Kinshasa, 10 mars 2025 (ACP).- Les violations de droit de l’homme et du droit international humanitaire par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 et l’AFC, dans l’Est de la République démocratique du Congo, a fait l’objet lundi des trois questions posées à Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine des droits l’homme (Asadho).
Cet entretien est intervenu dans le cadre de l’appel à témoins pour des crimes de guerre commis dans les villes et territoires sous occupation de l’ennemi lancé à Kinshasa par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) lors de son séjour.
Question 1. Quelle lecture faites-vous sur la question des droits de l’homme et droit international humanitaire dans le conflit armé actuel dans l’Est de la RDC?
Réponse : Je pense qu’il est important de considérer d’une part que les troupes du M23 qui sont accompagnées par les troupes de l’armée rwandaise n’ont aucunement l’intention de respecter les droits de l’homme. Si vous regardez les différentes violations qui ont été commises à l’égard des militaires qui se sont rendus, comme aussi à l’égard des civils, vous allez arriver à la conclusion : qu’il y a ici l’intention, en fait de violer de manière systématique les droits de l’homme pour pouvoir soumettre tous les territoires qui sont occupés par les M23 et les troupes du Rwanda.
Ils ne veulent aucun acte de résistance par rapport à leur présence. C’est ainsi que vous voyez qu’il y a des musiciens qui ont été tués parce qu’ils ont chanté contre le M23. Et tous les jeunes qui résistent à leurs actes, sont tout simplement éliminés.
Au-delà de tout ça, il faut considérer qu’il y a eu plusieurs femmes qui ont été violées par les M23, mais aussi, ils ont recruté les enfants pour les amener au front, ce qui est totalement interdit.
Le M23 et les troupes rwandaises se sont rendus dans des hôpitaux de Goma pour pouvoir retirer les militaires comme aussi les autres citoyens qui ont été confondus aux militaires des qui leurs étaient en train d’être administrés pour les amener on ne sait à quelle destination. Et aujourd’hui, on ne sait pas si ces gens qui ont été retirés des hôpitaux ont été tout simplement éliminés ou pas.
Question 2. La guerre telle que menée par l’armée rwandaise sur le sol congolais respecte-t-elle les règles et principes établis dans la Convention de Genève de 1846 ?
Réponse : En ce qui concerne les différentes conventions qui ont été violées, il faut d’abord parler du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les troupes rwandaises et celles du M23 ne respectent pas la liberté d’expression. Dans les territoires occupés, c’est la pensée unique. Tout le monde doit pouvoir accepter la présence des troupes du M23, comme la présence des troupes rwandaises.
Ce qui n’est pas normal parce qu’eux-mêmes ont pris les armes soit disant qu’ils ne sont pas d’accord avec le régime du Président Tshisekedi qui viole leurs droits. Par contre, toute personne, journalistes, jeunes, femmes qui s’élèvent contre le M23, est exécutée de manière sommaire ou parfois arrêtée et conduite au front.
La deuxième convention qui est violée, c’est le Pacte international relatif au droit économique, socio et culturel. Comme vous le savez, les ressources naturelles de la République démocratique du Congo appartiennent aux citoyens congolais. La guerre d’agression faite dans notre pays par le Rwanda avec ses complices du M23 est orientée vers l’exploitation illégale de nos ressources.
Je note aussi que les troupes du M23 ont violé le statut de Rome parce que certains crimes qu’ils ont commis relèveraient de la compétence effectivement de la Cour pénale internationale en termes des crimes contre l’humanité ou crimes de guerre.
Question 3. Au regard de tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui sont en train d’être perpétrés par l’AFC/M23 et l’armée rwandaise, êtes-vous convaincu qu’un jour les responsables y répondent devant les juridictions compétentes ?
Réponse : En ce qui concerne les crimes de guerre comme les crimes contre l’humanité, les responsables peuvent être poursuivis à deux niveaux: – Le premier, c’est par les Cours et Tribunaux de la République démocratique du Congo parce que ces crimes ont été commis sur notre territoire. Que ceux qui les ont commis soient des Congolais ou des étrangers, les Cours et Tribunaux de la RDC ont la compétence pour le faire. Maintenant, la justice congolaise peut mettre la main sur certains ressortissants rwandais qui sont venus faire la guerre en République démocratique du Congo.
Nous pensons que l’intérêt, c’est le deuxième niveau effectivement, l’intérêt de la Cour pénale internationale pour les crimes commis à l’Est de notre pays peut être favorable à nous, dans la mesure où la Cour pénale internationale peut mettre la main sur tous ceux qui ont commis les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité à l’Est de la RDC.Donc la CPI, nous le savons tous que c’est un tribunal complémentaire, c’est une Cour complémentaire, c’est-à-dire qu’elle intervient sur les questions qui concernent les Etats membres qu’à titre complémentaire, c’est-à-dire quand la justice de ces pays-là, pour une raison ou une autre ne peut pas agir. Donc ils peuvent être poursuivis comme je le disais, par les Cours et tribunaux de la RDC ou par la CPI.
Et ici, il faut encourager l’idée qui a été soutenue par le procureur près la CPI de créer un tribunal international pour le Congo qui aura des compétences sur des Congolais, mais aussi sur les ressortissants des pays voisins qui sont venus faire la guerre dans notre pays ou les ressortissants des autres pays au niveau international qui se sont associés à la guerre à l’Est du Congo. ACP/UKB