33 ans après sa disparition Lucie Eyenga demeure une des plus grandes chanteuses de l’histoire de la musique congolaise

(Par Arthur Kayumba)

Kinshasa, 12 déc. 2020 (ACP).- Le 12 décembre 1987, le monde musical congolais et africain apprenait avec stupéfaction, dans l’oubli de nombreux mélomanes, le décès à Kinshasa de la chanteuse Lucie Eyenga Moseka Malongi, une chanteuse de charme des années 1950-1960.

En effet, un grand nombre des chroniqueurs et des mélomanes de la musique congolaise moderne de deux rives du fleuve Congo et de l’Afrique restent d’avis qu’une place de choix doit être réservée pour cristalliser le nom de la chanteuse congolaise, Lucie Eyenga, dont les œuvres ont connu un grand succès entre 1950 et 1960.

La grande souplesse d’exécution et la pureté de timbre absolue de sa voix ont permis de la considérer comme une des plus grandes chanteuses de l’histoire de la musique congolaise, sinon la plus célèbre des années 50 et 60, affirmait Clément Ossinonde.

Lucie Eyenga reste l’une des plus grandes voix de la scène musicale congolaise découverte par le guitariste Zacharie Elenga et remarquée plus tard par Joseph Kabasele alias le Grand Kallé, patron de l’orchestre African Jazz. 

Par la suite, elle rejoint l’orchestre Rock-a-Mambo de Nino Malapet, une formation musicale réputée de la capitale congolaise, Léopoldville à l’époque. Elle interprète entre 1957 et 1958, des chansons telles que « Dit moninga », « Nasepeli mingi » et « Brigitte ».

En 1962, Lucie continue son aventure musicale en rejoignant Negro Band de Brazzaville, avec lequel elle enregistre les morceaux « Georgette » et « Adoula ».

Chez Opika (un label congolais), elle produit en 1973 plusieurs titres sous la direction de Papa Noël (guitariste et interprète). En 1984, une année après ses prestations chez African Fiesta de Nico Kassanda, elle réalise deux albums avec Abeti Masikini.

Si Lucie Eyenga ne fut jamais avare de mots et de sons chantés, ses interviews et ses déclarations publiques étaient d’une concision. Et c’est à l’un des sociétaires des éditions « Opika » qu’elle s’était racontée le plus souvent.

Née en 1934 à Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Equateur, Lucie Eyenga était prédestinée à devenir chanteuse, car issue d’une famille de l’ethnie « Mongo » trempée dans les rythmes « Zebola », « Odemba », faisait  le bonheur de chanter et de danser. 

C’est plus tard, en 1954 après sa découverte à Léopoldville (Kinshasa), par le virtuose guitariste « hawaïen », Zacharie Elenga « Jhimmy », qui, à l’époque, se faisait accompagner par Tshilumba wa Baloji alias  Tino Baroza, son élève, qu’il va l’enrôler au sein des éditions « Opika » qui manquait de chanteuse de pointe.

Contrairement aux éditions « Loningisa » qui, à cette époque, brillaient de mille feux avec la tendre chanteuse de romances, Marie Kitoto qu’accompagnait le guitariste Henri Bowane, et qui est surtout connue pour ses deux légendaires chansons « Yokolo yekele » – « Ya biso se malembe », en septembre 1951.

Lucie Eyenga va vite s’affirmer, plus que jamais, comme la chanteuse originale, expressive, la plus accomplie, comme personne ou presque qui sait improviser comme un grand instrumentiste et qui donne avec une spontanéité particulière, le poids qu’il faut à chaque expression.

Aux côtés de Joseph Kabasele dit Grand Kallé

Lucie Eyenga fait l’admiration du grand chanteur Joseph Kabasele, et des meilleurs arrangeurs et instrumentistes des éditions « Opika », qui l’adopte avec beaucoup de bonheur. On évoque immédiatement à son propos la facilité de composer des chansons de bonne qualité accessibles au grand public, où l’accent est mis sur ses harmonies.

C’est en 1954 qu’elle acquiert une renommée bien méritée, grâce à sa toute première chanson sur disque « Bolingo ya la Joie » dédiée à l’Association féminine kinoise, « La Joie ». Elle est accompagnée par les guitaristes Baloji « Tino Baroza », Charles Mwamba « Dechaud », le bassiste Albert Taumani et le saxophoniste Isaac Musekiwa.

De cette chanson, naquit la véritable Lucie Eyenga authentique de l’African Jazz, impressionnante de force, de rudesse et de conviction. Aucune autre chanteuse ne va l’égaler.

Outre l’orchestre African jazz, où elle a acquis entre de 1954 à 1956 sa plus grande réputation nationale et internationale, le meilleur de son œuvre on le trouve dans l’orchestre  Rock-a-Mambo entre 1957–1958, où son apport fut énorme, notamment à travers ses grands succès comme « Brigitte », « Mabe na yo moko », « Dit moninga », « Nasepeli mingi », « Zozo moke », etc. qui ont fait d’elle l’une des chanteuses les plus douées de sa génération, l’une des seules à ne pas s’enliser dans les concessions à la mode à cette époque.

A la fermeture des Editions « Esengo » en 1960, suivie de l’éclatement du Rock-a-Mambo en 1961, démarre progressivement l’interruption de sa carrière professionnelle. Mais pas pour toujours, car trois ans après, Lucie Eyenga réapparait à Brazzaville en 1962 dans l’orchestre Negro Band et elle enregistre avec ce groupe deux superbes chansons « Adoula » et « Georgette » qui lui font renaître.

Participation à la réalisation de l’album « Bakolo Miziki »

En 1973, Lucie Eyenga est retenue pour faire partie du groupe mémorable « Bakolo Miziki » composé des grands noms de la musique congolaise des années 50, autour d’une « Anthologie de la musique zaïroise » recommandée par la présidence de la République du Zaïre.

Elle forge, sous la direction artistique d’Antoine Nedule « Papa Noël, un répertoire comprenant ses grands succès aux éditions « Opika », absolument merveilleux.

Aussitôt après, elle décroche une fois de plus, pour refaire surface en 1983 dans l’African Fiesta Sukisa  du Dr Nico Kasanda, avant de se lier en 1984 à sa cadette Abeti Masikini. Deux voix d’or qui s’unissent autour de deux albums réalisés à l’IAD à Brazzaville, pour une réédition des morceaux de la grande période de gloire de Lucie Eyenga dans l’African Jazz et le Rock-a-Mambo (1954-1959).

Lorsque cette immense chanteuse s’est éteinte le 12 décembre 1987 à Kinshasa, à l’âge de 53 ans, c’est toute la musique congolaise qui a perdu sa plus grande voix féminine, et sa figure, plusieurs années après sa mort, est demeurée présente aussi bien auprès du public que des musiciens. ACP/Kayu/Nig

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