Proposition des stratégies pour une gestion durable des déchets solides, cas de l’opération «Kin Bopeto»

Kinshasa, 11 février 2022(ACP).- Le Pr  John Pote de l’Université de Genève(UNIGE) et des facultés des sciences de l’Université de Kinshasa(UNIKIN) et de l’Université pédagogique nationale(UPN), a proposé au cours d’un entretien vendredi avec l’ACP, des stratégies pour une gestion durable des déchets solides urbains et assimilés dans la ville de Kinshasa, cas de l’opération «Kin Bopeto».

Ila salué, l’initiative de l’opération « Kin Bopeto » dont il a eu l’écho de signature de partenariat entre le gouvernement provincial de la ville de Kinshasa et  la firme « Albayrak Group »et la réception de nouveaux engins pour booster l’assainissement dans la ville de Kinshasa.

Ingénieur civil  en biotechnologie environnementale  et chercheur au Centre de recherche en sciences humaines à  Kinshasa (CRESH), le Pr Pote a souligné qu’il faut d’abord savoir que les grandes villes des Pays en voie de développement, notamment en Amérique Latine et en Afrique sub-saharienne qui subissent un accroissement démographique énorme sont confrontées à de multiples difficultés parmi lesquelles les problèmes d’assainissement, et plus particulièrement de la gestion des déchets et des ressources en eaux urbaines.

La ville de Kinshasa en général et d’autres grandes villes de la RDC en particulier, se trouvent depuis ces trois dernières décennies submergées de dépôts anarchiques des déchets surtout au niveau des marchés et des quartiers populaires.

Ces ordures constituent un important facteur d’inondation comme « je l’ai expliqué il y a quelque temps, pollution des cours d’eau, des odeurs désagréables et sont à la source de nombreuses maladies hydriques infectieuses et épidémiologiques comme diarrhée bacillaire, fièvre typhoïde, choléra, paludisme  qui affectent régulièrement la population avec une importante perte humaine et financière ».

A la question relative à l’opération Kin Bopeto,  il a indiqué, d’abord il faut définir qu’est qu’on attend par la gestion des déchets. La gestion des déchets comme étant «l’ensemble des activités de précollecte, de collecte, de valorisation et de traitement des déchets enfin de réduire à plus de 60% l’entreposage c.-à-d. la mise en décharge».

Cette considération, a-t-il poursuivi, n’exclut pas toutes les infrastructures qui doivent

être gérées et planifiées, en réglant les problèmes d’ordre sanitaire, technique, scientifique, juridique, économique, social et environnemental.

« Je pense qu’avant de lancer cette opération Kin Bopeto, les initiateurs ont pu faire un plan stratégique de la gestion des déchets urbains et assimilés à l’échelle d’une grande ville comme Kinshasa (plan d’action immédiate, à court, moyen et long terme). Sans cela KinBopeto va aboutir à un échec comme de nombreux autres projets initiés et réalisés à Kinshasa, à l’instar des projets comme le Programme d’assainissement urbain de Kinshasa (PAUK) et le Projet réhabilitation et aménagement urbain de Kinshasa (PARAU), financés par l’Union Européenne de l’ordre de plusieurs centaines de million de dollars », a affirmé le Pr Pote.

Plan stratégique de la gestion des déchets

En parlant d’un plan stratégique de la gestion des déchets, selon lui, il faut  d’abord les composantes des déchets urbains qui sont la fraction solide (déchets solides ménagers et assimilés, déchets des marchés et des chantiers, et les déchets spéciaux des hôpitaux)  et la fraction liquide (les effluents hospitaliers et industriels, et les eaux de ruissellement à partir des chaussés).

Gérer ces deux fractions, a-t-il estimé, revient à tenir compte de l’ensemble des opérations de production (taux de génération des déchets), de précollecte (du lieu de production vers le site intermédiaire), de collecte (du site intermédiaire vers la décharge), de valorisation (recyclage et traitement) et d’entreposage (mise en décharge définitif).

