Le Sénat lève les immunités de l’ancien président Joseph Kabila

Kinshasa, 22 mai 2025 (ACP).-Le Sénat de la République démocratique du Congo a voté jeudi, une résolution levant les immunités de l’ancien président Joseph Kabila, autorisant le parquet militaire d’engager des poursuites judiciaires contre lui.
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« (…) En conséquence de ce qui précède, le Sénat lève les immunités parlementaires du sénateur à vie Joseph Kabila Kabange et ancien Président de la République et donne à l’auditeur général (Procureur militaire) près la Haute cour militaire, l’autorisation des poursuites à sa charge », ont adopté avec 88 votants contre 5 contre et 3 bulletins nuls.

La lecture de cette résolution a été faite par la sénatrice Nefertiti Ngudianza, Rapporteur de la Chambre haute du Parlement, au cours de la séance plénière consacrée à la présentation du rapport de la commission spéciale chargée de l’examen du réquisitoire du chef du parquet militaire (auditeur général).

Auparavant la plénière avait assisté à la lecture du rapport de la commission spéciale présenté par la rapporteure de ladite commission, la sénatrice Carol Agito, laquelle commission était présidée par le sénateur Christiphe Lutundula. Ce rapport a été adopté à l’unanimité par la quasi totalité des sénateurs présents dans la salle.

 La principale résolution de ce rapport voté adoptée massivement, a tenu à la levée des immunités et l’autorisation des poursuites contre le sénateur à vie, Joseph Kabila Kabange pour permettre à la justice de faire son travail et à leur collègue Joseph Kabila Kabange de donner sa version des faits et de présenter ses moyens de défense devant le juge.

Le vote à bulletin secret s’en était suivi pour adopter la résolution issue du rapport de la commission spéciale instituée, à l’issue duquel 88 sénateurs, soit 91,66 % sur les 96 ayant pris part au vote, ont voté pour la levée des immunités parlementaires et l’autorisation des poursuites contre l’ex-président Kabila. 5 sénateurs soit 5,2 % ont voté contre et il n’y a eu aucune abstention mais 3 bulletins nuls, soit 3,12 %.

Dans la résolution finale du Sénat, il a été rappelé que l’auditeur général près la haute Cour militaire avait demandé au Sénat sur la levée des immunités parlementaires et l’autorisation de poursuite du sénateur à vie, Kabila, ancien président de la République, présumé être l’auteur de participation au mouvement insurrectionnel du M23/AFC, de trahison et de participation à des crimes de guerre.

Selon la Constitution, le Sénat a indiqué que les anciens présidents de la République élus sont de droit sénateurs à vie et par conséquent, les dispositions constitutionnelles et règlementaires relatives au statut de sénateur leur sont applicables sans préjudices de la dispense des obligations auxquelles les sénateurs sont tenues, prévues dans le règlement intérieur du Sénat.


La Chambre haute du Parlement congolais a également, dans ce document présenté devant la plénière, que la Constitution dispose qu’ « aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions et d’autre part, aucun parlementaire ne peut en cours de session, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas ».


« La levée des immunités d’un sénateur et la poursuite contre lui relève de la compétence du sénat, conformément à l’article 107 de la Constitution en son alinéa 2 », a précisé la Rapporteure du Sénat, dans sa lecture.


« La Loi numéro 18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus qui confère en son article 8 alinéa 1er, cette prérogative au Congrès à l’égard de ses bénéficiaires, ne peut prévaloir sur la Constitution dont l’article 119 énumère limitativement les attributions du Congrès d’une part et que seule une Loi constitutionnelle peut modifier ou remplacer une disposition de même nature d’autre part, qu’au surplus, aucune disposition du règlement intérieur actuel du Congrès ne mentionne et n’organise la levée des immunités parlementaires ainsi que l’autorisation de poursuite des anciens présidents de la République élus », a-t-elle insisté dans cette résolution.


