«Parafifi » et «  Kallé Kato.», les deux œuvres de Grand Kallé ayant posé les bases de la rumba congolaise  (Par Arthur Kayumba)

Kinshasa, 21 février 2022 (ACP).- La chanson «Parafifi » est encore d’actualité dans plusieurs discothèques en digital comme en analogie après avoir traversé le temps sans prendre de ride comme disait   Samuel Malonga, chroniqueurs de la musiquecongolaise.

Samuel Malonga, souligne que cette oeuvre mythique écrite par Joseph Kabasele Tshamala alias Grand Kallé, avec son caractère romantique, a connu plusieurs versions et remix précisant qu’elle a été dédiée à un couple d’amis. « Parafifi » est en réalité la contraction de deux noms, ceux d’un jeune homme dahoméen (aujourd’hui Béninois), Paraiso est un ami de Kallé, et de sa copine, Félicité (Fifi), célèbre couple de l’époque.

Cette classique de la musique congolaise est une dédicace à Paraiso (Para) et Félicité (Fifi). « Parafifi » est enregistré pour la première fois en 1953, chez Opika sur un support 78 tours. Sur ce disque n⁰ 1779 est aussi mentionné le nom du guitariste Nico Kasanda. On trouve sur ce single deux compositions de Kallé à savoir « Parafifi » sur la face A et « Yallee » sur le versant B.

Outre la voix du chanteur, on ne distingue presque pas la présence de la guitare qui est quasiment inaudible alors que la section cuivre est totalement absente. Alfons Fund Candix qui a eu le mérite d’introduire le saxo dans la rumba congolaise n’est pas de la partie. Il y a plutôt la prédominance du piano. Cet instrument a quasiment accompagné le chanteur tout au long de la chanson probablement par le Gilbert Warnant, l’ingénieur du son et producteur au studio Opika.

L’autre version de cette chanson est sortie sous le label Surboum African Jazz de Kallé au tout début des années 60 sûrement en 1961 lors de l’éclatement de l’African Jazz. La guitare solo serait jouée par André Kambete dit Damoiseau.

C’est un 45 T où est seulement reprise une chanson du disque originel. Sur ce single AJ 56, la reprise de « Parafifi » se retrouve sur la face B tandis que « Chérie Madona », une nouveauté composée par Edouard Clary Lutula est placée sur la face A. Cette nouvelle version semble plus connue que la première parce qu’elle est la plus diffusée alors que celle de 1953 a lentement sombré dans l’oubli. En 2016, Sam Mangwana interprète cette œuvre inoxydable dans l’album « Lubamba » sous le titre « Félicité ».

Jeanne-Félicité Safou-Safouesse est née en 1933 sur les bords du lac Tanganyika à Albertville actuellement Kalemie, loin du Congo Brazzaville dont ses parents sont originaires. Elle travaille à radio A.E.F (Afrique Équatoriale Française) à Brazzaville dont elle est la première speakerine africaine dans les années 50. Elle a vingt ans à la sortie du disque qui l’a immortalisé.

Kallé lui envoie même un exemplaire. La chanson est exécutée en boucle plusieurs fois par jour sur les antennes de sa radio. « Parafifi » connaît un succès fou sur les deux rives du fleuve Congo.

Institutrice de formation, Félicité Safouesse est vite devenue cette présentatrice de radio et de télévision qui a su captiver ses téléspectateurs tout comme ses auditeurs dans les émissions comme « Le concert des auditeurs » et « Dites-le par le disque ».

Elle est l’auteur de « Pensées pour votre album » publié en 1985 et de « La Congolaise dans la société » paru en 1990. Décédée en 1996 à l’âge de 63 ans, son buste trône à la place de la gare de Brazzaville depuis 2012.

Trente-neuf ans après la disparition de Joseph Kabasele, son ombre sillonne à travers ses œuvres notamment Parafifi qui  reste toujours d’actualité et continue à faire parler l’auteur et à faire danser le monde.

