Nouveaux droits de douane imposées par Donald Trump: «une décision brutale et infondée» (président français)

Kinshasa, 3 avril 2025 (ACP).- Le président français Emmanuel Macron a qualifié jeudi de «brutale et infondée» la décision de Donald Trump de rehausser brusquement les droits de douane, à l’ouverture d’une réunion à l’Élysée de responsables des principales filières affectées par ces mesures, ont rapporté les medias internationaux.

«La décision qui a été annoncée cette nuit est une décision brutale et infondée», a déclaré Emmanuel Macron. 

«L’impact des droits de douane américains sera massif et touchera tous les secteurs», a-t-il ajouté, précisant que les exportations vers les États-Unis représentent 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) français.

Retenons que le président américain a signé mercredi 2 avril un décret généralisant des droits de douane de 10% minimum sur toutes les importations arrivant aux États-Unis et de 20 % pour les produits arrivant de l’UE.

«Une chose est sûre, avec les décisions de cette nuit, l’économie américaine et les Américains, qu’il s’agisse des entreprises ou des citoyens, sortiront plus faibles qu’hier, et plus pauvres», a-t-il dit, appelant les Européens à « rester unis » dans ces circonstances. Pour lui, «tous les instruments sont sur la table», pour répondre, y compris la suspension des investissements aux États-Unis.

Il a également évoqué une « riposte européenne » en «deux étapes». « La première riposte aura lieu mi-avril, elle porte sur les taxes déjà décidées, en particulier sur acier et aluminium ». « La deuxième réponse, plus massive, celle aux tarifs annoncés hier (mercredi 2 avril), se fera à la fin du mois, après une étude précise, secteur par secteur ».

Un exécutif qui veut se montrer combatif

L’exécutif français, semble-t-il, veut montrer qu’il n’est pas pris au dépourvu. «Nous sommes prêts à cette guerre», a souligné Sophie Prima porte-parole du gouvernement. 

«Une discussion est en cours avec les pays de l’UE pour arrêter la liste des produits américains visés», a-t-elle ajouté.

Quelques réactions à l’international

La communauté internationale et plusieurs pays ont condamné jeudi la décision de Donald Trump qui a promis une montagne de nouveaux droits de douane à l’entrée des États-Unis.

«Les Européens étaient prêts à réagir et travaillaient déjà à un nouveau paquet de contre-mesures au cas où les négociations avec l’administration américaine, ardemment souhaitées par l’UE, devaient échouer», a indiqué, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Elle a rappelé qu’il n’était « pas trop tard » pour négocier, soulignant que le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, était « en contact permanent » avec ses homologues américains.

«Nous nous efforcerons de réduire les obstacles et non de les élever», a-t-elle dit.

«Ces taxes mettent en péril le développement économique mondial. En l’absence d’accord, Pékin envisage des contremesures pour préserver ses droits et intérêts», a déclaré Wang Wentao, ministre chinois de commerce.

«La Chine exhorte les États-Unis à annuler immédiatement les droits de douane unilatéraux et résoudre de manière appropriée les différends avec ses partenaires commerciaux par le biais d’un dialogue équitable», a-t-il ajouté.

De son côté, le Premier ministre canadien Mark Carney, a précisé que les nouveaux droits de douane vont fondamentalement changer le commerce international, et a promis de combattre ces droits de douane avec des contre-mesures.

 «Regrettables, injustifiés, grande erreur. Ces droits de douane ne sont pas inattendus, mais soyons clairs : ils sont totalement injustifiés», a déclaré Anthony Albanese, Premier ministre australien, déplorant un geste qui n’est pas celui d’un ami et craignant une détérioration des relations entre les deux pays.

«Le gouvernement brésilien évalue toutes les possibilités d’action pour assurer la réciprocité dans le commerce bilatéral, y compris le recours à l’Organisation mondiale du commerce», a souligné Brasilia dans son communiqué signé des ministères des Affaires étrangères et de l’Industrie.

«La loi dite de la réciprocité permet au gouvernement du Brésil l’adoption de contre-mesures pour répondre à des actions, politiques ou pratiques unilatérales d’un pays ou d’un bloc économique qui impactent négativement la compétitivité internationale de biens et produits brésiliens», a précisé le communiqué. «L’exécutif aura la possibilité de décider de suspendre des concessions commerciales, des investissements et des obligations liées aux droits de propriété intellectuelle», a-t-il dit.

Selon les mêmes sources, le Brésil a été un des rares pays à riposter. Son Parlement a adopté une loi qui donne au gouvernement des moyens pour répliquer à des barrières commerciales à ses exportations, peu après l’annonce de droits de douane de 10 % imposés au Brésil. Nommée « loi de la réciprocité », la loi a été votée dans une rare unanimité par les partis présents à la Chambre des députés, au lendemain d’un vote favorable au Sénat.

Italie veut parvenir à un accord

Jugeant la mesure « mauvaise », la Première ministre italienne Giorgia Meloni veut « parvenir à un accord avec les États-Unis, afin d’éviter une guerre commerciale qui affaiblirait inévitablement l’Occident au profit d’autres acteurs mondiaux ».

Le Royaume-Uni veut également conclure un accord pour « atténuer » l’impact des droits de douane et n’entend pas riposter immédiatement, a annoncé le ministre du Commerce, Jonathan Reynolds. « Les États-Unis étant notre allié le plus proche, notre approche consiste à rester calme et à nous engager à conclure cet accord qui, nous l’espérons, atténuera l’impact de ce qui a été annoncé aujourd’hui », a-t-il déclaré.

la Thaïlande dit disposer d’un « plan solide » pour répondre aux droits de douane de 36 % la visant et espère pouvoir négocier une réduction de ceux-ci, a affirmé jeudi la Première ministre Paetongtarn Shinawatra.