Et de poursuivre : « les personnes justifiables par Etat de la Cour de Cassation, sont justifiables de la Haute cour militaire pour les faits qui relèvent de la compétence des juridictions militaires et les officiers du ministère publics militaires disposent en matière d’instruction préparatoire le même pouvoir que ceux des Parquets près les juridictions de droit commun ».


Et de renchérir : « l’article 111 in fine du code judiciaire militaire ainsi libellé, les juridictions militaires sont compétentes à l’endroit de ceux qui, sans être militaires, commettent des infractions au moyen d’armes de guerre et une autre disposition du même code qui dispose que les juridictions de droit commun sont compétentes dès lors que l’un des co-auteurs ou complices n’est pas justiciables de juridiction militaires, sauf pendant la guerre ou dans la zone opérationnelle sous l’état de siège ou d’urgence ».


Pour le Sénat, il se dégage des dispositions du code militaires sus-évoqués que l’auditeur général près la Haute cour militaire a qualité pour requérir au sénat, la levée des immunités et l’autorisation de poursuite du Sénateur à vie, Monsieur Joseph Kabila Kabange, ancien président de la République, présumé d’avoir commis de faits infractionnels contenus dans son réquisitoire cités ci-haut.


Le Sénat a, par ailleurs, fait remarquer que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, d’une part et le pouvoir législatif ne peut statuer sur les différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s’opposer à son exécution d’autre.


Une autre précision évoquée dans cette résolution sénatoriale renseigne ce qui suit : « en vertu de la règle de la séparation de pouvoir consacrée par deux articles de la Constitution le Sénat n’a pas compétence pour connaitre quant au fond, des faits exposés dans le réquisitoire de l’auditeur général. Son examen porte sur la relation des faits imputés au sénateur avec l’exercice de ses fonctions, exercice protégé par la Constitution dans l’intérêt du Sénat à travers les immunités parlementaires, telles que définies par la loi et comportant l’irresponsabilité ainsi que l’inviolabilité parlementaire pour des opinions et votes émis en cette qualité, de ce fait, les immunités parlementaires sont instituées pour protéger les fonctions exercées plutôt que pour placer leurs bénéficiaires au-dessus de lois de la république ou en dehors de celle-ci ».


Ainsi donc, le Sénat a pris également acte de ce que, quoique régulièrement invité à présenter ses moyens des défenses, et sa version des faits à la commission spéciale, conformément à son règlement intérieur du Sénat, par la lettre du président du sénat, Joseph Kabila n’a donné aucune suite favorable à cette invitation.


De ce fait, le sénat dit se déclarer régulièrement saisi par l’auditeur général près la Haute Cour militaire et compétent pour connaitre de son réquisitoire.


La Chambre des Sages a informé l’opinion que les faits dont les sénateur à vie Kabila est présumé être l’auteur, n’ont pas de lien avec l’exercice de ses fonctions parlementaires et ne peuvent pas ipso facto, donné droit à la couverture des immunités parlementaires prévues par la Constitution.


Et qu’en conséquence de ce qui précède, le Sénat a décidé de lever les immunités parlementaires du sénateur à vie Joseph Kabila tout en donnant carte blanche au parquet militaire de faire librement son travail.


Quid du réquisitoire du sénateur Lingepo ?


L’autre réquisitoire inscrit à l’ordre du jour, était celui du procureur général près la cour de cassation et concernait la levée des immunités ainsi que l’autorisation des poursuites contre le sénateur Michel Lingepo Molonga.

L’assemblée plénière a été informée du retrait de la plainte par le vice-ministre du Budget Elysée Bokumwana, (partie demanderesse) auprès de la Cour de cassation.

Il convient en effet, de rappeler qu’au cours de la séance plénière du jeudi, 15 mai 2025, l’assemblée plénière avait mis en place une Commission spéciale chargée d’examiner ces deux réquisitoires. Un délai de 72 heures avait été imparti à cette commission pour effectuer ce travail. Ayant terminé ses travaux, le bureau de la commission ad-hoc a rendu public son rapport devant les sénateurs au cours de la plénière de ce jour.


ACP/Célestin LUTETE

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