Coup d’Etat au Gabon: fin de la dynastie Bongo, 56 ans après

Kinshasa, 30 août 2023(ACP).- Des militaires ont annoncé, mercredi 30 août, mettre « fin au régime en place » dans le pays, alors que les résultats officiels de la présidentielle de samedi venaient tout juste de consacrer la victoire du président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans et qui avait succédé à son père, Omar Bongo, lui-même resté à la tête du pays pendant 41 ans.

L’opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d’une « dynastie Bongo » de plus de 55 ans à ce jour.

Ali Bongo avait succédé en 2009 à son père, Omar Bongo, qui a gouverné le pays durant plus de quarante ans.

Omar Bongo, le patriarche, au pouvoir de 1967 à 2009

Le 17 août 1960, l’indépendance du Gabon, ancienne colonie française, est proclamée.

En février 1961, Léon Mba devient président. Trois ans plus tard, il est déposé lors d’un coup d’État, puis réinstallé grâce à une intervention de l’armée française.

Le 12 novembre 1966, Albert-Bernard Bongo – qui deviendra plus tard Omar Bongo –, figure montante de la politique gabonaise, devient vice-président de Léon Mba.

Le vice-président Albert-Bernard Bongo (Omar Bongo Ondimba), prête serment aux côtés du président du Gabon, Léon Mba, lors d’une cérémonie à l’ambassade du Gabon à Paris, le 12 avril 1967.

Un an plus tard, en décembre 1967, à la mort de Léon Mba, Albert-Bernard Bongo accède au pouvoir. Il impose le Parti démocratique gabonais (PDG) comme parti unique et dirige d’une main de fer, profitant notamment de la manne pétrolière.

En 1973, converti à l’islam, il devient « El Hadj Omar Bongo », nom auquel il ajoutera « Ondimba », celui de son père, en 2003. Seul candidat aux élections, il est élu président en 1973, 1979 et 1986.

Parvenu au pouvoir avec l’aval de Paris, Omar Bongo Ondimba a été un des piliers de la « Françafrique », expression utilisée pour dénoncer un système de cooptation politique, réseaux occultes et chasses gardées commerciales mis sur pied après l’indépendance des colonies françaises d’Afrique noire.

Le président français Valéry Giscard d’Estaing s’entretient avec son homologue gabonais Omar Bongo, le 4 novembre 1977 à Paris, lors de sa visite officielle en France. 

En 1989, Omar Bongo offre un maroquin de luxe à son fils Ali qui, à 29 ans, devient ministre des Affaires étrangères, pendant deux ans. En 1999, il récupère le stratégique portefeuille de la Défense, qu’il occupera jusqu’en 2009.

De janvier à avril 1990, de graves troubles sociaux tournent à l’émeute. En mai, le multipartisme est adopté, mais Omar Bongo remporte toutes les élections présidentielles (1993, 1998 et 2005) face à une opposition qu’il parvient à diviser ou à rallier à sa cause. Les scrutins sont contestés ou suivis de violences.

 2009 : Ali Bongo arrive au pouvoir en héritier

Le 16 octobre 2009, Ali Bongo Ondimba, dont le père est mort en juin, est investi président. En août, il a été élu lors d’un scrutin contesté. Des violences post-électorales et des pillages ont secoué Port-Gentil, dans l’ouest du pays, faisant plusieurs morts. Rapidement, l’opposition dénonce une « dérive autoritaire » et une « personnalisation du pouvoir ».

En 2010, la justice française ouvre une enquête sur le patrimoine considérable amassé en France par Omar Bongo et d’autres Chefs d’État africains, ainsi que par des dirigeants syriens. C’est l’affaire des « biens mal acquis ». Neuf enfants d’Omar Bongo sont actuellement mis en examen à Paris dans cette procédure.

En décembre 2014, de violents heurts opposent manifestants de l’opposition et forces de l’ordre lors d’un rassemblement interdit réclamant le départ d’Ali Bongo, faisant officiellement un mort.

Le pouvoir, confronté à une crise économique en raison du plongeon des cours du pétrole à partir de 2014-2015, fait face à des tensions sociales croissantes, avec des grèves dans la fonction publique et le secteur privé.

