Kinshasa, 22 août 2024 (ACP).- L’ONU, l’OMS et l’Unicef ont appelé jeudi à une trêve humanitaire dans la bande de Gaza pour vacciner la population contre la polio, a appris l’ACP de source onusienne.
«Nous appelons à une trêve humanitaire dans la bande de Gaza pour vacciner la population contre la polio, surtout les enfants. C’est extrêmement difficile de mener une campagne de vaccination de cette ampleur alors que les bombes pleuvent », a déclaré Juliette Touma, porte-parole de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
« Le retour de la polio là où elle avait été éradiquée en dit long sur la situation », a-t-elle ajouté.
À Gaza, 2,4 millions de Palestiniens, quasiment tous déplacés et pour moitié des enfants selon l’ONU, s’entassent dans des zones de plus en plus réduites. Depuis des mois, l’ONU et des ONG s’alarment de la situation sanitaire dans le territoire, où les eaux stagnantes, les montagnes de décombres et ordures, la chaleur harassante de l’été et la promiscuité forment un bouillon de culture propice aux épidémies.
L’inquiétude est montée en flèche vendredi 16 août après l’annonce du ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne faisant état d’un premier cas de polio sur un bébé de dix mois. Celui-ci a été détecté dans la bande de Gaza, d’où la maladie avait disparu depuis 25 ans, selon l’ONU
Résurgence des cas de polio
« Les poliovirus circulent actuellement à Gaza. Dès le mois de juin, la surveillance environnementale qui est faite à Gaza en a détecté. Et avant le premier cas, on avait déjà détecté des poliovirus dans les eaux usées à Gaza. La grosse difficulté avec les poliovirus, c’est que la plupart des infections se font sans symptômes et donc, le virus peut circuler de façon silencieuse pendant un certain temps, avant que l’on observe les premiers cas », a précisé Maël Bessaud à RFI. Il dirige à l’Institut Pasteur le laboratoire Polio, impliqué dans la surveillance des poliovirus pour l’OMS.
« Dès qu’il y a des problèmes de vaccination, on assiste régulièrement à des résurgences de cas de polio. C’est le cas dans toutes les régions en guerre ou en conflit, qui font que malheureusement, on ne peut pas mener les campagnes de vaccination comme il le faudrait », a-t-il ajouté.
Pour tenter de prévenir la menace qui plane sous les tentes, dans les décombres ou dans les immeubles encore debout, mais souvent sans eau ni électricité, l’OMS entend déployer 2 700 soignants répartis en 708 équipes dans toutes les municipalités de la bande de Gaza. L’Unicef, elle, doit assurer le maintien de la chaîne du froid pour les doses prévues pour vacciner plus de 640 000 enfants de moins de dix ans, indique son porte-parole, Jonathan Crickx. L’ONU a réclamé vendredi 16 août des « pauses humanitaires » d’une semaine pour mener à bien sa campagne de vaccination.
Du matériel, dont des réfrigérateurs, a commencé à arriver mercredi 21 août à l’aéroport de Tel-Aviv, dans le centre-ouest d’Israël. Les doses de vaccin suivront normalement dimanche via le terminal terrestre de Kerem Shalom, point de passage entre Israël et la bande de Gaza. Elles seront à ingérer plutôt qu’à injecter pour faciliter le processus, assure Jonathan Crickx. Si deux doses sont prévues par enfant, les Nations Unies ont compté large. Elles envoient 1,6 million de doses au cas où il y aurait des déperditions, notamment dues à la chaleur.
Campagne de vaccination et inquiétudes de Washington
Mais avant cela, il faudra s’assurer que tous les vaccins entrent bien dans la bande de Gaza dont tous les points d’entrée sont désormais tenus par l’armée israélienne. Israël, de son côté, assure ne rien entraver et accuse les ONG et l’ONU de ne pas avoir les capacités nécessaires pour mener leurs distributions.
En visite dans la région, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé lundi 19 août qu’Israël avait accepté de soutenir les efforts en vue de vacciner les enfants de Gaza contre la polio. « Nous travaillons avec le gouvernement israélien, a-t-il dit à des journalistes à Tel-Aviv. Je pense que nous pourrons proposer un plan dans les prochaines semaines. C’est urgent. C’est vital »
Le chef de la diplomatie américaine n’a pas précisé les modalités de la tenue de cette campagne de vaccination. Il a toutefois assuré avoir eu une discussion « détaillée » sur la situation humanitaire à Gaza avec le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant. Il a également affirmé « largement partager l’inquiétude sur la possibilité d’une réapparition » de la polio à Gaza, où elle avait été éradiquée il y a 25 ans, selon l’ONU. « Nous travaillons sur un plan détaillé pour nous assurer que ceux qui ont besoin d’être vacciné (…) le seront », a-t-il encore dit.
«Le moyen le plus rapide et le plus sûr », a-t-il ajouté, « serait un cessez-le-feu parce qu’il ouvrirait un espace bien plus large à l’augmentation de l’aide » humanitaire qui, depuis des mois, n’entre qu’au compte-gouttes à Gaza.
L’ONU souligne que la couverture vaccinale doit être d’au moins 95 % pour empêcher la propagation de la polio à Gaza « étant donné que les systèmes de santé, d’eau et d’assainissement (y) sont gravement perturbés ». La polio « se fiche des lignes de démarcation », avait lancé vendredi le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, soulignant la menace « non seulement pour les enfants à Gaza, mais aussi dans les pays voisins ».ACP/