Pour une meilleure gestion des déchets, il faut ainsi tenir généralement compte des huit aspects suivants (non exhaustif).

Premièrement, « il faudrait absolument et préalablement estimer le taux de génération c’est-à-dire la production spécifique des déchets, le nombre de kg/jour/habitant. Cela doit se faire en fonction de la stratification de la ville (quartiers en haut, moyen et bas standing, marchés et espaces publiques) », a-t-il décrit.

Deuxièmement l’intervenant a estimé qu’ll faut  connaitre la typologie des composantes des déchets ou le pourcentage des déchets organiques, plastiques, papiers, ferrailles (métaux), piles, verres, vêtements et particules fines (sable et poussières  de dimension inférieure à 20mm).

Ceci a pour but de permettre une appréciation des possibilités de valorisation, traitement et d’élimination (recyclage, compostage, biométhanisation, incinération, décharge contrôlée), en ajoutant selon lui, les différentes analyses physicochimiques comme la densité (pour connaitre le nombre de m3des déchets/jour/hab), le pouvoir calorifique, l’humidité, le pH, le rapport C/N et la biomasse bactérienne.

Estimation de coût de gestion

En troisième position, le Pr Pote a évoqué l’   estimation et optimisation de coût de gestion dont le plan stratégique de précollecte, de collecte, de valorisation (recyclage et traitement) doivent être estimés pour au moins deux premières années de la mise en œuvre.

Selon une recherche pilote effectuée qu’ils avaient effectué  dans la commune de Bumbu par exemple, les coûts d’investissement de la précollecte et de la collecte incluant: matériels de précollecte et de collecte principale, organisation et suivi de la précollecte et de la collecte, coûts de fonctionnement de la précollecte et de la collecte et mise en décharge s’élève à 9 $/ménage/an (pour une moyenne de 6 personnes /ménage).

Avec une population d’environ 300.000 habitants le coût de gestion des déchets pour cette commune est estimé à environ 314.524 $/année (excluant le salaire des agents).

 « Toutefois, nos estimations montrent qu’on a plus de 70% de la matière organique biodégradable susceptible d’être valorisée par les digesteurs aérobie (compostage) et anaérobie (biométhanisation).

 Mais cette valorisation demande encore des opérations de tri à la source, mesure physicochimiques et surtout le dimensionnement des digesteurs en fonction de taux de génération des déchets ».

Le Pr Pote a soutenu en quatrième position dans ses analyses, la mise en décharge  qui est l’un des aspects très importants pour la réussite de ce projet Kin Bopeto. Pour moi, la décharge bioactive du Centre d’Enfouissement technique (CET)) de Mpasa ,  construite sur le sable avec une geomembranne très facilement dégradable, n’est pas appropriée comme nous l’avons démontré dans nos recherches réalisées et publiées récemment.

Le choix d’un autre site ou l’optimisation de CET est l’un des premiers aspects à tenir compte pour la réussite de Kin Bopeto.  Autrement ce n’est qu’un déplacement du problème d’un endroit à un autre, en rendant  les rues et espaces publiques éventuellement propres pour polluer le sol et l’environnement aquatique situés en dehors de la ville.

Selon lui,  ce qui pose plus de problème sanitaire ce n’est pas la fraction solide visible, mais la dissémination des micropolluants organiques et inorganiques issues de la fraction solide et des effluents liquides.

Nécessité de la sensibilisation  et de l’éducation de la population

Le Pr Pote a également évoqué, les aspects liés à  la nécessité de la sensibilisation et d’éducation  de la population à tous les niveaux. Dans l’étude réalisée dans  la commune de Bumbu par exemple, un montant annuel de 50.000 $ USA est nécessaire pour les campagnes de sensibilisation et d’éducation en matière de la gestion des déchets solides et des effluents urbains dans cette commune.