En 2014, le journaliste français Pierre Péan assure, dans son livre « Nouvelles affaires africaines », qu’Ali Bongo a falsifié son acte de naissance. Cette thèse, vigoureusement démentie par le pouvoir, affirme que le président est un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra, à la fin des années 1960. Or, selon la Constitution, il faut être né gabonais pour briguer la présidence. La polémique a fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires en France et au Gabon.

Depuis 2016 : turbulences pour la dynastie

Avant la présidentielle du 27 août 2016, l’opposition demande en vain l’invalidation de la candidature d’Ali Bongo, répétant qu’il est un enfant nigérian adopté et qu’il ne peut pas être président.

Le 31 août 2016, la commission électorale annonce la réélection d’Ali Bongo face à son adversaire Jean Ping. S’ensuivent des violences sans précédent : manifestations anti-Bongo, interpellations par centaines, Assemblée incendiée, assaut des forces de sécurité contre le QG de Jean Ping. Ces troubles font trois morts selon les autorités, une trentaine selon l’opposition.

Les militaires putschistes

La France  condamne le coup d’État militaire au Gabon

«La France a condamné le coup d’État militaire au Gabon», a annoncé mercredi le porte-parole du gouvernement français, indiquant que Paris «surveille avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation».

 «Nous réaffirmons notre souhait pour que le résultat de l’élection, lorsqu’il sera connu, puisse être respecté», a ajouté Olivier Véran, lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil des ministres.

La Chine appelle les parties concernées à  garantir la sécurité du président Ali Bongo

La Chine a appelé « les parties concernées » au Gabon à « garantir la sécurité » du président Ali Bongo Ondimba, après le coup de force militaire survenu ce mercredi 30 août.

Ali Bongo qualifié de « vieil ami de la Chine » par Xi Jinping lors de sa visite dans ce pays  en avril dernier. Les relations entre Libreville et Pékin « solides comme un roc », disent les médias d’État, ont été  élevées récemment au rang de « partenariat stratégique global ». Le Gabon est considéré par les autorités chinoises comme un allié important en Afrique centrale.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères avait appelé  mercredi « les parties concernées au Gabon, à résoudre leurs différends par le dialogue, à rétablir l’ordre normal dès que possible et à assurer la sécurité personnelle du président gabonais Ali Bongo Ondimba ».

Inquiétudes pour la sécurité d’Ali Bongo, mais aussi pour celle des ressortissants chinois au Gabon travaillant dans différents secteurs. La Chine est le principal partenaire commercial du Gabon depuis une décennie avec des investissements importants notamment dans l’exploitation forestière.

« Compte tenu de la situation actuelle au Gabon, l’ambassade de Chine a activé le mécanisme d’urgence pour les cas de forces majeures », a affirmé l’ambassadeur Li Jinjin sur la télévision centrale de Chine. L’ambassade appelle tous les citoyens chinois au Gabon à ne pas sortir, et en cas d’urgence, à contacter immédiatement l’ambassade. 

 Le président de la Commission de l’UA condamne «  la tentative de coup d’État»

Le président de la Commission de l’Union africaine (UA) «condamne fermement la tentative de coup d’Etat» au Gabon, dénonçant «une violation flagrante» des principes de l’organisation continentale, dans un communiqué publié ce 30 août 2023. Moussa Faki Mahamat «appelle l’armée nationale et les forces de sécurité à s’en tenir strictement à leur vocation républicaine, à garantir l’intégrité physique du président de la République (Ali Bongo Ondimba), des membres de sa famille, ainsi que de ceux de son gouvernement».

La Maison Blanche «suit de très près» la situation au Gabon

« La Maison Blanche «suit de très près» la situation au Gabon, où des militaires putschistes ont placé en résidence surveillée le président Ali Bongo Ondimba », a déclaré ce 30 août 2023 l’un de ses porte-parole.

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a jugé «profondément inquiétante» la succession de coups d’État en Afrique ces dernières années et a déclaré: «Nous allons rester concentrés sur le travail à faire avec nos partenaires en Afrique et toute la population du continent pour aider à soutenir la démocratie.»

Ali Bongo s’exprime dans un message vidéo

Dans une vidéo en anglais, le président du Gabon a appelé ses soutiens internationaux à « faire du bruit » pour le soutenir.

