Kinshasa, 22 juin 2022 (ACP).- Un fait de portée historique nationale et internationale a été vécu avec ferveur à Bruxelles, capitale belge, où la famille de Lumumba a reçu, lundi 20 juin 2022, des mains du procureur fédéral belge, la relique de Patrice Emery Lumumba qu’on a rapatriée officiellement en RDC où elle sera mise en terre dans son mausolée érigé à l’Echangeur de Limete, à Kinshasa, à l’issue d’un ultime hommage de l’Etat congolais qui lui sera rendu de manière solennelle. Cette relique représente le « tout dernier reste » de son corps sur la terre où il a été victime de la guerre froide qui faisait rage à l’époque, entre l’Ouest et l’Est, dans un contexte d’une confrontation idéologique pour la conquête de leadership dans le monde, entre le capitalisme et le communisme. Lumumba, accusé à tort d’être « Communiste », va vite être au centre d’un complot international monté par l’Occident pour son élimination physique. Celui-ci voyait en lui un homme politique « dangereux » pour ses intérêts, un obstacle majeur pour la protection du capitalisme au Congo. L’acte de rapatriement de la relique intervient au lendemain de la visite d’une semaine en RDC hautement symbolique du couple royal belge, axée sur le passé colonial belge et le futur, pour resserrer de nouveaux liens de coopération entre Kinshasa et Bruxelles.
Une disparition prématurée
Avec la disparition prématurée de Lumumba en pleine fleur de l’âge, le Congo-Kinshasa s’est retrouvé brisé, blessé, endeuillé et orphelin. Sa mort permet aujourd’hui au peuple congolais de réfléchir un instant sur trois moments forts : le passé d’où il vient, marqué par l’histoire sombre dès l’accession à l’indépendance du pays, le présent qu’il vit, ponctué par la guerre à l’Est du pays, menée par des groupes armés tant nationaux qu’étranger, et l’avenir pour son destin qu’il doit façonner lui-même en toute responsabilité. Son discours virulent, improvisé lors de la cérémonie officielle d’accession à l’Indépendance du Congo, le 30 juin 1960, prononcé sans tact diplomatique, marque le point de départ qui va le conduire à son assassinat. En effet, pour atteindre leur objectif, les puissances occidentales vont mobiliser toutes les forces qui, depuis un an, s’entre-déchirent dans un Congo écartelé entre un passé nié, un futur à inventer et un présent qu’on lui arrache : l’ONU et ses casques bleus, l’Union minière du Haut-Katanga et ses capitaux, l’Europe et ses experts, l’Amérique et ses conseillers, la Belgique et ses mercenaires, l’Afrique, ses tribus et ses faux frères. Le 17 janvier 1961, ils sont tous là, autour de la villa déserte d’Elisabethville, actuellement Lubumbashi, dont Lumumba, traqué, vaincu, ne ressortira plus. Son cadavre a été dépiécé et dissous dans l’acide sulfurique, et les restes jetés dans un puits désaffecté d’une mine de cuivre. D’autres personnages ont joué aussi un grand rôle dans sa mort. Il s’agit notamment des dirigeants du Syndicat chrétien, Jean Bruck et Gut Cool, qui reçurent pour mission de financer un journal « Le Courrier d’Afrique » ainsi que « Radio Makala », violemment hostile au Premier ministre, et de soutenir les syndicats locaux d’obédience chrétienne. On découvre également, avec stupeur, que certains Congolais de l’époque ont pris part à la conspiration contre Lumumba, tandis que le professeur Benoît Verhaeghen était lui aussi chargé d’alimenter financièrement des réseaux d’opposition. Le rapport d’une commission parlementaire belge d’enquête sur la mort de Lumumba rappelle, dans ses conclusions, le prix de la félonie dans laquelle plusieurs millions de Francs belges provenant des « fonds secrets » ont été engagés pour le besoin de la cause.