Kinshasa, 23 juillet 2022 (ACP)- Une accalmie du taux de change du franc congolais a été observée sur le marché financier au cours de la semaine du 14 au 21 juillett en se situant à 2.462,5 et 2.635,0 CDF venant de 2.031 FC et 2218,17 FC le dollar américain au mois de janvier 2023, respectivement à l’indicatif et au marché de change parallèle, a constaté l’ACP sur ce marché.
« Cette évolution demeure la résultante d’une offre des devises insuffisantes sur le marché des changes, en dépit de la cession de 50,0 millions opérée le 13 juillet 2023 », a expliqué la Banque centrale du Congo dans sa note de conjoncture économique du 7 au 14 juillet. Et d’ajouter : « les besoins des banques en devises se situent à 335,3 millions d’USD revenant d’un niveau de 911,0 millions noté le 13 juillet 2023 ».
Cette situation qui a mis en mal, le gouvernement, la Banque centrale du Congo, la Présidence de la République, le syndicat des cambistes ainsi que la population dans diversité, a suscité des mesures de la part du gouvernement pour rétablir l’équilibre brisé du cadre macroéconomique.
Il s’agit, à cet effet, de limiter les dépenses en cash, d’interdire le paiement au guichet de la Banque centrale du Congo, renforcer le suivi du plan de trésorerie et surveiller la qualité des dépenses publiques et intervenir sur le marché de change avec des réserves en devises.
L’origine de la surchauffe sur le marché de change
La dépréciation du franc congolais a tiré son origine dans l’application de loi des Finances 2023, adoptée en en équilibre en recettes et en dépenses, soit 16,1 milliards USD moyennant taux de change de 2021,94 FC dont le taux d’inflation moyen était à 8,9% et 6,8% à fin période.
Cette loi des Finances est en accroissement de 45,9% par rapport à l’exercice 2022. A ce jour, le taux de réalisation des assignations budgétaires s’est dépréciée, l’inflation est au galop.
Cette accroissement s’est avérée difficile à atteindre compte tenu des paramètres de mobilisation des recettes par les régies financières au premier et au deuxième trimestre, attestée par le rapport des opérations financières de l’Etat.
« Par ailleurs, la balance des opérations financières de l’Etat, pendant la même période sous revue, a affiché un déficit de 230,0 milliards de CDF contre celui programmé de 785,5 milliards. Les recettes mobilisées pour le mois ont atteint 1.396,5 milliards de CDF contre des dépenses de l’ordre de 1.626,5 milliards. En cumul annuel, le Trésor a également réalisé un déficit de 614,8 milliards de CDF contre celui programmé de 167,1 milliards. Au premier semestre de l’année 2023, les recettes recouvrées se sont chiffrées à 7.291,8 milliards, soit un taux de réalisation de 75,7% », a révélé la note de conjoncture de la Banque centrale du Congo.
« Les dépenses effectuées se sont établies à 9.303,1 milliards, enregistrant ainsi un taux d’exécution de 79,9% », a indiqué la note de conjoncture.
Pour pallier à ce déficit, le gouvernement a prévu un calendrier indicatif des émissions des bons et obligations du Trésor et ne prévoit aucune émission en juillet en raison de l’échéance fiscale relative au paiement, par les contribuables, du 2ème acompte provisionnel de l’impôt sur le bénéfice et profit. Pour le troisième trimestre 2023, un impôt de 470,0 milliards de CDF à lever sur le marché intérieur en août et septembre est prévu.
Les causes de la dépréciation du franc congolais, selon le professeur Noël Tshiani
Reconnu pour son sens critique de la situation monétaire, le professeur Noël Tshiani a indiqué que les franc congolais se déprécie de façon accélérée depuis bientôt trois mois pour atteindre le niveau d’un dollar égal à 2.400 à 2.700 francs en Juillet 2023. Cette situation est due d’une part à l’environnement économique intérieur caractérisé par la faible mobilisation des recettes et à la guerre dans l’Est.
Il s’agit également beaucoup plus aussi aux déséquilibres budgétaires importants et à l’absence d’une véritable politique monétaire indépendante nationale dans un contexte de dollarisation très aiguë de l’économie et une forte pression sur les dépenses publiques
Dans le cadre géopolitique international, cette situation pourra s’aggraver avec les dépenses sécuritaires et pré électorales.
A en croire le professeur Tshiani, le gouvernement ne doit dépenser que ce qu’il a mobilisé pour éviter les déséquilibres sur le plan macroéconomique.
Evoquant les mesures de stabilisation annoncées par le gouvernement, il a fait savoir qu’elles constituent un palliatif pour calmer la surchauffe sur le marché de change dans la mesure où l’injection des devises étrangères pourrait momentanément rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché. « Mais à mon humble avis, on ne règle pas définitivement un problème structurel avec des palliatifs temporaires. Ce qui fait que ces mesures palliatives ne sont pas vraiment convaincantes dans le court, moyen et long terme », a souligné Noël Tshiani.
Et d’ajouter : « le niveau des réserves de change ne représente qu’environ deux mois et demi de couverture des importations. Ce niveau est très insuffisant dans la mesure où les interventions nécessaires sur le marché de change pourraient absorber ces réserves en quelques jours en cas d’une attaque sérieuse sur la monnaie nationale ».
Selon lui, ce qui complique l’équation est la pression continue du Fonds monétaire internationale pour que la RDC continue à accumuler les réserves de change même pendant que la population est contrainte d’encaisser les coups à cause de la dépréciation monétaire et de la perte continue du pouvoir d’achat.
Le professeur Tshiani a, à cet effet, préconisé le réalisme dans la politique budgétaire et son corolaire dans la politique monétaire qui fait qu’au finish la planche à billet est utilisée pour financer le déficit budgétaire.
« Comme je l’ai dit depuis le début de cette année, le budget de 16 milliards est irréaliste et irréalisable. Au 23 juin 2023, sur les prévisions toutes recettes confondues de 7,8 milliards USD, les réalisations sont de 4,2 milliards USD et le déficit budgétaire à mi-parcours de l’année de 3,6 milliards USD », a-t-il soutenu.
Pour conclure, M. Tshiani a fait savoir qu’au rythme actuel d’exécution budgétaire, l’année se terminerait avec des réalisations de 8,4 milliards USD et un déficit budgétaire de 7,2 milliards USD.
« Il est temps d’être réaliste avec ce budget de 16 milliards USD en revoyant les ambitions à la baisse à travers un budget rectificatif », a-t-il ajouté.
La dépréciation du franc congolais selon les cambistes
La corporation des cambistes de la République démocratique du Congo, à travers son président Donat Lenghu, a reconnu que la pratique du cambisme est teintée de plusieurs abus contribuant à la fragilisation de l’économie nationale par le maintien d’une inflation galopante.
Selon lui, tout est parti de la période coloniale où les Congolais n’étaient pas préparés à la gestion de la chose publique, moins encore aux transactions financières et bancaires, celles-ci ayant été assumé par les colons belges et d’autres expatriés occidentaux.
A l’indépendance, cette profession était pratiquée dans la fraude communément appelée « marché noir ».
Cette pratique frauduleuse est à la base de l’enrichissement illicite favorisant la contrefaçon à cause de l’absence des Congolais aguerris.
Actuellement, il est question de restaurer les fondamentaux pour mieux asseoir une économie nationale.
A l’en croire, la profession est sur la rue et non régulée, car n’importe qui se réveille un matin et devient cambiste. « Les billets des banques sont le domaine réservés des banques et non des rues », souligne-t-on. ACP/CL