Kinshasa, 11 octobre 2021(ACP).- 32 ans après sa mort le 12 octobre 1989 à Bruxelles, les mélomanes de Kinshasa et de Brazzaville se souviennent de Luambo Makiadi alias Franco, un géant de la musique congolaise dont le patrimoine intense et un héritage artistique demeurent plus que jamais vivants.
Franco a forgé un style de guitare qui lui est propre et il est parmi les premiers congolais qui ont joué de la guitare électrique vraisemblablement le premier qui l’ait fait contrairement à d’autres groupes célèbres.
Chez Loningisa où il prestait, les patrons ne lésinaient pas pour faire de leur entreprise d’édition et de promotion des musiciens, une écurie complète des orchestres. C’est même, cette maison-là qui a fait venir, en 1956, à travers les clauses d’un contrat d’exhibition et de performance, Alexandre Bill, pour introduire la guitare électrique au Congo.
Joseph Kabasele, pendant ce temps, n’était pas un musicien que les éditeurs pouvaient facilement engager, car celui-ci voyait les bénéfices que faisaient les Grecs, les Portugais et les Belges. En fait, il était au courant des sommes qu’ils engrangeaient dans l’industrie du disque au détriment du Congolais.
Paradoxalement, c’est chez Loningisa que les musiciens de la place ont eu l’heureuse joie de faire l’apprentissage de la guitare électrique. Du côté de l’African Jazz, Tino Baroza, alors titulaire de la guitare solo, ne pouvait pas être très enchanté par l’idée d’intégrer la guitare électrique dans l’orchestre, il était de formation classique et voulait également s’entendre au son naturel pour améliorer son doigté et son jeu au sein instrumental.
Par ailleurs, tous ceux qui entouraient Kallé étaient des personnalités très qualifiées. La musique n’était pas leur gagne-pain principal, ils avaient des métiers bien précis. À part Déchaud, Mwena, De La France et peut-être aussi Petit Pierre, le Dr Nico était professeur de mécanique à l’EPOM de N’Djili, c’est une école technique, Roger Izeidy était un comptable, Edo Clary fut un architecte naval de l’OTRACO pour les bateaux, Kallé Jeff était un expert-comptable et un musicien capable d’une lecture vue des notes. C’est pareil pour Edo Clary, aussi cité-ci-haut.
Partant, cette foison d’intellectuels savait que tôt ou tard, elle allait intégrer la guitare électrique, toutefois, ce ne fut pas le cas pour le Dr Nico, celui-ci insistera pour que cet instrument électrique intègre l’orchestre. En 1957, c’est fut chose faite. Kallé avait compris que la réalité évoluerait désormais dans cette direction-là et qu’il ne fallait pour rien au monde être myope et indifférent à l’appel de la nouveauté.
En cette période, Luambo Makiadi Franco a eu pendant ce débat intellectuel l’aptitude de s’exercer sur la guitare électrique et d’être le premier artiste musicien de sa génération à enregistrer avec celle-ci.
Aux portes de l’African Jazz
Franco était modeste, il avait à peu près 14 ans, autour de 1953-54, quand il est venu toquer la porte de l’African Jazz. Kallé Jeff l’orienta vers la percussion, car celui-ci savait ce que Franco voulait apprendre autre chose. Yorgho n’avait pas besoin d’être affecté au poste de guitare, il la jouait déjà après avoir été apprenti sous l’aile de son mentor Dewayon. L’African Jazz pour Franco est une école pour apprendre des détails qu’il n’avait pas maîtrisé en musique, il avait besoin d’étudier les mesures, la cadence, les crescendos, la grammaire musicale appliquée et les différents rythmes pour être capable d’interpréter les soupirs du son quand il sera confronté aux exigences du métier.
Selon le site MbokaMosika, la musique universelle des Noirs, même ceux d’Océanie, reposant sur la cadence et la percussion pour inscrire la mémoire vivante de son temps, les rythmes sont pour les Négro-Africains, ce qu’il faut connaître.
Et l’on remarquera que toutes les ambiances noires embrassent les syncopes et les battements séquencés de la percussion. Durant les années cinquante, les rythmes percussifs étaient en vogue dans la musique congolaise moderne, à savoir : la Rumba, le Tchatcha, le Tango, le Calypso, le Tchatcho, le Makuandungu de Baudouin Mavula immortalisé plus tard par Rochereau dans la chanson Kiboloso, le Jazz, le Mambo, le Swing, le Folklore Kongo, Ngala, Luba et du reste du Congo.
C’est donc la recherche d’une compréhension du phénomène rythmique et de ses mesures que Franco a passé un temps d’initiation dans l’African Jazz. Joseph Kabasele respecte beaucoup Franco, lequel du reste avait aussi une qualification de programmeur IBM, ces machines qui calculaient les salaires des employés à la SESOMO.
Franco savait utiliser ces technologies là et n’est jamais allé chercher du travail avec des faux papiers. Ceci est pour dire encore à ceux qui ne le savent pas que critiquer Franco sans repère sûre et avéré de connaissance sur sa biographie est un affichage d’ignorance malencontreuses.
Naissance de l’OK Jazz
L’OK Jazz va naître en 1956, c’est Franco et Vicky Longomba qui en sont les fondateurs sous le patronage de M. Omer Nkashama. Les premiers musiciens de l’Ok Jazz furent des talents des deux rives du fleuve Congo. Dans l’OK Jazz des origines, il y a eu : Franco, Vicky, De La Lune, Brazzos, Bokelo, Edo Nganga, Guy-Léon Fila, Bosume Desoin. , Edo Nganga, sont des Congolais de Brazzaville, c’est l’expulsion des Congolais de l’autre rive, en 1964, par le Gouvernement du Salut public qui va les arracher définitivement la RDC.
