L’Afrique devrait proposer une solution alternative à la  CPI, plutôt que de la critiquer

Kinshasa, 2 juin 2021 (ACP).- L’Afrique devrait proposer une solution alternative à la Cour pénale internationale (CPI), plutôt que de la critiquer. Il ne suffit pas de critiquer la CPI ou de s’en retirer, a déclaré mercredi à Kinshasa, au nom du Président en exercice de l’Union africaine, Félix-Antoine Tshisekedi, la ministre d’Etat en charge  de la Justice et garde des sceaux Rose Mutombo Kiese, à l’ouverture en visioconférence de la toute première retraite des juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

« J’ai suivi l’évolution des événements de ces dernières années concernant la Cour. Si l’on compare les activités entreprises par la Cour africaine à celles d’autres juridictions régionales, au cours de la même période, l’on peut affirmer, avec confiance, que la Cour africaine a enregistré un grand succès. En termes de chiffres, en mai 2021, la Cour a reçu plus de 323 requêtes en matière contentieux  et a rendu 113 décisions et plus de 67 ordonnances portant mesures provisoires », a déclaré lors de sa prise de parole, la ministre d’Etat.

Elle a en outre, fait savoir que  210 affaires sont pendantes devant  cette cour qui a reçu 14 demandes d’avis consultatif, en a vidé 13 et une pendante, avant de soutenir que la visibilité a été grandement améliorée grâce à ses arrêts et ordonnances.

L’accès à la Cour a été amélioré et celle-ci a continué à collaborer avec les Etats membres et les organisations de la société civile, notamment par le biais des visites de  sensibilisation régulières.

En dépit de ce tableau reluisant, il est évident que la Cour semble toujours être confrontée à de nombreux défis pour s’acquitter efficacement de son mandat,  a dit Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice.

« Aujourd’hui plus de deux décennies après l’adoption du Protocole, seuls des 55 Etats membres  de notre Union l’ont ratifié, mon pays étant devenu partie suite au dépôt le 8 décembre 2020 de l’instrument relatif, conformément à la volonté de mon gouvernement de promouvoir la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme dans mon pays », a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, elle a indiqué que sur 31 Etats, 6 seulement ont déposé leurs Déclarations prévue à l’article 34(6) du Protocole permettant aux individus et aux ONG de saisir directement  la Cour. Entre 2017 et 2019, 4 Etats qui avaient déposé ladite Déclaration l’ont retirée en raison de désaccords avec la Cour sur les arrêts ou ordonnances rendus par cette dernière, a-t-elle poursuivi, ajoutant qu’à ce jour, seulement 7 % des arrêts de la Cour ont été entièrement mis en œuvre, 18 % l’ont été partiellement et 75 % n’ont pas été exécutés. Ces statistiques sont alarmantes et nous amènent à nous interroger sur l’engagement des Etats en faveur d’une Cour efficace.

Au cours de vos délibérations, vous devriez examiner de manière critique l’ensemble de l’architecture africaine des droits de l’homme, les différentes institutions connexes, et formuler des recommandations concrètes sur la manière d’améliorer le système africain des droits de l’homme dans son ensemble et la Cour en particulier, a renseigné Mme la ministre de la Justice.

 « L’initiative actuelle de réforme institutionnelle de l’Union africaine nous offre une opportunité qu’il ne faut pas manquer. Nous devons nous poser les questions difficiles si nous voulons obtenir les bonnes réponses. Malheureusement, 15 ans après, et malgré le nombre élevé des affaires pendantes devant la Commission, cette dernière n’a saisi la Cour que de 3 affaires », a-t-elle déploré, avant de se poser d’autres questions : Avons-nous besoin de plusieurs institutions supranationales traitant des droits de l’homme ou devons-nous les fusionner ? Les juges doivent-ils travailler à temps plein ou à temps partiel ?  Avons-nous encore besoin de la Déclaration au titre de l’article 34(6) pour reconnaître la compétence de la Cour ?  Certaines parties prenantes ont demandé la création d’une chambre d’appel pour donner aux parties la possibilité de faire appel des décisions de la Cour. Cela vaut-il la peine d’être envisagé ?

« Je suis convaincu que les dirigeants africains partagent le même désir de voir les institutions qu’ils mettent en place fonctionner efficacement. C’est pourquoi l’Union veille à ce que les organes tels que la Cour africaine soit financée par les contributions des Etats membres, peu ou aucun financement ne provenant de partenaires extérieurs. Les Etats tout comme les requérants, ont le droit de ne pas être d’accord avec les décisions de n’importe quelle Cour », a-t-elle dit.

Le succès et l’échec de tout système des droits de l’homme ou de justice dépendent du soutien et de la coopération qu’il reçoit des différentes parties prenantes qui l’utilisent, a dit Mme la ministre de la justice, arguant que le respect des décisions de la Cour est essentiel au succès de tout système judiciaire et à la bonne administration de la justice. Par contre, la non exécution de ses décisions détruit non seulement la raison d’être d’un tribunal mais sape la confiance du public dans le système judiciaire.

« Pour lui, le soutien à la Cour, le dépôt de la Déclaration reconnaissant la compétence de la Cour, le respect des décisions de la Cour, le dépôt des conclusions dans les délais, le soutien à nos propres institutions, en particulier à nos propres structures judiciaires, est encore plus crucial à l’heure où nous nous trouvons vilipendés sur la scène internationale, où nos dirigeants sont jugés par des tribunaux internationaux. Oui, nous désapprouvons les procédures devant la Cour pénale internationale (CPI) ; oui nous désapprouvons les poursuites injustifiées et partiales engagées à La Haye contre des Africains uniquement. Mais il ne suffit pas de critiquer la CPI ou de s’en retirer. Nous devons proposer une alternative à la CPI et, à mon avis, cette alternative prend la forme d’une  Cour africaine indépendante, forte et dotée de ressources suffisantes. Nous ne pouvons jouer sur les deux tableaux- nous retirer de la CPI et ne pas disposer de solution alternative », a-t-elle conclu.

Pour sa part, la présidente de la Cour africaine de droits de l’homme et des peuples,  Imani Aboud, a déclaré que « notre tâche consistera à faire le point de notre système de fonctionnement de la Cour, sa jurisprudence ainsi que ses relations avec d’autres acteurs des droits de l’homme en Afrique, en vue d’identifier ses forces et faiblesses ». ACP/Matondo

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