Les initiateurs de cette opération , a-t-il fait savoir, ne devraient pas lancer les actions sans tenir compte des aspects financiers mais ils ont bien estimé selon lui , en tenant compte de taux de génération des déchets, l’état de charroi automobile, infrastructure dans les différentes communes, mode d’évacuation des déchets, recyclage, traitement, sensibilisation, mise en décharge en fonction du poids et du volume des déchets.

Ses études réalisées en 1999 (financée par le Canton de Genève en Suisse) dans la commune de Masina à Kinshasa, avaient  montré que le taux de production des déchets dans cette commune est en moyenne « 0.36-0.51 kg/hab/j » en fonction de la stratification de la commune.

Il faudrait maintenant évaluer les données démographiques actuelles, situation économique, niveau des infrastructures, et cadre conceptuel des déchets par la population.

L’intervenant a aussi fait allusion à la nécessité d’un  cadre législatif solide pour commencer cette opération, car on ne peut jamais réussir à gérer les déchets sans une loi sur la gestion des déchets (LGD).

La LGD permettra à définir d’abord le terme déchets dans le contexte de Kin Bopeto, et surtout l’élaboration des lois régissant les responsabilités et les obligations de tous les acteurs en matière de la gestion desdéchets et de cette opération Kin Bopeto.

Une technologie appropriée à ajouter pour la réussite de  projet KinBopeto

« J’espère que cette opération Kin Bopeto a des experts qui ont tenu compte de plusieurs aspects comme je viens de le décrire ci-haut », a indiqué le Pr Pote, soulignant qu’une thèse de doctorat sur cette matière, est  en cours dans le cadre de collaboration entre l’Université de Genève, l’UNIKIN et l’UPN, financée par la coopération Suisse depuis 2016.

Pour cette recherche doctorale, propose une approche participative basée sur l’outil Mapping/Crow Sourcing. C’est une approche technologique appropriée et adaptée pour la gestion des déchets solides urbains et assimilés au contexte d’une ville comme Kinshasa, a-t-il dit , soutenant que  cette approche a connu une très belle réussite dans plusieurs villes européennes, africaines et Sud-américaines.

Nous avons développé des logiciels de télédétection des décharges sauvages à temps réel à l’aide de téléphone mobile dont chaque habitant de la ville peut faire parvenir à temps réel via son téléphone mobile la localisation (GPS) d’une décharge sauvage indiquant son volume, type des déchets et sa position géographique, a-t-il surenchéri.

Cet outil tient aussi compte des aspects du plan stratégique de la gestion des déchets. Cette recherche doctorale a commencé avant cette opération Kin Bopeto, réaffirmant sa disponibilité comme chercheur, homme des sciences à partager et  à apporter son expertise, et surtout ses expériences pour la réussite de KinBopeto s’ils sont intéressés.

De la gestion des déchets au niveau du marché central de Kinshasa (Zando) qui sera rénové bientôt

Selon le Pr John Pote,  le marché est considéré comme un des endroits dont le taux de génération des déchets solides est plus élevé.  Il s’est dit être  curieux de voir la modélisation et la simulation du système de gestion des déchets pour Zando avant sa rénovation.

« Je pense dans le plan de rénovation, ils ont bien mis le modèle de gestion des déchets qui tient compte des tests de routage, volume et emplacement des containers, fréquence d’évacuation des déchets, gestion des effluents de lavage du marché, etc », a-t-il estimé.

Au vu de son expérience dans les grandes villes africaines et sud-américaines, ce sont des aspects à mettre en place, dimensionner et optimiser.

 Toutefois, cela dépend de la volonté politique pour l’expertise des spécialistes. « Nous sommes des enseignants des Universités, nous ne serons jamais là pour aller demander des postes auprès des acteurs de Kin Bopeto.

A part sa mission d’enseignement et de recherche, l’Université a aussi des obligations pour le service à la cité. C’est dans ce contexte que nous pourrions bien apporter notre contribution pour la réussite de cette opération comme des spécialistes. Mais étant donné qu’en RDC tout le monde est spécialiste dans tous les domaines », a-t-il conclu.

ACP/Kayu/RNL/Cfm/SGB/TKM

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