Kinshasa, 20 aout 2021(ACP).- Le Pr John Poté de l’Université de Genève (UNIGE) et des universités congolaises, a recommandé lors d’un entretien jeudi avec la presse, au sujet de la pollution des rivières Tshikapa et Kasaï, une évaluation des compartiments spécifiques de ces rivières.
« Je propose qu’en fonction des différents flux et charge polluante, ainsi que des débits de ces rivières, l’évaluation d’une telle pollution par l’approche analytique physicochimique se fasse sur des compartiments spécifiques des rivières, notamment la colonne d’eau et le substrat sédimentaire, ainsi que sur d’éventuels stocks (organismes aquatiques) », a déclaré cet ingénieur civil en biotechnologie environnementale.
La pollution des rivières Tshikapa et Kasaï ne peut étonner aucun scientifique travaillant dans le domaine de l’eau en RDC, voire dans le monde, a-t-il dit, en évoquant les recherches menées par plusieurs doctorants et doctorantes des Universités de Genève (UNIGE) et de Kinshasa (UNIKIN) et de l’Université Pédagogique Nationale (UPN) sous sa supervision.
Ces recherches démontrent, selon lui, que 90% des eaux de surface en RDC, notamment les rivières et les lacs sont fortement polluées par les métaux toxiques, les substances radioactives, les polluants organiques persistants (POPs), les résidus médicamenteux, et surtout les polluants biologiques émergeants (les microorganismes pathogènes fortement résistants aux antibiotiques de la dernière génération).
Les écosystèmes aquatiques en RDC sont très pollués
Le Pr John Poté a poursuivi en expliquant que les écosystèmes aquatiques de la RDC ne sont plus considérés comme des rivières mais comme de« receivingsystems », c’est-à-dire des compartiments environnementaux qui reçoivent différents types de polluants, notamment dans des effluents non traités d’origine urbaine, industrielle et minière.
Le Pr John Poté motive cette affirmation par des exemples concrets tirés de ses recherches menées depuis une dizaine d’années en RDC. A titre illustratif, dans la ville de Kinshasa, le tronçon du fleuve Congo Maluku-Kinsuka a été largement étudié.
Les conclusions de ces études, a indiqué l’intervenant, ont fait l’objet de 3 thèses de doctorat soutenues et de plusieurs publications scientifiques, montrant que les sédiments, les poissons et les plantes aquatiques présentent des fortes teneurs des polluants précités, de l’ordre de 20 à 100 fois supérieurs aux normes internationales pour la protection de la vie aquatique et de la santé des consommateurs.
Toujours dans la ville de Kinshasa, les rivières N’Djili, Nsanga, Kalamu, Yolo, Makelele et Funa ont fait également l’objet d’études sur les mêmes approches.
Les résultats obtenus indiquent que ces rivières sont fortement polluées et représentent un danger permanent de contamination pour la population de la ville de Kinshasa par différentes voies.
Les eaux souterraines des communes périurbaines ne sont pas épargnées par la pollution
Le Pr Poté a soutenu que les eaux souterraines des communes périurbaines (Bumbu, Mont-Ngafula, Kimbanseke, Masina) de la ville de Kinshasa ne sont pas épargnées.
Elles sont fortement contaminées par les bactéries pathogènes et les gènes de résistances aux antibiotiques. Ceci constitue une source importante de contamination des cultures maraîchères et des maladies hydriques récurrentes (fièvre typhoïde, dysenterie, choléra).
D’autres résultats des études menées dans les zones minières, notamment dans les provinces du Haut-Katanga, du Lualaba et du Maniema dans les rivières Dilala, Luilu, Lubumbashi, Musonoie, Mpingiri et Ulindi montrent des fortes contaminations de ces rivières par les métaux toxiques et les substances radioactives, avec des risques bien identifiés sur la santé humaine et l’environnement. Pour ces deux dernières décennies, les poissons sont presque quasi inexistants dans la plupart de ces rivières suite à ces fortes pollutions.
Plusieurs recommandations et suggestions de ces études, a dit le Pr Poté, ont été formulées à l’intention des autorités locales, mais jusqu’à ce jour, elles sont restées lettre morte.
Ainsi, tenant compte des études menées sous sa supervision, la contamination des rivières Tshikapa et Kasaï, qui du reste ne doit pas être minimisée, ne représente qu’une faible proportion par rapport à ses recherches menées depuis 2012 dans le cadre de la collaboration entre l’université de Genève (UNIGE), l’université de Kinshasa (UNIKIN) et de l’université pédagogique (UPN).
Actuellement, ces trois institutions universitaires collaborent vivement avec le Centre de Recherche en Sciences Humaines (CRESH) de Kinshasa pour communiquer, éduquer et sensibiliser la population locale aux résultats de leurs recherches en RDC.
Il a plaidé pour l’application de ces conclusions par les experts gouvernementaux dépêchés pour évaluer la pollution des rivières Tshikapa et Kasaï. L’intervenant attend donner une autre position après ses investigations. ACP/Fng/Cfm/Nig