Kinshasa, 29 octobre 2024 (ACP).- La complicité de la justice et de certaines autorités de la République démocratique du Congo dans la spoliation des patrimoines immobiliers de l’Etat a été déploré, lundi à Kinshasa, lors d’une séance de travail au siège de l’Association nationale des établissements publics et entreprises du portefeuille (ANEP).
«Les spoliateurs se recrutent à tous les niveaux, notamment politique, où plusieurs cas ont été cités, des membres du Gouvernement, des officiers généraux de nos forces armées, des députés et sénateurs, des gouverneurs des provinces, mais aussi des magistrats. Il faut surtout dire qu’il y a une complicité déplorable au niveau de la justice, des magistrats qui sont complices de spoliation des biens appartenant à l’Etat», a déclaré Patrick Ngulu Mbiobabawhul, administrateur secrétaire général de l’ANEP.
«Il y a aussi certains agents et cadres des entreprises, notamment les conseillers juridiques qui sont recrutés par les réseaux mafieux contre leurs propres entreprises», a-t-il déploré au cours de la réunion qu’il a présidée avec les délégués des établissements publics et entreprises du portefeuille.
Selon Patrick Ngulu, l’absence de titre de propriété est l’une des causes de dépossession des immeubles et des concessions de l’Etat.
Il a, à cette occasion, rassuré de l’accompagnement de l’ANEP au niveau de la justice et des affaires foncières pour permettre aux institutions victimes de ce fléau d’obtenir gain de cause.
«Nous avons réuni les établissements publics et les entreprises du portefeuille pour essayer d’identifier les causes de ces spoliations, et la plupart d’entre aux nous ont parlé de l’absence de titre de propriété. Nous pouvons rassurer aux entreprises victimes de spoliation de leurs patrimoines immobiliers de l’accompagnement de l’Anep à tous les niveaux, afin de leur permettre de récupérer et sécuriser leurs biens», a-t-il dit.
Parmi les cas les plus patents des entreprises et établissements objets de spoliation ou d’occupation illégale de leurs patrimoines, on a noté l’Office national des transports (ONATRA), la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), la Régideso, la Radio-télévision nationale congolais (RTNC), l’Institut national de préparation professionnelle (INPP) et l’Agence congolaise de presse (ACP).
L’administrateur secrétaire général de l’ANEP a évoqué un cas récent, qui s’est déroulé à Kolwezi dans la province du Lualaba (sud-est de la RDC), où une dame s’est permis de spolier un patrimoine que l’INPP a acquis depuis 2011, en brandissant en 2024 un certificat obtenu en 2020.
«Je voudrais dire par là, en évoquant le cas de l’INPP, qu’il y a certaines personnes qui se permettent de chercher à saper ou saboter l’action du Chef de l’État en matière de formation professionnelle ou d’employabilité des jeunes. Vous savez bien que, pour ce qui est de l’employabilité des jeunes et de la création d’emplois, le Chef de l’État met sa confiance dans la formation professionnelle, et la formation professionnelle en RDC, c’est l’INPP», a fait savoir Patrick Ngulu.
«Je pense que cette dame cherche à susciter la colère des jeunes de l’INPP et de Kolwezi qui se sont vu privés de leur cadre de formation. Elle cherche à mettre les gens de Kolwezi dehors pour perturber la paix sociale dans une province considérée comme la mieux gérée en République Démocratique du Congo», a-t-il renchéri, appelant à une mobilisation tous azimuts pour décourager ces réseaux mafieux.
«Nous devons ensemble, avec vous et la presse, sensibiliser les autorités pour que de tels cas ne puissent plus exister. Les biens des entreprises de l’État devraient être protégés» a souligné M. Ngulu.
Un mémo en gestation
Dans le cadre des actions visant à se mobiliser pour sensibiliser les autorités du pays, un mémorandum adressé aux institutions de la République, à savoir le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement et les Cours et tribunaux a été annoncé.
«Comme nous l’avons dit au départ, les spoliateurs sont recrutés à tous les niveaux. Pour se faire, un mémo sera déposé à toutes les institutions de la République pour dénoncer le mal et proposer des pistes de solutions aux autorités du pays», a avisé Patrick Ngulu.
Il a affirmé que le ministre d’État à la Justice ainsi que les ministres du Portefeuille, des Affaires foncières, et de l’Urbanisme sont en train de suivre ce dossier à travers une commission interministérielle qui a été mise sur pied.
«Ensemble, avec cette commission composée des ministres patriotes, je pense que les entreprises trouveront gain de cause. Il n’y a rien qui soit plus fort que l’État. Avec la détermination du Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et sa volonté de faire à nouveau de ces entreprises le fer de lance de l’économie congolaise, une solution sera trouvée», a-t-il conclu.
Les attentes des entreprises à la démarche de l’ANEP
Les établissements et entreprises de l’Etat ont d’emblée manifesté la joie de voir l’Anep prendre à bras-le-corps ce dossier considéré épineux, vu l’implication de certaines personnalités politiques, militaires et surtout judiciaires.
«Je pense qu’il était temps d’y réfléchir et de chercher comment parler de cette situation.Ce que nous pouvons attendre de la démarche de l’ANEP c’est qu’elle puisse s’impliquer entant que syndicat des entreprises du portefeuille des établissements publics. L’ANEP peut faire une intervention syndicale et nous lui faisons confiance et nous croyons qu’elle va faire un lobbying qui sera gagnant», a déclaré Me Bernard Ngombo, directeur de cabinet adjoint du Directeur général de l’ACP.
Me Bernard Ngombo a rappelé le cas de son entreprise, l’Acp, qui a également été l’objet d’une menace de spoliation de la concession qui abrite son siège à Kinshasa.
«La menace de spoliations des biens et immeubles des entreprises publics et établissements ne date pas d’aujourd’hui. Comme nous avons eu à le dire, c’est depuis 2016 que nous à l’ACP, avons été alerté de cet état de chose, et voilà qu’en 2018 un larron s’est présenté comme étant propriétaire d’une partie de la concession de l’ACP», a-t-il dit, affirmant que ce sérieux problème prend de l’ampleur.
«Donc avec tout ce que nous avons suivi ici des déclarations des uns et des autres nous sentons que c’est un problème très sérieux et qui prend de l’ampleur», a soutenu M. Ngombo. ACP/