La tradition constitue un obstacle majeur à la participation des femmes maraichères dans la gestion des terres agricoles en RDC(Par Tanya Yeme  Muamba)

Kinshasa, 25 septembre 2021 (ACP).- La tradition (ou la coutume) constitue un obstacle majeur à la participation des femmes maraichères au processus de prise des décisions sur la gestion des terres agricoles en RDC, révèle une mini enquête menée par l’ACP en septembre 2021 à Kinshasa et dans le milieu rural situé dans la périphérie de cette mégapole.

Un rapport de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) indique que la République démocratique du Congo (RDC) compte 86% de ménages agricoles en milieu rural dont 18,1% seulement sont dirigés par les femmes. Les hommes sont ainsi largement majoritaires dans la prise de décision pour les questions liées à la terre agricole en RDC.

« La majorité des terrains que nous exploitons appartiennent aux chefs traditionnels ou coutumiers. Ces derniers nous donnent le droit d’usage et non de propriété. Et pourtant, les femmes sont majoritaires dans ce site qui compte 13 femmes contre 2 hommes, mais aucune d’entre nous n’est propriétaire. Les hommes, par contre, sont propriétaires », a déploré Mme Alasa Okila, maraichère au site de Funa, à Kimwenza, un quartier urbano-rural de la commune de Mont-Ngafula.

Dans certaines coutumes à Kinshasa et dans plusieurs provinces de la RDC, le droit de propriété de la terre agricole est généralement réservé à l’homme. « La femme maraîchère, contrairement à l’homme, est considérée comme main d’œuvre familiale non rétribuée », a-t-elle expliqué.

  1. Olier Obi, également maraicher au site de Funa à Kimwenza, a déploré également la discrimination dont sont victimes les femmes maraîchères en ce qui concerne le titre foncier. « En règle générale, les hommes contrôlent la terre et les femmes n’y ont accès que par l’intermédiaire de leurs parents de sexe masculin », a-t-il fait remarquer.

Mme Christine Diasonama, agricultrice au site Kindele/Bloc 3 dans la commune urbano-rurale de Mont Ngafula, a fait savoir qu’elle a été victime quelques mois passés de spoliation du site fertile et proche de chez elle qu’elle exploitait depuis plusieurs années à Kimwenza.  « Mes collègues et moi avons été chassés du site de Kimwenza où nous travaillions car les terrains avaient été vendus. Les acheteurs ne nous ont remis que de modiques sommes qui ne correspondent pas à nos semences perdues. Bien que les autorités nous aient donné le site de Kindele, nous ne nous sentons toujours pas en sécurité », a-t-elle regretté.

Mme Yvonne Ntambwe qui est un agent au ministère des Affaires foncières a explique : « certaines zones, notamment des sites urbains et périurbains à vocation agro-pastorale et aquacole sont interdites d’occupation et d’acquisition. Ces zones sont déclarées non constructibles. Ce sont des sites que l’État a octroyés aux maraîchers et éleveurs pour leurs activités. Et ces zones ne peuvent en aucun cas être spoliées ». Formuler une politique foncière efficace, tout en tenant compte des coutumes et pratiques en vigueur n’est pas facile, a-t-elle fait remarquer.

Pour Me Fiston Nsampeli, avocat au barreau de Kinshasa-Matete, a confié : « les femmes devaient être représentées équitablement dans les comités des maraîchers pour plaider leur droit d’accès à la terre, étant donné qu’elles constituent 70% des travailleurs du secteur agricole. Elles sont capables de prendre de bonnes décisions dans la production alimentaire vu qu’elles labourent la terre et connaissent les difficultés et les avantages liés à ce travail ».

Par ailleurs, M. Freddy Mumba Mukuba, secrétaire exécutif à la Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo (CONAPAC) a soutenu qu’il est important d’influencer l’élaboration des politiques foncières qui tiennent compte de l’égalité des hommes et des femmes par rapport à l’accès à la terre. Bien qu’il existe des us et coutumes, les lois doivent favoriser l’accès des femmes à la terre.

L’Etat devrait mettre en place une politique d’agriculture durable pour une justice climatique

Selon Me Gabrielle Pero, une des responsables du Forum des femmes pour la gouvernance des ressources naturelles (FFGRN), les maraîchères sont des moteurs de l’agriculture vivrière.

« C’est pour cette raison que l’Etat devrait mettre en place une politique d’agriculture durable en vue de soutenir les solutions des femmes en matière d’accès à la terre. Pour cela, la femme doit être formée et informée sur ses droits. Elle doit fournir des outils nécessaires aux actions de plaidoyer », a-t-elle affirmé.

La solution serait l’adoption d’une loi portant sur le régime foncier rural prévoyant un accès égal aux ressources naturelles en général, et aux terres agricoles en particulier, sans discrimination de sexe ou d’origine.

L’Etat devrait instaurer des programmes de formation et de sensibilisation, surtout en milieu rural et urbano-rural, aux droits des femmes à la propriété et assurer une assistance juridique aux femmes souhaitant déposer plainte pour ce type de discrimination.

Didier Tudie, expert agricole au ministère de l’agriculture, a indiqué, pour sa part, qu’on ne peut pas parler de l’autosuffisance alimentaire en RDC sans les maraîchères.

Cette enquête a été menée en collaboration avec « Journalistes pour les droits humains (JDH/JHR) », avec l’appui d’Affaires mondiales Canada.  

ACP/RN/LYS/SGB/TKM

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