Kinshasa, 12 juin 2023 (ACP).- La précarité des conditions sociales à Kinshasa, en République démocratique du Congo, est due aux travaux exercés par certains enfants de la capitale, a constaté lundi l’ACP, lors des entretiens réalisés à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail de ces derniers.
« Mon père ne travaille pas. Maman se débrouille avec la vente des pains. Cela ne suffit pas pour couvrir les besoins de la maison. Moi même j’ai appris à cirer les chaussures pour gagner un peu d’argent et avoir de quoi me nourrir. Souvent je remets une partie de l’argent que je gagne à maman et avec une autre je fais mes économies pour acheter les habits », a déclaré un cireur, âgé de 10 ans, au cours de cette journée célébrée le 12 juin de chaque année.
Et d’ajouter, « quand j’ai commencé ce travail, je n’avais rien. C’est ma mère qui m’a donné un peu d’argent pour acheter le cirage. Aujourd’hui je suis content d’évoluer. Il m’arrive de gagner jusque dans les (quinze mille) 15000 francs congolais par jour ».
En lieu et place de cirer les chaussures, un adolescent 13 ans révolus, a plutôt choisi de vendre des petits pains et de la charcuterie emballés dans un sac plastique qu’il promène à longueur des journées sur les rues de la ville de Kinshasa.
« J’étais enfant de la rue. Je mendiais toujours pour manger et parfois je volais. Mais, j’ai fini par abandonner cette pratique pour me consacrer à ce petit commerce de pains qui me permet de vivre», a-t-il affirmé.
De son côté, un vendeur d’eau en sachet a fait savoir qu’il a interrompu momentanément ses études pour aider sa famille.
« Je me suis lancé dans ce commerce, parce que les parents m’ont demandé de chômer cette année, pour permettre à ma grande sœur de décrocher son diplôme d’Etat, c’est l’année prochaine que je vais reprendre en 3ème des humanités. Nous habitons Tshangu, au lieu de rester à la maison, mes amis m’ont mis en contact avec des Ouest-africains qui conditionnent l’eau dans les sachets, pour le mettre à disposition des vendeurs moyennant un pourcentage ».
Abordé par l’ACP, un parent habitant la commune de Makala, retraité de son état, a admis qu’il dépend du petit commerce qu’exerce son fils cadet encore mineur pour nouer les deux bouts du mois, chose pourtant interdite par l’Organisation internationale du travail (OIT).
« Nous vendons parce que nous n’avons pas de famille ici à Kinshasa, nous débutons nos journées tôt le matin vers le rond point-Ngaba pour la cuisson des arachides que nous allons ensuite écoulés dans les débits de boissons », ont poursuivi les deux frères vendeurs de cacahuètes originaires de la province du Kwilu.
Ils sont nombreux dans la ville de Kinshasa, ces enfants soumis à la débrouillardise malgré eux.
Si ce n’est pas un cireur de chaussures, c’est un vendeur à la sauvette, un chargeur de véhicules sur les parkings voire un guide pour personnes vivant avec handicap, se prêtant à la ruse des malvoyants pour qui ils soient contraints de mendier le long des artères de la ville de Kinshasa comme sur le boulevard du 30 juin, au croisement de l’avenue Assossa et le boulevard triomphal.
Actions d’une association contre le travail des enfants
Malgré la persistance de ce travail d’enfants dû à la précarité de la vie dans plusieurs familles, des organisations non-gouvernementales (ONG) se battent tout de même pour emboîter le pas à l’organisation internationale du travail (OIT) qui, à travers l’un de ses traités dont la République démocratique du Congo est signataire, milite pour l’élimination de ce phénomène.
C’est le cas de l’Asbl « Case de la femme et de l’enfant » dont fait partie Bob Siokona. « Tous ces enfants qui mendient derrière les aveugles sur le boulevard du 30 juin et dans les autres grandes artères de la ville de Kinshasa, devraient plutôt être à l’école, leur place n’est pas là où on les voit traîner », a-t-il déclaré.
A l’en croire, le travail des mineurs a pris des proportions inquiétantes dans la ville de Kinshasa.
« Il y a des parents qui ont abandonné leurs responsabilités, laissant les enfants à leur triste sort. D’autres ne savent plus quoi faire faute des moyens », a-t-il affirmé avant d’ajouter « si vous allez dans les zones minières, surtout là où il y a des conflits armés, ce sont des enfants qui payent le lourd tribut. On les fait travailler comme des adultes ».
Selon un rapport de l’OIT, 73% de ces jeunes, soit un enfant sur 8, sont soumis aux « pires formes de travail », qui mettent en péril leur bien-être moral, mental ou physique et des millions sont assujettis à des activités « intrinsèquement condamnables ».
ACP/ODM