USA, UE, Chine, Russie et Brics dans le contexte électoral rd congolais Kinshasa face à des choix cornéliens

(Par Jean Kenge Mukengeshayi)

Les derniers événements survenus dans la géopolitique mondiale ont apporté une nouvelle grille de lecture de l’actualité aussi bien en République démocratique du Congo qu’au niveau de la sous-région. Ils suggèrent, au minimum, la levée d’un nouveau paradigme dans la gestion des affaires de la RDC !

La première ligne de lecture est celle qui semble avoir conforté l’option pour la tenue des élections le 20 décembre prochain comme exigence de plus de stabilité à un moment où, sur le continent, nombreux sont parmi les élites comme au sein des populations, qui n’hésitent plus à se reconvertir à la religion du coup d’Etat pour porter l’aspiration générale au changement et les attentes de tous pour le développement.

Cette évolution fonde sa dynamique sur un double ressort. D’abord le conflit ukrainien avec son jeu boule de neige sur la géopolitique mondiale ; ensuite, la poussée des Brics qui réclament ouvertement un nouvel ordre politique mondial plus juste et plus équilibré.

Face à un monde qui bouge

La question est naturellement de savoir quelle place et quel rôle seront ceux de la RD Congo au regard : (i) de sa position stratégique au cœur de l’Afrique et du monde, (ii) de son immensité géographique et démographique, (iii) de son statut mondial de réservoir des minerais, particulièrement ceux de la nouvelle génération qui fondent la transition énergétique et l’industrie de l’avenir, faisant de notre pays à la fois une attraction et une cible.

La réponse n’est évidemment pas aisée. La RDC de plus en plus attirée par la Chine pour des raisons évidentes, sur lesquelles le leadership congolais s’est récemment et abondamment expliqué, se réjouit tout naturellement de la mise en œuvre d’un partenariat gagnant-gagnant, particulièrement dans le domaine des infrastructures, quand bien même la mise en œuvre du contrat Sicomines par exemple a laissé transparaître de la part de nos partenaires de l’Empire du milieu une propension élevée à la malice, que ces derniers ont promis de corriger rapidement.

Avec la Chine, les Congolais se réjouissent tout aussi du rôle que joue la Russie dans la nouvelle partition mondiale, notamment dans le domaine de la sécurité, face à l’agression qui frappe la partie orientale de notre pays.

De l’autre côté, il y a bien sûr les Etats-Unis et, derrière eux, l’ensemble de l’Occident, l’Union Européenne en tête ainsi que l’Océanie représentée par l’Australie comme puissance montante dans les affaires du monde. Leur péché éternel est de n’avoir jamais réussi, entre esclavage et colonisation, impérialisme et coopération, à offrir la moindre perspective d’émancipation et de développement à tous les pays anciennement colonisés, qu’ils continuent d’exploiter sous les versions les plus diverses de partenariat.

Il y a, enfin, les Brics, dont le discours séduit à l’aune de l’injustice de l’ordre mondial actuel qu’ils prétendent réformer. Une vision qui n’exclut malheureusement pas des ambitions individuelles de puissance au sein du groupe, dont les disparités interrogent en termes d’idéologie et d’histoire.

Les Congolais qui s’interrogent

Face à cette problématique, les évolutions les plus récentes en RDC sont déterminées à la fois par les relations que notre pays développe avec la Chine, la Russie et les Brics. Mais aussi et surtout, au regard de ces relations, en raison de la géopolitique des minerais stratégiques dans son sol, son pouvoir dans la régulation climatique et la course que les minerais stratégiques imposent aux grandes puissances dans la perspective de l’industrie de l’avenir. Il y a enfin les relations tumultueuses avec le Rwanda, avec ses tentatives répétitives de déstabilisation depuis trois décennies, avec à l’appui des massacres, des viols et des pillages, dans un rôle que lui ont assigné les grandes puissances ainsi que les multinationales et qui semble malheureusement définir son unique perspective d’avenir comme peuple et comme nation.

Bref, autant de facteurs qui déterminent les positions respectives des uns et des autres, mais aussi la nouvelle perception que les partenaires dits traditionnels ont entrepris de développer récemment envers la RDC. Avec, pour confirmer la nouvelle tendance, quelques lignes qui semblent bouger face au dynamisme de la position de la RD Congo.

Des lignes qui bougent…

On assiste ainsi depuis ces dernières semaines  non seulement à une sorte d’empressement des partenaires traditionnels à l’égard de la RDC, mais surtout à des offres et des discours qui aspirent, du moins publiquement, à évacuer l’ambiguïté  qui caractérisait leur attitude vis-à-vis de notre pays.

Une délégation du département d’Etat a récemment visité la RDC, suivie par une autre constituée de congressmen. Encore plus près de nous, des parlementaires de l’Union Européenne ont effectué le déplacement de Kinshasa.  

Les uns comme les autres ont entrepris de développer un discours qui n’était pas de mise il y a encore peu dans leurs relations avec la RDC. Ainsi, le fait que les uns et les autres prennent de plus en plus fait et cause pour la tenue des élections dans le délai constitutionnel, prônant dans le même temps un partenariat plus dynamique tourné vers l’industrialisation de la RDC, la création des projets de développement dans l’agriculture, les énergies renouvelables, les minerais…

Thermomètre de cette évolution, le discours plus morose de l’opposition congolaise et de l’Eglise catholique qui avaient parié sur le report des élections ou l’organisation d’un dialogue qui permettrait le partage du pouvoir tout en frustrant la majorité des Congolais déterminés à asseoir une véritable démocratie dans leur pays et à lancer des projets de développement structurants avec des partenaires sérieux et solides.

Plus symbolique encore, la montée au créneau du Rwanda pour fustiger l’hypocrisie, notamment, de la puissance américaine, accusée par Kigali de délaisser un allié qui l’a longtemps servie pour « flatter » la RDC de peur que celle-ci se jette, avec ses minerais stratégiques, dans les bras de la Chine. Un discours qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain maréchal Mobutu découvrant, plus de trente ans de règne et de collaboration avec les Etats-Unis plus tard, que les nations n’ont pas d’amis mais plutôt des intérêts.

Prudence

Il reste que ces développements n’ont pas encore été consolidés et sont loin d’être  irréversibles. Ils appellent en revanche la République Démocratique du Congo avec ses dirigeants à plus de maturité et de prudence, justement sur la base du même principe selon lequel seuls les intérêts priment dans les relations entre nations. Il suffirait en effet que nos ennemis offrent plus, ou mieux, pour que les choses évoluent différemment.

Se laisser séduire par le même discours lénifiant qui n’a rien produit depuis des décennies serait par conséquent une erreur grave. A contrario, la RDC serait mieux servie et défendue si, dans chaque dossier, l’indépendance, la souveraineté et l’émancipation des populations étaient les facteurs les plus déterminants dans les choix à opérer. C’est à nous de choisir.

Fil d'actualités

Sur le même sujet