Justice internationale : la CPI sonne le glas pour le régime de Kigali ! (Par Jean Kenge Mukengeshayi)


Kinshasa, 17octobre 2024 (ACP).- Avec l’annonce de la réactivation par la CPI des enquêtes sur les massacres dans le Nord-Kivu, c’est un véritable coup de tonnerre qui a secoué, le lundi 14 octobre, le ciel de Kigali qui semblait pourtant éternellement serein pour Paul Kagamé.

Au-delà des résultats de la diplomatie rd congolaise souvent raillés par les néo-analystes des réseaux sociaux, la surprise est venue de la Cour Pénale Internationale, dont le procureur Karim Khan a annoncé le même jour sa décision de réactiver les enquêtes sur les crimes commis dans la province du Nord-Kivu.

Dans le temps, les crimes ciblés dans cette décision sont ceux datés depuis janvier 2022, et dans l’espace, ceux commis dans la province du Nord-Kivu. Ceci constitue le premier niveau de la réponse du Bureau du procureur de la CPI à la requête introduite par la RDC en date du 23 mars 2023.

Le procureur s’est cependant souvenu qu’il existait une demande antérieure introduite par la RDC le 3 mars 2004, toujours pour des crimes présumés relevant du Statut de Rome commis dans le même cadre et le même contexte, perpétrés sur les mêmes schémas de violences.

Il ressort, en effet, de l’évaluation faite par le Bureau du procureur de la CPI que tous ces épisodes de violence survenus dans la province du Nord-Kivu «sont liés à des schémas récurrents de violence et d’hostilités qui sévissent dans la région depuis au moins le 1er juillet 2002, date à laquelle la Cour a commencé à exercer sa compétence en RDC. Par conséquent, tous les crimes présumés relevant du Statut de Rome commis dans la province du Nord-Kivu depuis le 1er janvier 2022 relèveraient de l’enquête en cours depuis 2004».

S’agissant des acteurs vrais ou supposés de ces crimes, le procureur précise que « Les enquêtes dans la province du Nord-Kivu ne se limiteront pas à des parties au conflit en particulier, ou à des membres de groupes spécifiques. Au contraire, le Bureau examinera de manière globale, indépendante, et impartiale la responsabilité de tous les auteurs présumés ayant commis des crimes relevant du Statut de Rome ».

Face aux violences, massacres et déplacements massifs des populations qui se sont abattus sur la province du Nord-Kivu depuis déjà trois décennies, les Congolais dans leur ensemble se réjouissent donc d’une décision qui offre la perspective de mettre concrètement fin à l’impunité qui a longtemps encouragé les auteurs des crimes dans l’est de la RDC à se croire intouchables.

Plusieurs preuves récentes dans le cadre des rapports des experts de l’ONU devraient permettre d’accélérer la procédure. Cette perspective devrait surtout s’élargir en remontant jusqu’au célèbre rapport Mapping ayant documenté à la fois les massacres les plus effroyables commis lors de la course-poursuite engagée contre les Hutu et les Tutsi modérés sur le territoire de la RDC dans le cadre de la guerre dite de l’Afdl, mais aussi des différentes tueries orchestrées lors de la chevauchée fantastique du RCD en 1998. On peut citer Makobola, Kasika et bien d’autres…

Justement, le rapport Mapping couvre la période allant de mars 1993 à juin 2003. Il devrait donc en découler des poursuites liées aux violences intervenues dans le cadre de la guerre de l’Afdl et aux tueries organisées par les escadrons lancés en son temps contre les réfugiés hutu après l’Opération Turquoise. Mais aussi les différents massacres exécutés par les avortons de l’Afdl tels que le RCD et ses différentes versions dont, plus près de nous, le CNDP de Laurent Nkunda et Jules Mutebusi, ou le M23 de Willy Makenga et l’AFC de Corneille Nangaa.

L’autre perspective dont se réjouissent naturellement les Congolais est celle de la création de mécanismes judiciaires visant à réprimer les crimes et lutter contre l’impunité sur la durée. Cette démarche exigera une plus grande collaboration et une coopération vigoureuse entre la RD Congo, le Bureau du procureur de la CPI et la communauté internationale. Mais aussi la mise en place d’une justice transitionnelle, ou encore d’un tribunal pénal international pour le Congo !

Bref, la dynamique a radicalement changé au niveau de la région des grands lacs : l’aventure de Paul Kagamé en RDC, comme son règne sur le Rwanda, touchent bel et bien à leur fin.

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