Kinshasa, 23 juin 2025 (ACP).- Les femmes, victimes de violences conjugales en République démocratique du Congo (Rdc), ont été encouragées, lundi, par une juriste spécialisée en droit de la famille, à faire valoir leurs droits et à chercher de l’aide, afin de lutter contre ce mauvais traitement, au cours d’un entretien.
« Nous informons, sensibilisons et encourageons les femmes à faire valoir leurs droits dans un contexte encore marqué par les inégalités juridiques, à la lumière des textes de loi en vigueur et les tabous », a déclaré, Me Grâce Mulumba, Juriste spécialisée en droit de famille et consultante en genre et justice. La violence conjugale est une infraction fréquente, mais peu dénoncée. Plusieurs organisations et dispositifs existent pour soutenir les victimes et les protéger », a-t-elle ajouté.
Me Grâce Mulumba a fait savoir que la législation congolaise ne mentionne pas explicitement les violences conjugales comme une infraction autonome. « Il est important de savoir que la législation congolaise ne mentionne pas explicitement les violences conjugales comme une infraction autonome. Toutefois, ces actes sont couverts par plusieurs dispositions du Code pénal. Par exemple, les coups et blessures volontaires sont réprimés par les articles 46 et 47, et en cas d’agression sexuelle, le viol est puni de 5 à 20 ans de servitude pénale », a-t-elle précisé. Et de souligner : « La société congolaise tend à banaliser la violence domestique. On la considère souvent comme un simple désaccord familial, relevant du privé, alors que ce sont des infractions pénales graves ».
Cette consultante en genre et justice a, par ailleurs, rappelé que selon une enquête du Réseau des hommes engagés pour l’égalité du genre (Rheeg-RDC), près de 80 % des femmes mariées, ayant subi des violences physiques ou psychologiques, ne déposent jamais plainte. Nombreuses d’entre elles considèrent que la violence au sein du couple fait partie du cadre marital, surtout dans les mariages coutumiers. Me Mulumba a indiqué que la législation congolaise ne définit pas expressément les violences conjugales. Cependant, plusieurs articles du Code pénal congolais, Livre II, permettent d’en poursuivre les auteurs.
« Article 46 punit les coups et blessures volontaires, même en contexte marital. Article 170 définit le viol comme tout acte de pénétration sexuelle accompli par violence, menace ou surprise, applicable même dans un couple marié, depuis la révision du Code de la famille » a-t-elle expliqué. Et de renchérir : « Depuis la réforme de 2016, le mariage n’implique plus un consentement sexuel automatique. Une relation sexuelle non consentie dans le mariage est désormais considérée comme un viol ». Elle a fait remarquer que la Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles renforce les sanctions contre le viol, le harcèlement sexuel, la grossesse forcée, le mariage forcé ou encore la séquestration. Elle prévoit aussi des peines allant jusqu’à 25 ans, voire la peine de mort, si les violences entraînent la mort de la victime.
En rapport avec le Code de la famille qui a été modifié en 2016, cette juriste a indiqué que l’article 444 introduit l’obligation de respect mutuel, fidélité et assistance morale et matérielle entre époux. Il pose également le cadre pour considérer les violences conjugales comme une violation de ces obligations fondamentales. « L’Ordonnance n°23/023 du 11 septembre 2023 introduit pour la première fois l’infraction de stigmatisation ou intimidation basée sur le genre, passible de 6 à 24 mois de prison et d’une amende allant jusqu’à 500 millions FC », a-t-elle dit. Selon elle, malgré ces textes, aucune disposition n’incrimine spécifiquement les violences conjugales en tant que telles en RDC. « Il est urgent que le législateur congolais adopte une loi spécifique qui nomme et criminalise clairement la violence conjugale. Cela faciliterait les poursuites, les signalements, et l’octroi de mesures de protection comme l’éloignement de l’agresseur », a-t-elle fait savoir.
Actuellement, a-t-elle poursuivi, les poursuites dépendent de la qualification retenue par l’officier du ministère public. Par ailleurs, cette juriste, a plaidé pour les réformes de Loi en cette matière afin d’améliorer cette situation. Parmi ces réformes, elle a cité l’adoption d’une loi spécifique criminalisant clairement les violences conjugales, le financement de la justice gratuite et le développement des structures d’accueil pour les victimes. Il y a aussi la formation obligatoire des forces de l’ordre et des magistrats sur ces questions, ainsi que des campagnes communautaires pour déconstruire les normes qui légitiment ces violences.
Des obstacles sociaux et économiques majeurs rencontrés par les victimes énumérées
Outre le flou juridique, cette consultante en genre et justice a énuméré les différents obstacles sociaux et économiques, auxquels, certaines victimes sont confrontées. Parmi les difficultés rencontrées dans ces deux domaines, notamment, l’accès inégal à la justice, surtout dans les quartiers périphériques où les femmes manquent de ressources, de soutien juridique et de structures d’accueil. Il s’agit aussi, a-t-elle dit des services de police qui sont souvent mal formés ou biaisés. « La peur de perdre la garde des enfants ou les moyens de subsistance qui pousse de nombreuses femmes à se taire », a-t-elle conclu. ACP/