La procédure des référés, une avancée dans la protection des administrés en RDC, selon le procureur  général Octave Tela Ziele

Kinshasa, 21 nov. 2021(ACP).- Le procureur général près le conseil d’Etat, Octave Tela Ziele a, dans sa mercuriale prononcée lors de la rentrée judiciaire du Conseil d’Etat, le 8 novembre dernier, au Palais du peuple, déclaré que la procédure des référés demeure une avancée majeure dans la protection des administrés face à la toute puissante Administration en RDC.

A cette occasion, Octave Tela s’est appesanti sur la notion de référé avec comme thème : «Le référé administratif : un instrument légal pour la sécurité juridique de l’administré dans l’Etat de droit ».

Dans sa mercuriale, le Procureur général près la Conseil d’Etat est parti d’un constat selon lequel il s’est observé au Conseil d’Etat, depuis un certain temps, un engouement au greffe de la section du contentieux à travers les dépôts sans cesse croissants des requêtes, essentiellement en référé-suspension ou en référé-liberté. Consécutivement à ces nombreuses actions en référé, a-t-il remarqué, plusieurs ordonnances ont été rendues par le juge dont la majeure partie souffre d’inexécution.

Devant ce problème, a-t-il souligné, il est nécessité d’examiner cette procédure d’urgence notamment en ce qui concerne la suspension provisoire des effets immédiats de certaines décisions ou actes administratifs, en attendant l’issue de la procédure principale en annulation.

La matière de référé administratif, une innovation en RDC

Pour analyser ce thème, le Procureur général Octave Tela a souligné que la matière de référé administratif est une innovation apportée par la loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif. En effet, l’ordonnance-loi n°82-020 du 31 mars 1982 portant code de l’organisation et de la compétence judiciaires et l’ordonnance-loi n° 82-017 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice, qui régissaient jadis la matière administrative, ne prévoyaient pas les procédures d’urgence.

« Le législateur congolais a introduit cette procédure de référé pour protéger les administrés contre les effets irréversibles et préjudiciables des décisions arbitraires ou abusives de la toute puissante Administration publique, qui jouit des privilèges du préalable et d’exécution d’office de ses décisions », a-t-il dit.

Définition générale du référé

En l’absence d’une définition du référé par le législateur congolais, belge ou français, le Procureur près le Conseil d’Etat s’est référé à la définition de Larousse : « Le référé est une procédure d’urgence contradictoire qui permet d’obtenir du président d’une juridiction judiciaire ou administrative une mesure provisoire qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou afin de faire cesser un trouble illicite ou un dommage imminent ».

Quant à sa classification, le Procureur près le Conseil d’Etat en a distingué en général, trois types des référés : le référé civil (le référé civil est une procédure simplifiée et accélérée, soumise au principe du contradictoire, grâce à laquelle une partie peut, dans certains cas définis par la loi, obtenir immédiatement une décision provisoire auprès d’une juridiction dédiée à cet effet, statuant généralement à juge unique), le référé pénal (types du référé pénal à savoir : le référé-détention, le référé-liberté et le référé-perquisition) ; et le référé administratif.

Le référé administratif, définition, objectif et but

Insistant sur le référé administratif, le Procureur général Octave Tela a cité le Pr Ameth Ndiaye qui définit le référé administratif comme « une procédure accélérée devant le juge consistant à obtenir de celui-ci, dans un court délai, que soient prises des décisions exécutoires de plein effet permettant d’attendre sans conséquence et de préparer le jugement au fond du litige ».

Et pour Max Remondo, « Le référé administratif vise à obtenir du président de la juridiction administrative ou du magistrat qu’il délègue, l’adoption des mesures urgentes qui ne préjudicient pas au fond et ne font pas obstacle à l’exécution des décisions administratives ».

S’inspirant du Pr Ameth Ndiaye et Jean-Jacques Louis qui ont parlé respectivement de « rendre la justice nécessite du temps afin d’éviter une justice expéditive tout comme une trop grande tardiveté de la justice », et  « de l’urgence qui permet d’aller plus vite et de casser la lenteur du juge. La culture de l’urgence a modifié la pratique du juge administratif, qui a dû apprendre à découpler : urgence et sécurité juridique » que le Procureur Octave indiquera que c’est dans le but de remédier à ces inconvénients que le référé administratif a été institué.

