Trois questions à Me Kalle Kabongo Mbuyi sur l’application de la peine des travaux forcés

Kinshasa, 31 mai 2025(ACP).- Suite à la récente condamnation de l’ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC), Augustin Matata Ponyo, à 10 ans de travaux forcés pour détournement de deniers publics, d’aucuns se sont interrogés sur l’application effective de cette peine. Pour éclairer la lanterne de la population, la rédaction de l’ACP a contacté Me Kalle Kabongo Mbuyi, avocat au barreau de Kinshasa-Matete, spécialiste de la question.

1. Récemment, la Cour constitutionnelle a condamné l’ancien Premier ministre Matata Ponyo à 10 ans de travaux forcés, en quoi consiste réellement une peine de travaux forcés ?

R. La peine de travaux forcés consiste en une détention pendant laquelle le condamné est contraint d’exécuter des tâches, travaux, sous surveillance. En droit congolais, le Code pénal dispose en son article 6, alinéa 2 que l’exécution de cette peine doit être réglementée par Ordonnance du Président de la République.

De 1940 à ce jour, aucun Président de la RDC n’a accordé une attention particulière à cette nécessité de combler ce vide juridique.

La vraie question est de savoir si dans ce vide juridique, le condamné à la peine de travaux forcés va-t-il être placé en détention pendant la durée de la peine?
Un début de réponse réside subtilement à l’alinéa 3 de l’article 6 précité, qui précise qu’en aucun cas l’exécution de la peine de travaux forcés ne peut être assimilée ou confondue avec la peine de servitude pénale.

Or, placer un condamné à la peine de travaux forcés en détention pendant la durée, sans réglementer ladite exécution, c’est assimiler et confondre l’exécution de cette condamnation à une peine de servitude pénale. C’est une tare qui doit être réparé en vue de mettre fin à ce que certains peuvent qualifier de: « paradoxe organisé et entretenu ».

2. Dans un contexte où le pays a criminalisé la torture, est-ce que cette peine peut-elle être qualifiée d’illégale ?

R. Assimiler la peine de travaux forcés à la torture me paraît exagéré, dans la mesure où la torture est un traitement inhumain et dégradant, alors que les travaux forcés consistent en l’exécution des tâches généralement manuelles en vue de produire des biens et services pour le compte de la nation.
Il est vrai que l’intensité des travaux peut dépasser l’effort maximal supportable, mais vous imaginez que si à la suite d’une torture, tu succombes, il n’y aura personne pour accroître la production.


3. Pensez-vous que cette peine doit être maintenue ou abolie comme cela été le cas dans certains pays de l’Occident, notamment la France ?

Non, j’estime que cette peine est nécessaire, car son exécution remplit sa fonction dissuasive.

ACP/UKB

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