Trois questions à Boniface Beya, écrivain et Inspecteur général adjoint de l’Education nationale

(La littérature écrite en français par les Congolais depuis 1960)

Kinshasa, 30 juin 2025 (ACP).Des précurseurs Antoine Bolamba et Lomami Tshibanda aux auteurs actuels Valentin Mudimbe (Paix à son âme !)et Yoka Lye Mudaba, en passant par la création de l’Union des écrivains congolais (Ueco) sous Mobutu en 1972, la littérature écrite en français par les Congolais a fait du chemin depuis l’Indépendance de la République démocratique du Congo (RDC) le 30 juin 1960.

Boniface Beya Ngindu, écrivain de la nouvelle génération, Pédagogue de formation et actuellement Inspecteur général adjoint de l’Education nationale l’a expliqué dans un échange dimanche à l’ACP, dans le cadre de la commémoration des 65 ans de l’accession du pays à la souveraineté nationale :

Question 1 : Doit-on situer la naissance de la véritable Littérature congolaise à l’après 30 juin 1960, date de l’accession de la République démocratique du Congo à l’Indépendance ?

Boniface Beya : ‘’C’est à partir de 1965 que nous allons commencer à lire les nouvelles publications des écrivains congolais , même si avant l’Indépendance, les noms de Paul Lomami Tshibanda, Antoine-Roger Bolamba, Dieudonné Mutombo, Albert Mongita… avaient déjà une notoriété au delà de nos frontières. Nous ne devons pas oublier que la crise politique avec ses ramifications diverses, avait perturbé l’envol dans notre pays,  de sorte que la littérature écrite est restée en veilleuse par manque d’appui et de vision de la part des politiciens.

C’est avec la création de la collection « Belles Lettres » en 1966 au Ministère de la Culture et des Beaux-Arts, qu’une impulsion se fait remarquer(…)

Il faut signaler en cette période de renaissance culturelle, la création de la Pléiade du Congo (1965), le Prix de poésie Sébastien Ngonso (1967), le Concours littéraire Léopold Sédar Senghor (1969), le Grand Prix Littéraire Joseph-Désiré Mobutu (1970) et la naissance de l’Union des Ecrivains Zaïrois (1972) ».

Question 3 : A quelle période la production littéraire a connu sa floraison en RDC ?

Boniface Beya :  » De 1970 en 1990, des manifestations culturelles sont organisées en mobilisant des intellectuels et surtout les étudiants et élèves des humanités dans des cercles culturels et des salons littéraires opérationnels surtout dans les campus. Les pièces de théâtre et montage des poèmes sont admirés par le grand public. Ainsi vont se faire connaitre les noms de V.Y.Mudimbe, qui va lancer les éditions du Mont Noir en 1971 pour faire connaitre Elisabeth-Françoise Mweya (Remous de feuilles), Clémentine Nzuji (Lianes), Gaby Sumaili (Testament)…En plus de la poésie qui avait déjà sa part de reconnaissance, le roman va prendre aussi son vrai chemin pour décrire le paysage de notre société en une déstructuration sans limite dans un contexte aux différents thèmes. Depuis Sans rancune (1965) de Thomas Kanza à Désaplan international.grégation et Ensauvagement (2025) d’Honoré Gbende Wambenga, le répertoire bibliographique des  romans écrits en français par les Congolais de la RDC, est celui des honneurs mérités pour leur reconnaissance sur le plan mondial. 

Les noms de V.Y. Mudimbe, Ngal Mbwil a Mpaang, Charles Djungu Simba, Buabua wa Kayembe, Zamenga Batukezanga,  Pius Ngandu Nkashama, José Tshisungu wa Tshisungu, Baenga Bolya…Dans ce contexte de permanence et de renouvellement des thèmes, des formes, et d’esthétique, quelle est la place du théâtre en RDC ?En ce qui concerne le théâtre, le phénomène le plus marquant est la fin du monopole de l’État sur les créations des auteurs et des compagnies théâtrales du Congo comme ce fut le cas durant le monopartisme. 

Cette situation a entraîné une réduction des financements et porté un coup d’arrêt aux publications, auquel on a tenté de remédier par l’organisation de coopératives, surtout après 1991 (L’Écurie Maloba, le Théâtre des Intrigants, l’agence Arts et Spectacles de Norbert Mikanza Mobyem(…)

L’envolée critique va aussi conduire les écrivains sur des sentiers de la rigueur. Emmanuel Kadima Nzuji, Lye Mudaba Yoka, Pius Ngandu Nkashama…professeurs d’université sont dans la passion de lire et commenter les œuvres des Congolais-Zaïrois-Congolais présentant notre société.il faut noter comme Mukala Kadima Nzuji  qu’à partir de 1965,’une littérature nouvelle, se démarque nettement de la précédente par sa tonalité, sa thématique et son écriture ».

Constat malheureux : à ce jour, seule la musique est promue au détriment de l’écrit. Les jouisseurs sont au top et la Littératureaux oubliettes. Pas de bibliothèques dans les écoles et communes. Dans les villages,c’est encore et toujours l’oralité’’.

Question 3 : que représente pour vous le 65ème anniversaire de l’accession de la RDC, votre pays, à sa souveraineté nationale et internationale ?

Boniface Beya :  » le 30 juin 1960 est un jour mémorable pour le peuple de la République démocratique du Congo, ancienne colonie du Royaume de la Belgique. Il y a 65 ans que les souvenirs rappellent les chants de joie et (…) les danses de l’indépendance cha-cha vont être coupées quelque temps après à la suite d’une crise de gouvernance pour clamer le chaos congolais. Le décor du théâtre se plante à la suite d’une course au pouvoir pour avoir droit aux postes de gestion que les Belges avaient abandonnés malgré eux. Luttes tribales pour régler le compte à ceux qui avaient été protégés dans des villes cruelles comme dans des villages fantômes. La manipulation des populations innocentes par des politiciens en quête de leurs propres intérêts, débouchera sur des tueries, des violences, des vols et des destructions méchantes pour ainsi constituer la toile de fond des œuvres qui seront publiées par les témoins de l’histoire immédiate. Après le silence des armes, les larmes vont être essuyées de manière rocambolesque par un coup d’état militaire (…)Les nouveaux horizons vont se dessiner à coup de matraque d’une dictature musclée à partir de 1965″.

ACP/

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