Al-Qaïda fait monter la pression au Mali

Kinshasa, 27 juillet 2022 (ACP).- Les djihadistes de la nébuleuse sahélienne d’Al-Qaïda ont accentué ces derniers jours la pression sur la junte malienne, avec une coordination des opérations inédite caractérisée par des attaques kamikaze au cœur du pouvoir et des incursions de plus en plus au sud, ont rapporté mercredi les médias internationaux.

Dans un contexte de détérioration continue de la situation sécuritaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest rongé par la guerre depuis 2012 et secoué par deux coups d’État en deux ans (2020, 2021), le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe), affilié à Al-Qaïda, ne fait qu’étendre son influence.

Dernier fait d’arme marquant : deux véhicules piégés ont foncé vendredi sur un bâtiment de l’armée à Kati, ville-garnison à 15 km de Bamako et cœur de l’appareil militaire malien, tuant un soldat.

C’est la première fois qu’une cible de cette importance stratégique et symbolique est atteinte par les djihadistes d’Al-Qaïda, qui s’en prenaient davantage ces dernières années aux postes de sécurité en zone rurale et périurbaines, dans le nord et le centre du pays.

Comme « une façon de dire (aux autorités) qu’ils peuvent frapper partout, aussi loin que possible » de leur base, souligne un observateur malien de la situation sécuritaire à Sévaré (centre).

La veille de l’attaque de Kati, six attaques coordonnées étaient simultanément lancées dans le centre et le sud du pays, à 5 h. Une première. Ces régions du sud (Sikasso, Koulikoro, Kayes), autrefois épargnée par les fantassins du djihad, sont désormais une cible.

La plupart des attaques y sont revendiquées par le GSIM, créé en 2017 par la fusion de plusieurs factions : Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, pionnier du djihad sahélien, né en Algérie en 2007), les groupes Ansar Dine du Malien Iyad Ag Ghali et Al-Mourabitoune de feu Mokhtar Belmokhtar, et la Katiba Macina d’Amadou Koufa.

Pour un spécialiste des groupes djihadistes à l’ONU, la stratégie du GSIM est de « fixer loin du nord du Mali l’attention et les forces » armées maliennes. Et au sud du pays, d’utiliser la « même stratégie de contagion qui a réussi avec le centre », au détail prêt que la nébuleuse peut désormais jouir des liens ténus entre katibas.

Les récentes attaques, bien que « leurs résultats soient modestes compte tenu des moyens déployés », ont prouvé le « haut niveau de coordination » du GSIM et que l’alliance n’était pas qu' »une simple coalition de groupes disparates », estime Héni Nsebia, chercheur au sein du Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).

Cette coordination aux centre et sud maliens est permise par « une importante liberté de mouvement », note-t-il, dûe au « fait que le GSIM contrôle ou exerce une forte influence sur un vaste territoire de la sous-région, en particulier le long de la frontière entre Mali et Burkina Faso ».

Selon un récent rapport de l’ONU, ce « couloir vers le sud » permet au GSIM de « s’étendre vers la côte atlantique », notamment aux Bénin et Togo où les attaques se multiplient.

Les méthodes du GSIM, ajoute l’ONU, « contrastent avec la violence aveugle » de l’organisation État islamique, également active au Mali. Dans les brousses désertiques de Kidal et de Tombouctou dans le nord, où son implantation est forte, le GSIM cherche à implanter une gouvernance parallèle à celle de l’État, disent plusieurs sources locales.

Ils «cherchent à convaincre» les populations d’adhérer à leur vision sociétale, juge un acteur de la sécurité à Tombouctou,  « en proposant une justice islamique, un accès aux soins et à la sécurité ».

Début 2020, sûr de ses acquis, Ag Ghali, le chef du GSIM, s’était dit ouvert à des pourparlers avec Bamako, «entre frères».

ACP/KHM/Kayu/NKV/MNI/HBB

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