On l’y voit, sans pouvoir déterminer le moment où la vidéo a été tournée, assis dans un fauteuil et manifestement inquiet.

 « Je suis Ali Bongo Ondimba, président du Gabon, j’envoie un message à tous nos amis dans le monde entier pour leur dire de faire du bruit » à propos « des gens qui m’ont arrêté, moi et ma famille », a dit en anglais Ali Bongo, 64 ans, qui dirige le Gabon depuis plus de 14 ans et avait été proclamé, quelques instants avant le putsch, vainqueur de l’élection de samedi.

 Le président Ali Bongo, gardé en résidence surveillée

Le président du Gabon, Ali Bongo, a été placé en résidence surveillée, ont annoncé ce 30 août 2023 des militaires putschistes à la télévision. «Le président Ali Bongo est gardé en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins», selon un communiqué lu à la télévision d’État par des militaires qui se revendiquent en tant que Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI).

Un des fils du Chef de l’État sortant, Valentin  Noureddin Bongo, a par ailleurs été arrêté, ont-ils ajouté. Ce mercredi, un groupe de militaires a déclaré sur la chaîne Gabon 24 l’annulation des résultats des élections générales donnant la victoire d’Ali Bongo. Des militaires ont également annoncé la dissolution des institutions gabonaises et avoir mis fin au régime en place.

Ces coups d’États qui ont secoué le continent depuis trois ans

Alors qu’un groupe de militaires a annoncé ce 30 août 2023 l’annulation des résultats de l’élection présidentielle au Gabon et la dissolution des institutions, le coup de force en cours à Libreville est le dernier en date d’une série de coups d’États qui ont secoué le continent africain ces derniers mois.

Le coup d’État de 2020 et celui de 2021 au Mali

Le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par une junte militaire menée par le colonel Assimi Goïta. Dans la foulée, le Conseil national de salut du peuple (CNSP) est formé et la junte promet des élections dans les trois ans. L’ancien ministre de la Défense Bah N’Daw est nommé président de transition et Assimi Goïta vice-président. 

Le 24 mai 2021, un coup d’État dans le coup d’État a lieu. L’armée malienne arrête et détient le président de transition Bah N’Daw, son Premier ministre Moctar Ouane et le ministre de la Défense Souleymane Doucouré. Le 26 mai, Bah N’Daw et Moctar Ouane démissionnent, Assimi Goïta devient président de la Transition. 

Le coup d’État de 2021 en Guinée

Au matin du 5 septembre 2021, des tirs à l’arme lourde sont entendus dans la capitale Conakry. Une unité des forces spéciales de l’armée guinéenne, le Groupement des forces spéciales, s’introduit dans le palais présidentiel à Conakry, capturent le président Alpha Condé et le démettent de ses fonctions. Le président guinéen, en poste depuis 2010, venait de se faire réélire en 2020 pour un troisième mandat après avoir fait modifier la Constitution pour pouvoir se présenter. Il est alors détenu en résidence surveillée et bien traité, mais refuse de démissionner. 

Les coups d’État de 2022 au Burkina Faso

En 2022, le Burkina Faso subit deux coups d’États en moins d’un an. Le premier commence par une mutinerie de soldats dans la nuit du 23 au 24 janvier 2022, à Ouagadougou et dans plusieurs villes du pays. Le président Roch Marc Christian Kaboré, qui avait été élu démocratiquement pour un deuxième mandat en novembre 2020, est renversé par les militaires qui reprochent au gouvernement son incapacité à lutter contre la menace jihadiste. 

Le 31 janvier, le leader des putschistes, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, est nommé président de la Transition du pays pour trois ans. Sa prise de pouvoir sera de courte durée.  

 Le coup d’État de juillet 2023 au Niger

Le 26 juillet 2023, des militaires de la garde présidentielle retiennent le président nigérien Mohamed Bazoum, élu démocratiquement en 2021. Le soir même, un groupe de soldats annonce la formation d’une junte militaire qui prend le nom de Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).

Le général Abdourahamane Tiani apparaît ensuite lors d’une allocution sur Télé Sahel, en tant que président du CNSP. « L’action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie face, d’une part, à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans notre pays et cela sans que les autorités déchues ne nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise, d’autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale », lance-t-il.

ACP/ KHM

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