Kinshasa, 29 décembre 2023 (ACP).- Environ 70% des prisonniers ont présenté la Prison centrale de Makala (PCM) de Kinshasa en République démocratique du Congo, comme un lieu de terreur, ont révélé les résultats de l’étude de perception des détenus de ce centre rendu public jeudi, lors d’une conférence.
« Selon l’étude, cet espace carcéral est perçu par environ 70% des prisonniers comme un lieu de la terreur. Pour au moins 10% de certains prisonniers membres du gouvernement informel, la prison est une aubaine, tandis que pour d’autres voleurs qui sont dans les schémas de réciprocité avec leurs paires restés dehors, la prison est une terre d’accueil, un lieu de repos », a déclaré Me Taty Mantima, avocat au barreau de Kinshasa-Matete.
« Pour une catégorie des prisonniers qui ont peur de la vengeance ou des vindictes populaires après avoir commis des crimes, il s’agit d’un refuge. Il y a 20% des détenus qui avouent après avoir commis ddes infractions et préfèrent être à l’abri des poursuites des victimes ou des membres de la famille des victimes », a-t-il ajouté.
Au regard des entretiens et observations réalisées dans cette maison carcérale, il y a lieu de soutenir que l’égalité des prisonniers devant les conditions de détention est mythe juridique. Il s’observe une hétérogénéité des perceptions qui dépend des conditions sociales de chaque prisonnier, de son statut et des projets de vie autour desquels il organise sa vie.
En outre, cette étude a démontré que seule une conscience ayant subie des traumatismes carcéraux parvient à s’auto amender, à la suite des conditions inhumaines auxquelles les prisonniers sont soumis alors qu’à contrario, une catégorie des détenus la perçoit comme un lieu de refuge ou l’on trouve logement.
Par ailleurs, l’hétérogénéité des perceptions sur la prison centrale de Makala s’impose comme une évidence. Il se dégage de toutes ces perceptions que la privation de la liberté est ressentie par plus de 80% des prisonniers comme une affliction.
« L’emprisonnement comme mis à l’écart, a démontré ses limites au point que plusieurs cas de récidives ont été rapportés surtout dans les milieux des personnes vivant en marge de la société dans des conditions précaires dont la criminalité se révèle comme le seul réflexe de survie », a souligné Me Mantima.
Une étude qui sert d’un cadre de réflexion
Selon l’avocat au barreau de Kinshasa-Matete, cette étude se donne pour vocation de servir d’un cadre de réflexion qui réouvre le débat longuement alimenté sur les fonctions carcérale instrumentales, symboliques voire axiologiques en contexte d’une société congolaise en quête de développement et en crise de légitimité.
Elle constitue en même temps un plaidoyer qui tente de dénoncer les dérivés carcéraux, les privations, dépravation et les injustices observées en essayant de proposer à partir des discours et perceptions des prisonniers, des voies et moyens de diminuer voire d’abolir les moyens répressifs pour gérer les problèmes sociaux.
Pour Emmanuel Kabengele, coordonnateur du Réseau pour la réforme du secteur de sécurité et de justice (RRSSJ), cette étude s’est réalisée dans l’esprit de recherche-action afin d’influencer les politiques publiques.
« Cette étude nous met en face avec les évidences et nous pousse à des actions de plaidoyer. La finalité c’est d’influencer positivement les politiques publiques en faveur des prisonniers », a-t-il dit, avant de faire savoir qu’en partenariat avec l’école de Criminologie de l’Université de Kinshasa, sa structure compte mener une étude sur la gouvernance des prisons afin de contribuer au changement des maisons carcérales et non à la promiscuité.
Réalisée du 15 mai au 30 juin 2023 par Oscar Shamba Bemuna, professeur des Universités et chercheur au Centre de recherche en sciences humaines, cette étude a été effectuée dans le cadre du Programme « Just Future » financé par le gouvernement du Pays-Bas.
ACP/Kayu