La Colombie pense que cette décision provient d’un raisonnement erroné. « Le gouvernement américain croit qu’en augmentant les droits de douane sur ses importations de manière générale, il peut augmenter la production, la richesse et l’emploi. À mon avis, cela risque de s’avérer être une grande erreur », a estimé le président colombien Gustavo Petro.

La « guerre tarifaire mondiale est devenue une réalité », a déploré le président sud-coréen par intérim Han Duck-soo, qui s’est engagé à « utiliser toutes les ressources du gouvernement pour surmonter la crise commerciale ».

Taïwan a qualifié de « totalement déraisonnable » la décision du président américain Donald Trump d’imposer de nouveaux lourds droits de douane au niveau mondial, disant vouloir mener de « sérieuses négociations » avec Washington, a rapporté Michelle Lee, une porte-parole de l’exécutif de l’archipel.

Au Danemark, c’est la sidération. « Le commerce mondialisé a profité à tous (…) Je ne comprends pas que les États-Unis veuillent déclencher une guerre commerciale contre l’Europe. Personne n’est gagnant, tout le monde est perdant », a déclaré Lars Løkke Rasmussen, ministre danois des Affaires étrangères.

Le Premier ministre irlandais Micheal Martin a dit « profondément regretter » les droits de douane imposés à l’UE et appelé les 27 à réagir de façon « proportionnée ».

Les mesures tarifaires prises par les États-Unis sont « extrêmement regrettables », a indiqué le ministre japonais du Commerce et de l’Industrie Yoji Muto, précisant avoir « vivement exhorté Washington à ne pas les appliquer au Japon ». « Nous avons de sérieuses inquiétudes quant à leur conformité avec les règles de (l’Organisation mondiale du commerce) et l’accord commercial entre le Japon et les États-Unis », a par ailleurs déclaré le porte-parole du gouvernement Yoshimasa Hayashi.

Même rappel en Suisse. « Le respect du droit international et le libre-échange sont fondamentaux », a souligné la présidente Karin Keller-Sutter, dont le pays est frappé de droits de 31 %, précisant que Berne allait « définir rapidement la suite ».

Le continent africain frappé par les nouvelles taxes américaines

L’Afrique n’échappe pas aux mesures protectionnistes annoncées par Donald Trump. À partir du 9 avril, les produits africains exportés vers les États-Unis seront soumis à des droits de douane supplémentaires allant de 10% à 50%, en fonction des pays et des secteurs concernés. Ces nouvelles taxes américaines sont calculées selon deux critères : le déficit commercial des États-Unis avec leurs partenaires et les barrières douanières mises en place par les pays africains pour protéger leurs économies.

Le Lesotho est le pays africain le plus sévèrement taxé, avec un taux de 50% en raison de son important volume d’exportations vers les États-Unis, notamment dans le secteur du textile.

Madagascar et Maurice suivent avec des taxes respectives de 47% et 40%, tandis que le Botswana, exportateur de diamants, est surtaxé à 37%. L’Angola, la Libye et l’Algérie, qui exportent principalement des hydrocarbures, font face à des taxes d’au moins 30%, tandis que la Côte d’Ivoire voit son cacao frappé par une taxe de 21%.

Madagascar, l’un des pays les plus pénalisés par les droits de douane américains

Avec des droits de douane fixés à 47 %, Madagascar subit de plein fouet la guerre commerciale lancée par Washington, rappelle notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry. Cette annonce est un véritable coup de tonnerre pour plusieurs secteurs d’activité, dont l’économie repose en grande partie sur les exportations vers les États-Unis.

Le secteur de la vanille, qui représente 70 % des exportations malgaches à destination des États-Unis, est particulièrement menacé. Les producteurs redoutent une concurrence accrue de l’Ouganda, dont la vanille est taxée à seulement 10 %.

L’industrie textile, qui a exporté près de 40 % de ses vêtements vers les États-Unis en 2023, est également en grand danger. Un responsable du secteur qualifie la décision américaine de « catastrophe », estimant qu’au moins 60 000 emplois sont en péril.

Si Donald Trump a fixé la date d’entrée en vigueur de ces taxes au 9 avril, une inconnue subsiste pour Madagascar. De nombreux produits malgaches sont actuellement exemptés de droits de douane grâce à l’Agoa, l’accord de libre-échange en vigueur jusqu’en septembre 2025.

Face à cette menace économique, la ministre malgache des Affaires étrangères a annoncé mobiliser tous les leviers diplomatiques et commerciaux afin de garantir un accès équitable des produits malgaches au marché américain.

30% de droits de douane pour l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud, premier exportateur africain vers les États-Unis avec près de 15 milliards de dollars de ventes annuelles – notamment de véhicules et de pièces automobiles – pourrait être la plus durement touchée par ces nouvelles mesures. Taxée à 30%, elle négocie en urgence un accord de libre-échange avec Washington pour remplacer l’Agoa, un dispositif qui exonérait de droits de douane 1 800 produits africains et qui semble désormais obsolète.

Seuls les métaux de base et les métaux stratégiques sont épargnés par ces taxes, préservant ainsi le cuivre et le cobalt de la République démocratique du Congo. ACP/JF

Fil d'actualités

Sur le même sujet