Les chansons que l’Ok Jazz lance dans cette deuxième moitié des années cinquante sont très belles, la voix de Vicky les colore d’une teinte d’amoureux lyrique sans précédent pour l’époque. Les plus écoutées furent : Bonane oyo ngai na kobina na bana Véa, Imbe mama imbe Koimbi ko, Masumbuko Lineti, Majos moke wa motema, Butu na moyi se ndoto na yo, Benga baila et plusieurs Tchatcha en espagnol, langue de la prédilection des musiciens congolais de l’époque.
Après la fête de l’Indépendance, le 30 juin 1960, Vicky Longomba, qui a séjourné dans l’African Jazz pour la Table-Ronde de Bruxelles, revient au bercail dans l’Ok jazz, après avoir lancé une chanson « Ya lelo na loti mama ngoya o ». Il raconte à Franco ce qu’est l’Europe, celui-ci veut s’y rendre aussi à tout prix.
Pourquoi pas ! Mais il ne sait comment s’y prendre. Pourtant, la solution est toute simple, Kallé est l’ami de Lumumba et des différentes personnalités comme Justin-Marie Bomboko, la solution est vite trouvée. Kallé promet d’amener Franco en Europe au cours de son prochain voyage. Kabasele fut toujours respecté par ses jeunes frères depuis le Congo-Belge malgré ses intransigeances. Gérard Madiata a expérimenté la saveur du musicien exigeant que fût Kabasele Joseph.
Une fois en Europe au début de 1960, Franco entre au studio, il enregistre avec Vicky « Tembe na tembe ekutanie », une rumba et « Mboka mosika mawa », un boléro d’une facture universelle que beaucoup de musiciens d’Europe et du Brésil reprendront dans leur langue respective et d’autres titres accrochant.
Il s’ensuit une autre initiative aussitôt après. Kallé initie Franco aux affaires de l’administration autonome de l’Ok Jazz, il l’aide dans l’immédiat à créer les « Éditions Epanza Makita », celle-ci deviennent vite les pendant de Surboum Matanga, les Éditions de Grand Kallé et l’African Jazz. Durant l’essor des années soixante, Franco ne sera pas qu’un artiste musicien, il va s’intéresser à la politique.
Pour démontrer cette volonté, il reproche aux autorités de Léopoldville d’avoir lâché Patrice Lumumba dans la chanson de deuil « Ba Nationalistes balati pili ». Le lendemain Franco est mis en prison. Soit dit en passant, en 1965, les éditions Epanza Makita deviendront « Boma Bango », en se déployant, il en sortira les Éditions Vicklong de Vicky Logomba.
Héritage de Luambo Makiadi
L’héritage musical de l’artiste musicien et guitariste Franco Luambo Makiadi se perpétue à travers la jeune génération ont affirmé, lundi, certains congolais abordé par l’ACP à l’occasion de la date de la disparition de cet icône de la rumba congolaise.
Selon ces fans de la musique et de la rumba congolaise « Grand maître » Franco fut un artiste talentueux et qui a fait la promotion de la musique et de la rumba congolaise dans tous les quatre coins du monde. 32 ans après sa mort plusieurs artistes se sont appropriés de son style et de ses mélodies.
Parmi eux, on cite Kibinda Pembele Jean-Jacques alias « Karmapa » à travers ses textes, sa voix et son style qui fait rappeler à Franco. C’est le cas de la chanson « Bileyi ya mobali », qui est une conversation entre deux rivales, à un style de l’homme de Sona Bata, auteur de la mélodie « Mario » et « Mamou ».
En outre la guitare de Franco n’est pas non plus restée orpheline, plusieurs artistes de l’école OK Jazz ont pris la relève notamment, le doyen Syran Mbenza, l’un des maîtres d’œuvre du groupe Kekele, qui au début des années 2000 refit revivre la rumba à l’ancienne sur les scènes internationales, quand bien qu’il n’eût pas collaboré avec Franco.
En 2009, pour le vingtième anniversaire de la mort de Franco, Syran Mbenza lui consacrait un album entier, s’entourant notamment de deux anciens de l’OK Jazz, le chanteur Wuta Mayi et le bassiste Flavien Makabi. Le disque « Immortel Franco » reprenait des grands classiques de « Sorcier de la guitare », mettant en évidence les talents de Mbenza, se moulant dans le phrasé de Luambo.
Parcours de l’artiste
Né le 06 jullet 1938 à Sona-bata dans le Kongo Central, Franco Luambo Makiadi est un chanteur, compositeur et guitariste congolais. Il est connu pour avoir été un des maitres de la rumba congolaise. Après la mort de son père Franco abandonne le chemin de l’école pour subvenir aux besoins de la famille.
C’est au sein du groupe « Watam » et à l’âge de 12 ans que Franco Luambo Makiadi débute sa carrière musicale. Il chantait en sa langue maternelle, le Kikongo. En 1958, il compose la chanson « Mukoko » qui fut interdit de diffusion par les autorités coloniales pour avoir fait allusion à la décolonisation.
L’artiste Franco Luambo Makiadi a marqué aussi de sa présence au sein de l’orchestre « Ok Jazz » à côté de plusieurs autres artistes de renom notamment, Josky Kiambukuta, Ntesa Dalienst, le guitariste Simaro Lutumba et saxophoniste Verckys Kiamuangana Mateta, etc. ACP/ Kayu/ RN/MNI/SGB/KMT