Rome, 15 juin 2025 (ACP).- Floribert Bwana Chui, jeune laïc de la République démocratique du Congo considéré comme martyr, dont la béatification a eu lieu dimanche, lors d’une messe à la basilique Saint-Paul-hors-les-murs à Rome en Italie, sera célébré chaque 8 juillet, selon la lettre apostolique du pape Léon XIV lue par son représentant.
« Nous accordons que le vénérable serviteur de Dieu Floribert Bwana, laïc martyr, lui qui ayant reconnu que l’amour du prochain est plus précieux que les biens terrestres mais aussi (plus) que sa propre vie, a fait des témoignages héroïques du Royaume des cieux et de la paix qui a été inauguré par le Seigneur Jésus (…). Nous demandons qu’il soit désormais appelé bienheureux et qu’il soit célébré chaque année (…) le jour du 8 juillet », a lu le Cardinal Marcello Semeraro au nom du Saint-Père.
Le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque métropolitain de Kinshasa, capitale de la RDC, a participé parmi les co-célébrants de cet office religieux.
« Chers frères et sœurs dans le Seigneur, nous accueillons cette béatification comme un appel adressé aux fidèles catholiques congolais, ainsi qu’à toute personne de bonne volonté, à un engagement accru pour davantage de transparence dans la gestion de la chose publique, de justice, de paix, dans la foi et la confiance au Christ ressuscité », a dit le prélat congolais.
« Nous voulons également rassurer le Très Saint-Père, le pape Léon XIV, que notre Conférence épiscopale, la Cenco, prendra des orientations pastorales pour la mise en œuvre de la lutte contre la corruption, véritable gangrène de notre société », a-t-il renchéri.
La messe a été animée par la chorale »Bondeko » de l’aumônerie congolaise à Rome. Une forte délégation congolaise comprenant, entre autres, le ministre de la Communication et médias Patrick Muyaya, le député national Eliezer Ntambwe, a figuré parmi les personnalités congolaises présentes à la Béatification de Floribert Bwana Chui.
Une partie de la délégation venue de la RDC
Feu Buana Chui, né le 13 juin 1981 à Goma, a reçu l’accord de béatification, le 25 novembre 2024, du défunt pape François lors de son voyage apostolique à Kinshasa.
A 26 ans seulement (2007), il a été assassiné pour avoir refusé de céder à la corruption et d’autoriser l’entrée sur le territoire national de denrées alimentaires avariées (empoisonnées) en provenance du Rwanda.
Son histoire a fait comprendre les nouvelles formes de martyre, car il s’agit d’un sacrifice silencieux et éloigné des intérêts des médias, qui bouleverse cependant la vie sociale et politique des États dans lesquels la corruption est devenue chose habituelle.
Témoignages
« Les personnes que l’Eglise propose à la dévotion de tout le monde, par la béatification, servent d’exemple et instruisent en imitation. Outre les faits d’être des intercesseurs, ce sont des modèles. Floribert en est un exemple », a dit l’abbé Sisi Kayan, prêtre congolais en mission à Rome, à l’occasion de la béatification de Floribert Bwana Chui.
« Il est un modèle de droiture et des valeurs à préserver. Cela vaut la peine d’être présenté à tous. Il a été tué, assassiné au nom des valeurs de sa foi chrétienne. Le fait d’être assassiné pour défendre sa foi et les valeurs chrétiennes de vérité, d’honnêteté, de justice, est une grande fête pour le Congo qui vient s’ajouter à Anuarité et Bakanja », a-t-il indiqué.
L’abbé Sisi a, en outre, donné une note de distinction et d’excellence à la République démocratique du Congo pour ses quatre bienheureux. « Lorsque nous considérons l’Afrique subsaharienne, on remarque qu’il n’y a pas beaucoup de saints. Et la RDC va compter à elle seule quatre bienheureux. Un exemple d’honnêteté et de résistance face à la corruption est louable parce que pour la survie ou des intérêts privés, facilement, on peut aller jusque dans des compromis, au risque d’exposer comme dans ce cas la santé des autres », a-t-il dit.
« Je suis content de cet événement qui coïncide avec la fête de la sainte Trinité. La béatification de Floribert nous réjouit parce qu’il a démontré à l’Afrique que c’est possible de mettre en pratique l’évangile dans la vie professionnelle et de prévenir l’écoulement de sang de ses frères », a déclaré pour sa part à l’ACP l’abbé Celestino Roque Vemba, prêtre angolais en visite en Italie.
« (Floribert) a lutté contre la corruption qui continue à détruire le développement de l’Afrique jusqu’à présent. Nous le félicitons parce que la corruption est l’un des problèmes majeurs de l’Afrique, et ne nous permet pas de vivre en égalité, en toute dignité et en créatures de Dieu. Notre frère africain Floribert Bwana nous enseigne d’avoir le courage de combattre ce fléau afin de redonner la considération aux gouvernements de nos pays », a-t-il poursuivi, avant de lancer un appel « à tous les frères africains, particulièrement du Rwanda et de la République démocratique du Congo, à faire de la lutte contre la corruption une arme forte pour éliminer ce fléau de nos pays ».
Un modèle de lutte anti-corruption
Signalons que le Président de la République Félix Tshisekedi a fait de la lutte contre la corruption un des leitmotivs de son mandat à la tête du pays.
Lors d’une conférence internationale regroupant les inspecteurs des finances de plusieurs pays africains, tenue à Kinshasa en décembre 2024, il a clairement dénoncé le fait que la corruption bloque l’élan de développement dans n’importe quel pays.
« La corruption n’est pas une simple entorse administrative ou un détail dans la gestion du bien public, elle est une perversion morale et sociale, un affaiblissement insidieux de nos institutions, un détournement continu du destin collectif. Elle mine la crédibilité de l’État, et sape la confiance mutuelle qui doit exister entre gouvernants et gouvernés. Et surtout, elle brise l’élan de développement », avait-il dit.
Il s’était alors engagé à continuer d’œuvrer pour un environnement juridique et institutionnel plus stable favorisant notamment l’indépendance des magistrats, tout en encourageant les inspecteurs des finances de la RDC à plus d’abnégation et de rigueur dans la lutte contre ce fléau.
« Poursuivez et redoublez d’efforts et d’abnégation dans vos missions, ne baissez jamais la garde. La nation est reconnaissante de votre sacrifice et votre ténacité. Vous portez, parfois au péril de votre propre sécurité, l’étendard de la probité dans l’administration », avait lancé Félix Tshisekedi. Un discours qui résonne avec le témoignage de vie de Floribert Bwana Chui, martyr et modèle de la lutte anti-corruption. ACP/C.L.