Kinshasa, 21 février 2025(ACP).- Le rôle joué par les vendeuses ambulatoires dans le commerce informel en République démocratique du Congo (RDC) a été évoqué par un expert en économie dans un entretien vendredi avec l’ACP.
« Les vendeuses ambulatoires, figures emblématiques du commerce informel, jouent un rôle socio-économique crucial. Elles offrent une grande variété de produits et services, allant des fruits et légumes frais en passant par les produits artisanaux et les services de restauration rapide. Cependant leur activité est souvent confrontée à de nombreuses difficultés et défis », a déclaré Al Kitenge, stratège et Expert en économie.
« Il faut d’abord savoir que la situation du travail à l’informel est la plus grande gangrène de notre économie. Plus de 90% de l’activité économique en RDC est dans l’informel, c’est-à-dire une activité non organisée, non reconnue par l’État, ne payant pas de taxes et impôts et non protégée du point de vue social. Ces vendeurs et vendeuses ambulatoires, lorsqu’ils arrivent à la vieillesse, ils n’ont aucune solution de protection sociale », a-t-il ajouté.
Ce qui fait que tous les services publics de l’État qui sont liés à la solidarité, selon lui, exemple : la gratuité de l’enseignement, la gratuité de soins de santé, ne peuvent pas tenir uniquement avec les budgets de l’Etat, mais avec ce qu’on appelle la contribution. Et pourtant toutes ces masses ne sont pas mises à contribution.
C’est très difficile pour nous de pouvoir offrir des services de sécurité sociale de qualité, de service de solidarité de qualité, mais aussi c’est une faute économique grave, parce que les caisses de sécurité sociale dans le monde entier sont les caisses de l’économie d’argent mobilisable, a-t-il poursuivi. Et de souligner que la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), la CNSAP peuvent offrir des entités extrêmement riches capables de financer l’économie. Et ça devrait être une priorité.
« Il y a deux priorités majeures dans la structure de notre économie : premièrement c’est de formaliser l’économie congolaise et deuxièmement de nous rendre compte qu’on ne peut pas continuer à être une économie extravertie, c’est-à-dire qui importe tout sauf rien, donc on doit corriger ces deux éléments », a expliqué Al Kitenge.
« Les vendeuses ambulatoires n’ont pas leur place dans notre économie pour de bonnes raisons. Acheter quelque chose à la rue est une expression d’irresponsabilité collective pour l’acheteur et le vendeur. Nous sommes aujourd’hui dans une situation de laisser-aller, de laisser-fleurisme, et d’indiscipline collective », a-t-il dit.
Le fait est que très malheureusement, tous les petits commerces dans la rue sont la conséquence de la non organisation du commerce, et donc le vrai problème ce n’est pas le commerce informel mais plutôt le problème, c’est structurer la distribution. Enfin le petit boulot tue le grand boulot, car le petit devient un concurrent et il vous tue sur le marché. Je pense qu’on a juste besoin de dire que ça s’arrête et on décide d’industrialiser la démarche nationale dans la ville.
Les difficultés rencontrées par les vendeuses du commerce informel
« Nous rencontrons beaucoup de difficultés sur le terrain, entre autres, nous sommes exposées sous le soleil alors que nous travaillons pendant plusieurs heures ; nous avons un faible revenu, parfois des accidents, nous sommes parfois exposées sous la pluie, le vol et parfois la confiscation des marchandises par la police », a réagi Antoinette Ngimbi, une vendeuse de manioc.
En outre, « le manque de capital pour acheter les marchandises en grande quantité constitue une difficulté, la concurrence face à d’autres vendeurs, les responsabilités familiales (entre vente, ménage et garde des enfants), pas d’accès aux toilettes, et parfois le manque d’endroits pour garder notre marchandise », a indiqué Hortense vangu, vendeuse ambulatoire des pains.
Les difficultés ne sont pas les mêmes pour toutes les vendeuses ambulatoires, elles varient en fonction du contexte géographique et aussi des types des produits.
Pour Mme Diane Mamba, vendeuse de légumes « ce commerce informel est un moyen pour la survie face à la pauvreté et au manque d’opportunités d’emploi formel ; il est pour moi la seule option pour subvenir aux besoins de ma famille ».
Ce, avant d’ajouter pour les achats « nous vérifions d’abord la qualité de la marchandise et nous comparons le prix de la marchandise chez les différents grossistes pour trouver la meilleure offre. Et je travaille à mon propre rythme et je gère mon temps toute seule ».
« Je me cherche dans le cadre de l’article 15, je me débrouille avec ce commerce saisonnier pour la survie de mon foyer, je ne vends pas un seul produit, je peux vendre aujourd’hui le safou(prune), demain vous me verrez avec le maïs et après-demain avec l’arachide, ainsi de suite », a indiqué une autre vendeuse Mamie Kimbolo, avant d’ajouter « je vends un peu partout dans les rues de Kinshasa (carrefour, terrasse, marché, entreprise). Je préfère ce commerce parce qu’il n’exige pas de réglementation et contrôle de commerce, il n’y pas de risques d’être sanctionnée ».
Ce commerce informel est un commerce non contrôlé, qui varie en fonction des saisons, il n’a pas besoin de documents. Cet ensemble d’activités échappe à la politique économique, sociale et donc à toute la régulation de l’Etat.
Le commerce informel est un phénomène complexe et multidimensionnel, qui pose de nombreux défis au pouvoir public.
ACP/JF