Kinshasa, 17 novembre 2022 (ACP). – Les opposants tchadiens ont avoué de se sentir traqués depuis près d’un mois, ont noté mercredi des agences internationales de presse. D’après ces sources, le jeune président du mouvement, Succès Masra, a assuré avoir été contraint » de fuir son pays le 1er novembre.
Il est le plus virulent des opposants au général Mahamat Idriss Déby Itno, comme auparavant à son père Idriss Déby Itno auquel il a succédé à la tête d’une junte militaire en 2021, quand le Chef de l’Etat a été tué par des rebelles. « Les gens sont traumatisés. La traque continue. Ils ont peur de passer devant les Transformateurs, peur d’être interpellés », a fait savoir Gabin, 30 ans, militant du parti qui se cache depuis quatre semaines. Les portes ont été cadenassées par les voisins pour éviter les intrusions mais les fenêtres brisées rappellent les violences du 20 octobre. Ce jour-là, une cinquantaine de personnes ont péri, officiellement, essentiellement des jeunes manifestants sous les balles des policiers et soldats. Bien davantage, selon l’opposition et des ONG.
Les Transformateurs et la plateforme de l’opposition Wakit Tamma voulaient protester contre la prolongation de deux ans de Mahamat Déby à la présidence, décrétée sur recommandation d’un dialogue de réconciliation nationale qu’ils avaient boycotté. Un an et demi plus tôt, le 20 avril 2021, l’armée annonçait la mort au front du maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis 30 ans d’une main de fer, et proclamait son jeune fils de 37 ans Chef de l’Etat à la tête d’une junte de 15 généraux. Tout en promettant de remettre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois.
A l’aube du 20 octobre, les pneus brûlaient et les premiers tirs visant les manifestants retentissaient, en prélude à une journée d’enfer à N’Djamena et au moins trois autres villes de ce vaste pays d’Afrique centrale. Quelques traces des affrontements sont encore visibles dans Abena : pneus brûlés, édifices saccagés ou incendiés.
Mais globalement, la vie a repris son cours normal même si la peur des arrestations ou de nouveaux affrontements reste palpable. Aujourd’hui, l’opposition, des ONG internationales, des experts de l’ONU et des responsables de l’Union africaine (UA) accusent le pouvoir de continuer à traquer les opposants. Transformateurs et Wakit Tamma assurent que 1 500 à 2 000 personnes ont été arrêtées depuis le 20 octobre et dénoncent des « exécutions extrajudiciaires ».
Par ailleurs, l’UA et l’Union européenne (UE) avaient condamné fermement « une répression disproportionnée et les graves atteintes aux libertés d’expression et de manifestation. Ils sont venus chez moi pour m’interpeller », a raconté Gabin. Six de ses voisins ont été arrêtés, ajoute-t-il. Le frère de Nouba Nadjilem a été interpellé dans la capitale le 20 octobre.
L’adolescent de 15 ans « allait juste chercher du sucre », se lamente sa sœur, « sans nouvelles » de lui depuis. Dans un rapport du 4 novembre, des experts mandatés par l’ONU estimaient qu’entre 50 et 150 personnes ont été tuées, 150 à 184 autres ont « disparu », 1 369 arrêtées et 600 à 1 100 « déportées » à Koro Toro. Vendredi, le président de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki, a dénoncé dans un rapport une « répression sanglante » et des cas signalés de « tortures, exécutions extrajudiciaires et enlèvements de plusieurs civils ».
ACP/ KHM/KKP/SGB/CDN