Kinshasa, 03 mai 2023 (ACP).- L’évolution de la presse en République Démocratique du Congo et les solutions apportées par la nouvelle loi de la presse ont fait l’objet, mercredi, d’un échange entre l’ACP et le patron de la chaîne de télévision privée Numerica TV, dans le cadre de la Journée mondiale de la liberté de la presse.
Kibambi Shintwa a estimé que « la presse congolaise se meurt à cause notamment de la prolifération des médias, l’infiltration des non attitrés, ainsi que la disparition progressive du système ‘’Conseil de rédaction’’, réputée comme lieu de mutualisation des intelligences et d’orientation des reporters.
« La nouvelle loi sur la presse qui répond à un impératif de salubrité médiatique, a l’avantage de consacrer le droit de réponse, comme moyen d’évaluer également le rendement du journaliste », a-t-il dit.
Question 1 : A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, quelle lecture faites-vous de l’évolution de ce secteur en République Démocratique du Congo ?
Kibambi Shintwa : « La presse congolaise est en train de mourir parce que chaque journaliste fait ce qu’il veut. Vous savez, il y a un secret : toutes les grandes rédactions ont ce qu’on appelle le conseil de rédaction. C’est là où l’on mutualise les intelligences, pour donner l’information qui pèse. Vous avez une conférence de rédaction où on vous envoie faire tel reportage, suivant la ligne éditoriale. On vous impose la ligne à suivre, et quand vous revenez, vous rendez, et on vous oriente par rapport à la rédaction du lead, le corps du texte, etc, pour constituer enfin une information à laquelle beaucoup de gens ont participé. Mais tout ce que l’on fait tout seul.
Vous savez moi, j’ai quitté la radio nationale, pour le privé, à l’époque où il n’y avait que 4 chaînes. Les journalistes étaient bien rémunérés. Mais aujourd’hui, où sont les journalistes, les bons? Ils ne sont même pas bien payés, parce c’est trop des médias. C’est là où j’encourage le ministre. Il faut qu’il travaille dans le sens de réduire le nombre des médias et durcir les conditions pour le devenir. Aujourd’hui, c’est tout le monde qui veut devenir journaliste, et avec beaucoup des fautes. Et concernant l’aide à la presse, si c’est 200 presses, cet appui ne se ferait pas sentir. Mais si l’on avait par exemple huit télévisions plus la RTNC, l’aide pèserait ».
Question 2 : Que représente pour vous la nouvelle loi de la presse dénommée » Loi Muyaya » ? Croyez-vous en elle comme instrument de changement ?
Kibambi Shintwa : « Une avancée significative parce qu’elle vient nous mettre à l’abri notamment des juges, grâce à la consécration du droit de réponse. Quand on dit ‘’droit de réponse’’, mais c’est une sanction. Lorsqu’un journaliste amène un droit de réponse à maintes reprises, ça veut dire que vous ne travaillez pas bien et que votre place, c’est la porte. Mais quand c’est une information bien vérifiée, avec un son de cloche, l’information a la chance d’être crédible ».
Question 3 : De par votre expérience de plusieurs années dans le métier, de quel modèle de presse le pays a besoin aujourd’hui ?
Kibambi Shintwa : « Actuellement, notre pays a besoin d’une presse professionnelle, c’est tout. Même pour faire face à la guerre médiatique avec les voisins, et autres réalités de la RDC, il nous faut simplement une presse professionnelle. Je vous assure, aussi longtemps qu’on aura trop de médias, le journaliste aura tendance à aller chercher le lucre, sans privilégier l’information de qualité. Et s’il y a peu de médias, on pourra bien payer le personnel, on pourra bien payer les bons journalistes. Et il y en a ».
ACP/