier 2025(ACP).- Le gouverneur de l’État régional de Tachira au Venezuela a annoncé vendredi la fermeture de la frontière avec la Colombie pendant trois jours, invoquant un «complot international», quelques heures avant l’investiture contestée du président Nicolas Maduro pour un troisième mandat consécutif, a appris l’ACP des médias internationaux.
«Nous avons des informations concernant un complot international visant à troubler la paix des Vénézuéliens ; nous allons ordonner, sur instruction du président Nicolas Maduro, la fermeture de la frontière avec la Colombie», a déclaré Freddy Bernal, gouverneur de l’État régional de Tachira.
« La fermeture est effective à partir de 5h, heure locale (9h TU) jusqu’à lundi 13 janvier à la même heure », a-t-il ajouté.
Cette annonce intervient quelques heures avant la cérémonie d’investiture de M. Maduro, à la mi-journée, au lendemain de manifestations de l’opposition qui conteste la victoire du socialiste de 62 ans à la présidentielle du 28 juillet, dont la proclamation a été suivie de troubles meurtriers et de milliers d’arrestations.
Le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, assure avoir remporté ce scrutin et a répété jeudi, de la République dominicaine, qu’il était le « président élu ». Sans faire plier celui qui a succédé en 2013 à Hugo Chavez et dirige depuis d’une main de fer le Venezuela.
« El 10, juro con Maduro por el futuro » (le 10, je prête serment avec Maduro pour l’avenir) : le slogan en rimes faciles à retenir a été placardé sur de nombreux murs pendant des semaines. Jeudi dernier, le pouvoir a enfoncé le clou, avec une marche de soutien au président sortant qui a traversé une partie de la capitale.
Enlèvement
La manifestation de l’opposition a réuni des milliers de personnes qui criaient « nous n’avons pas peur ! » ou tenant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « la liberté ne se mendie pas, elle se conquiert ».
Elle a donné lieu à une certaine confusion en fin de journée quand l’opposition a annoncé la « violente » arrestation de sa cheffe Maria Corina Machado.
Quelques dizaines de minutes plus tard, l’équipe de l’opposante annonçait sa libération : « En quittant le rassemblement, Maria Corina Machado (…) a été emmenée de force. Pendant son enlèvement, elle a été forcée d’enregistrer plusieurs vidéos et a été relâchée par la suite ».
Le pouvoir a démenti cette version des faits, le procureur général Tarek William Saab dénonçant « une opération psychologique en vue de déclencher la violence au Venezuela » et rappelant que Mme Machado était visée par une enquête pénale.
La cheffe de l’opposition vivait dans la clandestinité depuis la présidentielle à laquelle elle n’avait pas pu se présenter parce que déclarée inéligible. Elle a soutenu la candidature de M. Gonzalez Urrutia, qui s’est exilé en septembre.
Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé M. Maduro vainqueur avec 52% des voix mais sans publier les procès-verbaux, se disant victime d’un piratage informatique, une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs.
L’annonce du CNE avait provoqué des manifestations dans tout le Venezuela, durement réprimées. Les troubles post-électoraux se sont soldés par un bilan de 28 morts, de plus de 200 blessés et de 2.400 personnes arrêtées pour « terrorisme ».
Une vague d’arrestations a également eu lieu dans les jours qui ont précédé l’investiture du chef de l’Etat.
L’armée, pilier du pouvoir
Comme pendant les manifestations de 2014, 2017 et 2019, qui ont fait plus de 200 morts, M. Maduro a pu compter sur le soutien de l’armée, un pilier de son pouvoir, ainsi que sur une justice aux ordres.
Il avait même activé un plan national sécuritaire comprenant toutes les forces de sécurité (armée, police, milices, paramilitaires, etc.) après avoir dit être la cible de nouveaux complots.
Le président socialiste, qui a promis au cours de sa campagne électorale une amélioration de la situation économique, devra trouver des solutions pour renouer avec la croissance, le Venezuela ayant enregistré une contraction de son PIB de 80% entre 2013 et 2023.
Isolé sur le plan international, il lui sera difficile de faire lever les sanctions qu’il devra donc tenter de contourner afin d’exploiter les immenses réserves pétrolières du pays sans avoir à les brader en raison de l’embargo.
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a, à cet égard, déploré un nouvel acte inacceptable de répression du régime de M. Maduro, « dont nous ne reconnaissons pas la victoire électorale proclamée », après l’interpellation, la veille, de Mme Machado.
« Les aspirations légitimes à la liberté et à la démocratie du peuple vénézuélien doivent finalement devenir réalité », a-t-elle encore dit.
Le chef de l’Etat vénézuélien a par ailleurs promis des révisions constitutionnelles qui comportent des dispositions que de nombreuses ONG jugent liberticides et à même de fragiliser la démocratie. ACP/JF