Kinshasa, 15 juin 2025 (ACP).- La dette publique de la République démocratique du Congo, contractée auprès des institutions financières internationales, a été considérée, dimanche, par un économiste, comme une opportunité de mobiliser davantage de ressources financières, d’accélérer la transformation structurelle et de soutenir la diversification de l’économie, lors d’un entretien avec l’ACP.
« Mais le véritable enjeu n’est pas tant le niveau de la dette que l’usage qui en est fait. Tant que les emprunts financent des projets à fort rendement économique et social, l’endettement constitue un levier de développement. La RDC dispose ainsi d’une fenêtre d’opportunité pour mobiliser davantage de ressources, accélérer la transformation structurelle et soutenir la diversification de son économie », a déclaré Jonathan Muya Kupa, doctorant en économie à l’Université de Kinshasa.
Selon lui, la dette publique de la RDC est parfois qualifiée de « surrendettée » par certains analystes. Cette appréciation repose souvent sur une comparaison en volume absolu entre 2013 et 2025, sans tenir compte du critère fondamental : le ratio dette/produit intérieur brut (PIB).
« Or, cette comparaison est peu pertinente sur le plan analytique, car le PIB augmente chaque année, rendant logique une hausse du stock de dette sans détérioration réelle des finances publiques », a-t-il dit.
M. Jonathan Muya a souligné que le ratio dette/PIB demeure l’indicateur central pour évaluer la soutenabilité de la dette. Le traité de Maastricht fixe un seuil de 60 % du PIB, repris par plusieurs communautés économiques africaines. En 2023, ce ratio est estimé à environ 22 % pour la RDC, bien en deçà de ce plafond. Cela laisse une marge d’endettement théorique de 38 %.
Il a fait savoir que l’approche par effets de seuils permet d’identifier deux zones de vigilance : à partir de 32 % du PIB, la dette commence à fragiliser les fondamentaux macroéconomiques, notamment en raison d’une exposition accrue au risque de change, puisque la majeure partie de la dette est libellée en devises étrangères.
A cet effet, au-delà de 110 % du PIB, les politiques conjoncturelles perdent en efficacité, et la croissance devient excessivement tributaire des investissements directs étrangers, au détriment du capital domestique et de l’autonomie budgétaire.
Éviter une trajectoire d’endettement problématique
Le doctorant en économie a, par ailleurs, souligné que pour éviter une trajectoire d’endettement problématique, trois priorités s’imposent, notamment le renforcement de la discipline budgétaire, en instaurant un mécanisme d’alerte dès que la dette approche du seuil de 32 %; le développement du marché intérieur des titres publics, afin de réduire la dépendance au financement extérieur et limiter les vulnérabilités liées à la volatilité du taux de change et la stabilisation de la dette à travers des réformes fiscales ambitieuses, la réduction des subventions non ciblées, une meilleure gestion des dépenses publiques, et des politiques structurelles orientées vers la productivité et l’offre.
« La question de la dette publique en RDC ne se limite ni à son volume absolu, ni même exclusivement à son ratio par rapport au PIB. Elle appelle une lecture stratégique. Si la dette est contractée pour financer des infrastructures essentielles, renforcer le capital humain ou soutenir la diversification économique, alors elle représente un investissement dans l’avenir », a-t-il ajouté.
Pour l’économiste, il est indispensable de renforcer les capacités institutionnelles de planification, d’exécution et de suivi des projets financés par la dette ; d’améliorer la transparence dans l’utilisation des ressources empruntées, avec des dispositifs rigoureux d’évaluation de l’impact socio-économique, et d’inscrire l’endettement dans une vision pluriannuelle, fondée sur une stratégie budgétaire cohérente, soutenable et orientée vers le développement.
« La RDC se trouve à un tournant décisif. Le défi n’est pas d’éviter la dette à tout prix, mais de l’utiliser avec intelligence et stratégie. Dans un pays aux besoins criants en infrastructures, en éducation et en diversification économique, chaque emprunt doit être pensé comme un catalyseur de transformation », a-t-il conclu. ACP/JF