Rwanda : ça ne sera pas une promenade de santé ! (Par Bienvenu-Marie Bakumanya)

Kinshasa, 20 juin 2024(ACP).- Le président Paul Kagame du Rwanda a déclaré dans un entretien avec la chaîne française France 24 que son pays était prêt à faire la guerre contre la République démocratique du Congo.

Prêt à se battre avec la RDC, a-t-il martelé, ajoutant cependant avec subtilité que son pays n’avait pas peur.

Première observation : le président Kagame habitué à jouer avec la sémantique s’est abstenu, en homme que les expériences récentes ont appris à être prudent dans ses rapports avec la RDC, de déclarer formellement la guerre à son voisin. Mais ceci n’est à vrai dire qu’un détail. Les Congolais savent en effet que c’est depuis trente ans que le Rwanda leur fait la guerre sous les formes les plus diverses : invasions, massacres, déplacements des populations, pillages des ressources du sol et du sous-sol, etc. 

La déclaration du président Kagame à France 24 n’ajoute donc rien de neuf à ce que le monde entier connaît déjà. C’est plutôt à lui de s’interroger sur l’impact réel de sa déclaration et ses conséquences sur la dynamique actuelle du conflit dans l’est de la RDC.

La deuxième observation qui retient l’attention des analystes réside dans le profil psychologique du leader rwandais. Lorsque ce dernier indique qu’il n’a pas peur, M. Kagame s’inscrit en réalité de manière pathétique dans un processus comportemental de type renard, ce syndrome bien connu des psychologues, à travers lequel le sujet projette en fait sa propre pensée, qui devient une sorte d’obsession.

La déclaration du président rwandais survient surtout dans un contexte où, deux semaines plus tôt, des parlementaires rwandais de son entourage sont montés au créneau pour lui demander de déclarer la guerre à la RDC, mais aussi d’entreprendre auprès de la communauté internationale une démarche globale tendant à redéfinir les frontières héritées de la colonisation en faveur du Rwanda qui hériterait ainsi des pans les plus juteux de la partie orientale de la RDC riche en minerais stratégiques.

D’une pierre, le Rwanda engrangerait plusieurs coups. Seulement voilà : au-delà de la vue de l’esprit, les choses ne semblent pas aussi faciles. Cela explique,  notamment pourquoi le leader rwandais use de la sémantique et de l’euphémisme pour ne pas dire ce qu’il semble apparemment avoir dit. 

Avec raison d’ailleurs. Depuis bientôt plus de deux mois, en réponse à la mobilisation de la jeunesse décrétée par le Chef de l’Etat congolais Félix Antoine Tshisekedi, les observateurs sérieux admettent que la peur a changé de camp dans le conflit de l’est, avec les nombreuses victoires remportées par les Forces armées de la RDC (FARDC) et les patriotes wazalendo, mais aussi l’acquisition d’équipements et matériels militaires que les forces armées et de défense de la RDC ne cessent d’accumuler. Avec comme seul message qu’elles sont désormais prêtes à renvoyer la guerre d’où elle est venue.

Que le spécialiste autoproclamé de la guerre se sente obligé de crier qu’il n’a pas peur, lui qui ne devrait jamais avoir peur, signifie que la dynamique a clairement changé et que l’homme fort de Kigali n’a plus que le discours et les rodomontades pour requinquer un moral en berne, en plus bousculé par une publicité mondiale très négative sur ses tristes exploits contre les opposants et les journalistes. D’ici-là, une chose est sûre : aucune gesticulation de sa part ne sera pour lui une promenade de santé en terre congolaise. Bien au contraire, les Congolais l’attendront de pied ferme. Par tous les moyens, l’expédition rwandaise  sera avalée par l’abîme.

La marche de l’Est vers l’Ouest congolais en passant par le centre comme en 1996 et 1997 n’est plus possible. Le Congolais sait qu’en cas de défaite, il sera réduit en esclave, lui qui use et abuse de sa liberté à l’Intérieur des frontières nationales.

Cette nouvelle sortie hasardeuse pour défier tout le monde annonce la fin du cycle Kagame, conscient qu’une aventure du type AFDL est vouée à l’avance à l’échec, parce que tous les moyens seront utilisés pour la stopper. 

La stabilisation actuelle de différents fronts de l’Est est un message fort que rien ne se fera comme en 1996-1997.

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