« En effet, cette procédure évite au justiciable de subir, du fait de la lenteur de la justice, les conséquences néfastes que pourrait avoir une décision administrative illégale », a-t-il remarqué, avant d’ajouter qu’il se dégage de ces prises de positions l’importance des procédures d’urgence en contentieux administratif comme outil de protection des administrés étant entendu que le référé administratif a aussi pour objectif de contourner les prérogatives exorbitantes de l’Administration.

Il a fait savoir que l’Administration a pour mission la satisfaction de l’intérêt général et la continuité nécessaire du fonctionnement des services publics qui seraient compromis, si on admettait que toute réclamation d’un administré suffise à ajourner l’effet des décisions administratives jusqu’au  jour du jugement de la contestation.

«C’est ce qui justifie certains privilèges tels ceux du préalable et de l’action d’office», a dit le Procureur général Octave Tela, indiquant que l’Administration agit au moyen des décisions ou des actes unilatéraux revêtus d’une force juridique particulière qu’aucun intérêt particulier ne peut entraver.

«Dès que les mesures de publicité nécessaires ont été effectuées, ces actes administratifs, revêtus d’une présomption de régularité, ont une force exécutoire immédiate, qualifiée de privilège du préalable, qui oblige leurs destinataires à l’exécuter avant toute contestation », a-t-il insisté.

Le référé administratif en droit congolais

Après avoir donné l’historique du référé en droit comparé, le Procureur a circonscrit le concept du référé en droit congolais.

La loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif a introduit et organisé la procédure des référés en ses articles 278 à 320.

Elle prévoit trois catégories de référés administratifs, à savoir, les référés généraux (le référé-suspension, le référé-liberté et le référé-conservatoire), les référés particuliers (le référé-constat, le référé-instruction et le référé-provision voir articles 297 à 307) ; et les référés spéciaux (le référé précontractuel des marchés publics, le référé douanier, le référé fiscal et le référé sur déféré).

Par ailleurs, les organes des référés (voir les articles 279 et 285), a-t-il signifié, sont les juges et les magistrats désignés de leurs juridictions.

 

Des décisions du juge des référés et leur exécution

Le juge des référés statue par voie d’ordonnance. C’est ainsi que l’ordonnance des référés est une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge, qui n’est pas saisi du principal, le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires.

En matière des référés, a affirmé le Procureur général, le juge prend différentes ordonnances selon qu’il s’agit des référés généraux, des référés particuliers ou des référés spéciaux.

L’ordonnance des référés présente un certain nombre des caractéristiques étant donné qu’elle est une décision provisoire ne préjugeant pas du fond et dépourvue de l’autorité de la chose jugée.

« L’ordonnance des référés est motivée, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur », a fait voir le Procureur près le Conseil d’Etat.

De l’exécution des décisions du juge des référés

Le Procureur général Octave Tela a insisté sur le fait que la force de la justice qui demeure dans l’exécution des décisions rendues par les cours et tribunaux.

« C’est le sens même de tout Etat de droit prôné par le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi », a-t-il dit, avant d’indiquer qu’en droit positif congolais, faire exécuter une décision de justice est une exigence à la fois constitutionnelle et légale. C’est pourquoi, a-t-il renchéri, les décisions de justice, d’une manière générale, sont exécutées au nom du Président de la République en vertu des articles 149 alinéa 4 de la Constitution et 9 de la loi organique.

« L’exécution est une étape particulièrement sensible dans cette procédure d’urgence pour autant que toute décision de justice n’a de valeur que dans la mesure où elle est exécutée effectivement et intégralement. Rendre la justice est une chose et en assurer l’exécution en est une autre », a reconnu le Procureur près le Conseil d’Etat.

Par contre, les ordonnances rendues en matière administrative, au nombre desquelles se trouvent les ordonnances des référés, le sont en vertu de l’article 250 de la loi organique.

Cependant, a remarqué le Procureur général, au niveau des difficultés sur la procédure d’exécution, il s’observe que bien que régulièrement signifiées aux parties concernées les ordonnances des référés souffrent d’inexécution de la part de l’Administration (ministères concernés et autres autorités administratives).

Et pourtant, a-t-il martelé, la constitution, en son article 151, interdit formellement au pouvoir exécutif d’entraver le cours de la justice, de s’opposer à l’exécution d’une décision de justice et au pouvoir législatif de statuer sur les différends juridictionnels, de modifier une décision de justice et de s’opposer à son exécution.

 Aujourd’hui et désormais plus que jamais, le référé se trouve au cœur du contentieux administratif congolais. Le vent du changement est en train de souffler. La révolution dans le secteur de la justice administrative est résolument en marche», a conclu le Procureur général Octave Tela. ACP/Kab/Kong/May

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