La France assure de continuer à accueillir des artistes du Sahel

Kinshasa, 15 septembre 2023(ACP).- « Ni boycott, ni représailles » : l’exécutif a assuré vendredi que la France allait continuer à accueillir des artistes du Sahel, après une polémique née d’une directive administrative demandant à cesser toute collaboration avec le Niger, le Burkina Faso et le Mali, où les services consulaires ont été fermés», a-t-on appris des médias internationaux.

« Lorsqu’on dit qu’il n’y aura pas de visa ou qu’on annule tous les événements qui seraient faits en France avec tous les artistes venant du Burkina Faso, du Mali ou du Niger : c’est faux, ça ne se passera pas », a affirmé le président Emmanuel Macron lors d’un déplacement en Côte d’Or (est de la France).

Il a ajouté que « la vocation de la France, c’est d’accueillir les artistes, les intellectuels, et de pouvoir justement les faire rayonner en toute liberté ».

Jeudi, le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) et ses homologues (l’Aac, l’Accn, l’A-CDCN, l’ACDN et l’ASN) ont publiquement protesté contre un message qu’ils assurent avoir reçu mercredi « en provenance des DRAC », les directions régionales de la culture, et « rédigé sur instruction du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ».

« Ce message au ton comminatoire demande à nos adhérents de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso », ont précisé ces professionnels de la culture dans un communiqué commun.

Face à la pluie de commentaires indignés qui a immédiatement suivi, d’acteurs de la culture comme de représentants du monde politique, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a tenté éteindre la polémique vendredi matin sur RTL, assurant qu’on « ne boycotte jamais d’artistes, nulle part ».

Elle a également indiqué qu’un message « clarifiant » cette directive allait être envoyé vendredi par ses services. « Il y a eu trop de confusion et, visiblement, de l’incompréhension suite à certains messages qui ont été passés« , a-t-elle regretté.

Mettant en avant l’impossibilité de délivrer de nouveaux visas, la ministre a précisé qu’il n’était « pas question d’arrêter d’échanger avec les artistes ». « Tous ceux qui ont déjà des visas et qui ont des tournées ou des spectacles prévus (…) vont pouvoir venir comme prévu ».

Pour Sébastien Lagrave, directeur du festival de musiques Africolor (17 novembre au 24 décembre en région parisienne), les conséquences sont déjà concrètes. « J’ai trois concerts d’artistes maliens qui vont être annulés », a-t-il affirmé.

« On sait très bien que la plupart des artistes se voient accorder des visas de courte durée. Ceux qui ont déjà un visa sont une minorité. Pour un festival comme nous, en novembre, on demande des visas à partir de septembre. Là, c’est impossible qu’ils viennent« , a-t-il poursuivi. Et de dénoncer une décision « violente, très abrupte et verticale ».

« La ministre de la Culture dit qu’il n’y a pas de service de visa en fonctionnement dans ces pays, c’est faux. Les prestataires de service sont toujours ouverts, on peut instruire des dossiers« , selon lui.

« Le texte (celui de la Drac, ndlr), la façon dont il a été rédigé, inquiète et questionne beaucoup« , a estimé auprès de l’AFP Patrick Penot, directeur du festival de théâtre Sens Interdit à Lyon, prévu mi-octobre. Il attend une actrice burkinabé, actuellement sans visa.

« Nous espérons une solution pour elle, qui est indispensable pour l’un des spectacles« , a-t-il dit, critiquant une situation avec « des artistes punis et interdits de circulation (…) sous prétexte que leur gouvernement est en délicatesse avec le nôtre ! ».

La France a interrompu le 29 juillet et le 6 août toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire avec le Niger et le Burkina Faso. En novembre 2022, elle l’avait déjà fait pour le Mali.

Nouvelle prolongation de la suspension de vols d’Air France vers le Sahel

Air France a annoncé vendredi  avoir encore prolongé d’une semaine supplémentaire, jusqu’au 24 septembre inclus, la suspension de ses vols depuis et vers le Mali et le Burkina Faso, les vols à destination du Niger restant, quant à eux, arrêtés « jusqu’à nouvel ordre « À la suite du coup d’État au Niger et en raison de la situation géopolitique dans la région du Sahel.

 Air France est amenée à adapter son programme de vols vers et de Niamey (Niger), Bamako (Mali) et Ouagadougou (Burkina Faso) », a précisé un porte-parole de la compagnie vendredi.

 « La suspension des vols de et vers Bamako est prolongée jusqu’au 24 septembre inclus », tout comme celle « des vols de et vers Ouagadougou », tandis que « la desserte de Niamey demeure suspendue jusqu’à nouvel ordre », a renchérie la source.

« En lien avec les autorités françaises, la compagnie suit en permanence l’évolution de la situation géopolitique des territoires desservis et survolés par ses appareils et rappelle que la sécurité de ses clients et de ses équipages est sa priorité absolue », selon la même source. Air France avait déjà prolongé cette suspension à quatre reprises.

L’entreprise française, principale compagnie aérienne entre l’Europe et l’Afrique, avait suspendu le 7 août ses vols à destination de Bamako (sept vols par semaine), Ouagadougou (cinq vols par semaine) et Niamey (quatre vols par semaine) après la fermeture de l’espace aérien du Niger, théâtre d’un coup d’Etat le 26 juillet 2023. Cet espace aérien a été rouvert le 4 septembre et Air France a annoncé dans la foulée que ses avions recommenceraient à survoler le territoire nigérien, mais sans reprendre la desserte de Niamey.

En rétorsion, les autorités du Mali, dont les dirigeants militaires sont solidaires des putschistes nigériens, ont annulé l’autorisation d’Air France de faire voler des appareils entre Paris et Bamako, évoquant un « manquement notoire » aux termes de son autorisation d’exploitation. Cette annulation est valable pour toute la saison d’été, qui s’étend jusqu’en octobre, et l’Agence nationale de l’aviation civile malienne a menacé Air France de céder ses créneaux « à une autre compagnie qui le solliciterait ». ACP/Kayu

Fil d'actualités

Sur le même sujet