Il n’y a pas eu que l’immortalisation de Jeanne-Félicité Safou-Safouesse dans « Parafifi ». Il y a eu aussi Catherine, son épouse immortalisée dans « Kallé Kato », note aussi Herman Bangi Bayo, chercheur et mécène culturel.

Pour rappel, Grand Kallé a commencé sous la direction de Dula Georges qui l’a amené au studio Opika de Moussa Benathar en 1950 où il accompagnait lors des enregistrements des musiciens aguerris comme George Dula, son mentor, Paul Mwanga, Sathan, Taumani, Gobi, Depe,TinoBaroza, Déchaud, Jhimmy à l’hawaïenne dans les chansons comme « Onduruwe », « Mabokolikolo », « Na komboyaJhimmy », etc.

Du coup, il est devenu le chanteur principal et le ténor attitré de cette maison d’édition.

C’est au sein du groupe Bana Opika qu’il a constitué l’ossature de l’African Jazz, déjà en gestation depuis 1951, mais qui est devenu opérationnel en 1953. Dans cette chanson, sortie vers les années 51, Kallé rend hommage à ses amis du club PalmoliveLiwasa, Edmond Xavier dit Lex et Labo Gabriel dit Laboga, renvoyés tous de l’école moyenne Saint Raphaël, à cause des écarts de conduite.

Les deux amis, Kallé et Laboga, se sont retrouvés plus tard artistes musiciens dans la même écurie, les éditions Opika. Grand Kallé a également dédié cette chanson « KalléKato » à sa femme Catherine pour magnifier leur amour. C’est la chanson qui l’a fait découvrir au grand public et dans laquelle il a démontré ses talents d’auteur compositeur et de chanteur de charme.

 Il s’est fait accompagner par des musiciens talentueux comme Tino Baroza, DéchaudMwamba et le saxophoniste belge FudCandrix. A travers ses premières compositions, Grand Kallé jette les bases de la rumba congolaise en apportant du lyrisme et du romantisme et se démarque de la rumba cubaine en y apportant des innovations tels les tam-tams tetela, le balafon luba et le ngongi.

La République Démocratique du Congo  se réjouissant de l’inscription de sa rumba comme patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, garde une pensée pieuse en mémoire de Kabasele Tshamala qui en est l’un des précurseurs.

Monument de la musique congolaise moderne, Joseph Kabasele est celui qui a révolutionné cette musique en la calquant sur le modèle des orchestres afro-cubains et qui a également gratifié des mélomanes des œuvres d’anthologie.

« On l’appelait Grand Kalle alors qu’il n’était pas grand de taille ni trop âgé mais c’est son immense talent qui lui a fait mériter  ce surnom. Maître des maîtres », confirment MM Jean Pierre Omanga et Marcello Willard Ngeleka, tous deux opérateurs culturels engagés dans la promotion de la rumba congolaise.

Selon ces derniers, cet initiateur de l’école African Jazz,  a suscité diverses vocations qui lui ont permis d’avoir  de nombreux disciples, pas des moindres.

 Grand Kalle était un perfectionniste, rigoureux et exigeant vis-à-vis de lui-même et de ses collaborateurs. Il a façonné les carrières de plusieurs artistes musiciens dont certains étaient destinés à d’autres métiers. Ce maître a vu passer beaucoup de disciples et certains d’entre eux ont acquis une renommée internationale à l’instar de TabuLey et Manu Dibango.

Bref, Grand Kallé   a su donner de la valeur à la musique congolaise sous toutes ses facettes. Sa destinée était déjà tracée dès qu’il a décidé d’embrasser cette carrière, lui qui avait comme condisciples Jean-Jacques Kande, Elebe Ma Ekonzo, VicrorNdjoli, devenus journalistes pour les deux premiers puis ministres, tous les trois, mais aussi Muissa Camus (un autre pionnier de la presse nationale). Voilà des sommités de la République Démocratique du Congo avec lesquels il a cheminé.

ACP/Kayu/OB/MMC/SGB//CKM

Fil d'actualités

Sur le même sujet