Kinshasa, 28 juin 2025 (ACP).- La situation de l’explosion des maladies de la peau et de la crise sanitaire négligée chez certaines personnes en République démocratique du Congo (RDC) a été dénoncée samedi, par une dermatologue au cours d’un entretien.
« Nous constatons une explosion des cas d’affections cutanées, parfois très avancées, en particulier chez les jeunes et les femmes. L’automédication, la dépigmentation, l’exposition solaire non protégée et l’absence de suivi médical aggravent considérablement la situation », a déclaré Dr Tshiya Musai Chantal, assistante senior en dermatologie à la Clinique Universitaire de Kinshasa.
Pour elle une hausse marquée des maladies de la peau est observée dans plusieurs centres de santé à travers le pays. Infections cutanées, eczémas, acné sévère, mycoses et complications dues à des produits cosmétiques non réglementés sont signalés en grand nombre, mettant en lumière une crise dermatologique longtemps reléguée au second plan.
Parmi les affections les plus fréquentes figurent la gale, les teignes, les mycoses, l’eczéma, l’urticaire, les infections bactériennes comme l’impétigo, ainsi que l’acné inflammatoire chez les adolescents. Elle poursuit en disant que chez les enfants, la dermatite atopique est de plus en plus courante. Ces pathologies sont souvent déclenchées ou aggravées par des facteurs évitables comme le climat chaud et humide, pollution, promiscuité, hygiène alimentaire insuffisante, stress chronique ou encore bouleversements hormonaux liés à la puberté, la grossesse ou la ménopause.
Par ailleurs, l’usage non contrôlé de produits dépigmentants constitue une cause majeure de complications. Ces produits, largement accessibles sur les marchés et réseaux informels, provoquent des effets graves : taches pigmentaires, vergetures, brûlures, vieillissement cutané prématuré, atrophies, et dans certains cas, des suspicions de cancers de la peau.
Selon Dr Tshiya, la croyance selon laquelle la peau noire serait naturellement protégée est erronée. « Contrairement à ce que beaucoup pensent, la peau noire n’est pas invulnérable. Elle peut subir de lourds dommages en cas d’exposition au soleil sans protection ou d’usage abusif de crèmes éclaircissantes », a-t-elle expliquée.
Elle a recommandée une hydratation quotidienne, une alimentation équilibrée riche en vitamines, et l’usage régulier de crème solaire.L’accès aux soins dermatologiques reste extrêmement limité. Le pays manque de spécialistes. Les structures de santé sont souvent dépourvues d’équipements nécessaires à une prise en charge correcte.
Peu de centres disposent de dermatoscopes, de laboratoires d’anatomie pathologique ou de services de biopsie cutanée. Les consultations restent concentrées dans les grandes villes et souvent coûteuses pour les ménages. Dans plusieurs provinces, aucun dermatologue n’est présent, ce qui contraint les patients à consulter tardivement ou à recourir à des traitements inadaptés.Le diagnostic est également retardé par des croyances et pratiques dangereuses.
De nombreuses personnes attribuent les maladies de peau à des causes mystiques, au foie, à un aliment, ou encore à un déséquilibre temporaire qui ne nécessiterait pas de consultation. Certaines pensent qu’un produit ayant fonctionné pour un proche aura les mêmes effets chez elles. Cette désinformation encourage l’automédication, souvent avec des lotions ou remèdes de rue à l’origine de graves effets secondaires.
Pour faire face à cette situation, la dermatologue préconise une série d’actions urgentes : organiser des campagnes de sensibilisation sur les pathologies cutanées les plus fréquentes, former davantage de personnels de santé aux soins dermatologiques, créer des centres de consultation accessibles dans toutes les provinces, renforcer la régulation des produits cosmétiques en circulation, promouvoir l’hygiène personnelle et la nutrition, et encourager la protection solaire pour toutes les carnations.
Cette spécialité a rappelé que la peau est un miroir de la santé globale et qu’elle doit être protégée, soignée et respectée comme tout autre organe vital. Face à une situation qui touche silencieusement des milliers de Congolais, la mobilisation du système de santé et des autorités s’impose comme une nécessité. ACP/C.L.