Bukavu, 19 février 2021 (ACP).- La ville de Bukavu à l’Est de la République démocratique du Congo, a évolué depuis plusieurs décennies assez rapidement du point de vue densité démographique sans que la planification urbaine ne suive son évolution, constate plus d’un observateur.
Au fil de temps, cette bâtie, sur un relief accidenté, connaît des érosions dues notamment à la nature et aux activités de l’homme. Du coup, l’érosion ravage quelques quartiers de la ville et ses environs et place des populations dans le désespoir à la suite de perte de logements. Pour expliquer l’ampleur de l’érosion dans la région des grands lacs et à Bukavu en particulier, il y a deux facteurs majeurs qui sont d’ordre naturel et anthropique. Cette assertion résulte des conclusions de différentes recherches réalisées par des experts sur la thématique évoquée.
Tel est le cas de la publication après étude portant sur « le fantôme de l’érosion hante la ville de Bukavu », réalisée par Vincent Mukwege Buhendwa, qui sonne comme un cri d’alarme complémentaire à d’autres qui alerte davantage sur les effets néfastes de l’érosion.
Des facteurs de l’érosion
Les résultats de recherche insistent, selon la publication sur les facteurs naturels et anthropiques, causes majeures des sites à risques dans la ville de Bukavu et ses environs. Au sujet des facteurs naturels à l’origine du glissement de terrain et de l’érosion, la publication cite entre autres la tectonique, la lithologie, l’érosion régressive et le climat comme facteur déclencheur de l’instabilité.
De tous ces facteurs, le climat est considéré comme facteur déclencheur d’instabilité avec une forte influence sur l’érosion dans la ville de Bukavu et ses environs. Les chercheurs s’accordent à dire que l’alternance en saisons sèche et humide favorise grandement l’érosion et les mouvements de terrain. Les pluies abondantes et répétées contribuent à modifier les propriétés géotectoniques des sols, ce qui augmente la pression statique de l’eau dans les massifs perméables et cela favorise ou provoque les glissements de terrain.
S’agissant des facteurs liés aux activités de l’homme, les résultats de recherches menées par P. Mweze et al., attestent que la ville de Bukavu est d’une superficie de 62Km2 dont 43Km2 de terre ferme et 19Km2 couvrant les eaux du Lac-Kivu.
Pendant que la population ne cesse de s’accroître sur cet espace demeuré immuable, les problèmes environnementaux de cette croissance démographique ne sont alors qu’une conséquence à laquelle tout le monde pouvait s’attendre. Sur le plan spatial, d’après les données fournies par les chercheurs, le bâti était de 3,39Km2 en 1960 contre 18,73Km2 couvrant la forêt tandis qu’à leur tour, les champs s’étendaient déjà sur 20,88Km2. Pendant ce temps, une croissance démographique presqu’exponentielle ne faisait que rétrécir cet espace en proie à une érosion régressive.
Des sites à haut risque et leurs caractéristiques
Les sites identifiés par les chercheurs géologues autour de la question portent sur les trois communes de Bukavu à savoir Bagira, Kadutu et Ibanda. Le résultat a démontré que le gros de sites à haut risque est situé dans la commune de Kadutu où plus de dix sites ont été identifiés.
De ces données, il appert que les sites de l’ITFM, Funu, Kadurhu et Muhanzi-Cliniques constituent de grands espaces à haut risque. Par contre, l’érosion qui affecte Nyamiera produit ses effets négatifs sur Lugohwa Mpwempwe, ressentis jusque dans les quartiers périphériques qui jouxtent Kahwa. En outre, l’érosion qui ravage Funu affecte également les quartiers environnants dont Kasali, Limanga, Kadurhu, Rukumbuka, Cheche, etc. Il est à signaler que les communes de Bagira et d’Ibanda sont également touchées. Les sites les plus concernés sont notamment Nyakavogo, Mugaba, Kalengera pour Bagira et Kamagema, Mulengeza, Major Vangu, Bizimana, près Paroisse Cahi pour Ibanda.
Les chercheurs relèvent, au sujet des caractéristiques de ces sites, entre autres l’occupation postcoloniale estimée à 70% contre 30% dans les quartiers de type colonial. C’est donc au départ des colons belges que l’occupation des espaces à haut risque, autrefois déclarés (par le Blanc) non habitables, s’est accentuée.
Cette conquête des espaces à haut risque s’est accrue après l’indépendance de 1960, signale-t-on. D’autres caractéristiques sont notamment les dégâts historiques enregistrés, pertes des parcelles, fissuration des murs des maisons, mort d’hommes (9% des sites), endommagement des infrastructures (routes, ponts, terrains de football), sans oublier les autres risques notés particulièrement en 2004 et par la suite. Il s’agit précisément de l’érosion, du ravinement et éboulements, du glissement, de l’affaissement et des inondations.
Que faire ?
Face à l’agressivité de l’érosion, les initiatives sont nombreuses mais presqu’inefficaces à Bukavu, soulignent les chercheurs. La principale lutte antiérosive consiste à planter des arbres qui, aux dires des chercheurs, ont un effet reconnu mais toujours limité quant à la stabilisation du sol et des sites.
Car, dans des conditions de ravinement, glissement et affaissement, ces arbres plantés pour barrer la route à l’érosion finissent par s’écrouler. Une autre pratique antiérosive constatée est l’empaquetage de la terre dans des sacs plastiques transpercés des piquets qui les maintiennent dans le sol. Au demeurant, d’autres stratégies sont formulées, entre autres, réhabiliter les infrastructures routières. L’Etat congolais se doit d’inscrire le développement des infrastructures de la ville de Bukavu dans ses actions prioritaires. Les chercheurs ont par ailleurs suggéré la construction d’une autre/nouvelle ville comme solution ultime à cette problématique. ACP/Kayu/NiG