Etat de siège: Félix Tshisekedi très attendu !

Kinshasa, 30 août 2023(ACP).- Comme un calme qui annonce la tempête. Trois jours d’échange, du 14 au 16 août 2023, et des cogitations ont eu lieu, au Palais du Peuple, autour de la thématique de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Après tumultes et pressions, il s’agissait, entre bilan et perspectives, de départager les partisans du maintien et ceux de la levée de cette mesure pour mieux tracer le chemin de l’avenir. 

La mise en commun a fait l’objet d’un rapport ad hoc déposé auprès du chef de l’Etat par la Premier ministre, chef du gouvernement, Sama Lukonde Kyenge. 

Malgré des oppositions souvent houleuses, tout le monde a en effet admis qu’il revenait au chef de l’Etat, en tant que garant de la nation et du bon fonctionnement des institutions, de lever l’option définitive susceptible d’engager toutes les énergies du pays dans la même direction.

 D’autant plus que l’ensemble des forces vives concernées par la réflexion avaient admis, pour une analyse objective, la nécessité et l’urgence de mettre face à face les avantages et les inconvénients de l’état de siège, d’identifier les positions vraies ou feintes des acteurs réels concernés…

Le constat implacable effectué par tous les protagonistes est que ces acteurs résident de manière générale au sein de la population qui a du coup payé le tribut le plus lourd, dans sa chair et son sang. On a parlé des milliers des morts, blessés et violés, mais aussi des déplacés internes se comptant par millions. 

Constat sous-jacent : c’est au sein de la même population que se comptent malheureusement, à la fois les financiers, les recruteurs et les miliciens, à l’instar notamment de la CODECO, de certaines ailes des ADF par exemple, dans l’Ituri. Mais aussi des supplétifs de plusieurs groupes armés s’illustrant par des tueries, des pillages, des viols, des trafics illégaux des matières premières, dans le Nord-Kivu.

Le Rwanda principal bénéficiaire de l’insécurité

Si le Rwanda, selon plusieurs rapports, est devenu exportateur net de coltan par exemple, c’est certes en raison de multiples agressions que ce pays commandite et organise dans l’Est de la RDC. Mais aussi et surtout de l’existence de plusieurs colonnes de collaborateurs souvent recrutés dans la population locale. 

Selon un rapport de l’Agence Ecofin daté de juillet 2022, se faisant l’écho d’une enquête de Global Witness, 90 %  des quantités de coltan, d’étain et de tungstène (3T) exportées par le Rwanda étaient introduites à partir de la RDC.

 Selon le même rapport, le Rwanda était devenu durant la période de 2013 à 2016 le premier exportateur mondial du coltan, alors qu’il ne dispose que d’un gisement résiduel de ce minerai très prisé dans le cadre de la transition énergétique. Il en est de même pour l’or, la cassitérite, le tungstène. 

« Le Rwanda qui ne possède pas une seule mine de coltan ou de tantale est devenu, en quelques années respectivement le 1er et le 3ème exportateur mondial de ces minerais de sang » indiquait pour sa part une enquête de radiofrance datée d’août 2022.

L’Ouganda voisin est aussi tristement  cité dans l’aventure du mouvement terroriste du M23 et des trafics qui lui sont liés, affichant des statistiques tout aussi surprenantes de production des minerais de la fraude.

 Enfin, plusieurs députés nationaux comme provinciaux, ainsi que de nombreuses autorités civiles provinciales ont été pointés du doigt dans divers recrutements et trafics, y compris des armes, officiellement sous la bannière de l’autodéfense mais très souvent pour protéger leurs domaines et couvrir les réseaux criminels.

De nombreux pourfendeurs

On comprend donc pourquoi et comment c’est dans les rangs de ces officiels que se recrutent, au bénéfice de leurs intérêts, les principaux pourfendeurs de l’état de siège, de même que parmi certains mouvements de la société civile financés par les multinationales opérant dans la zone sous diverses couvertures. 

On les a vus récemment se donner en spectacle lors des assises de la Table Ronde pour réclamer à cors et à cris la fin de l’état de siège.

La plus virulente parmi les Ong opposées à l’état de siège se trouve être Amnesty International, dont le leitmotiv se décline ainsi : « l’état de siège est illégal et contribue à aggraver la situation des droits humains dans le pays ».

Pour l’Ong, bien que prorogé près de 60 fois, l’état de siège n’a pas réussi à prévenir « les attaques croissantes contre les populations civiles ». Complémentairement,  le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en RDC estime pour sa part que « l’armée est en fait responsable de graves violations des droits humains ».

Toutes ces critiques ont été reprises, peu ou prou, par plusieurs acteurs politiques, notamment du Nord-Kivu, dont on dit qu’ils ont vu leurs intérêts vaciller après la mise en place de la mesure. Le cas le plus emblématique est celui de l’ancien gouverneur du Nord-Kivu et actuel ministre national de l’industrie, Julien Paluku. Ce dernier déplore le fait qu’il y ait déjà eu, par exemple, trois évaluations de l’état de siège qui n’ont toujours pas permis de  modifier significativement la dynamique sécuritaire dans la zone.

Selon le leader du parti Bloc Uni pour la Renaissance du Congo (BUREC), dont la voix n’a pas cessé de résonner dans les allées du palais du peuple lors des assises, il n’y a pas d’autres voies que la levée de l’état de siège, ce qui devrait lui permettre, insinuent certains observateurs, de retrouver le poste de gouverneur de province qu’occupait son parti avant l’état de siège et à ses partisans de reprendre leurs divers trafics. La vérité est que Julien Paluku et son parti ne sont pas les seuls dans cette démarche.

Des avantages à consolider

En revanche, pour ce qui est des avantages de l’état de siège, plusieurs rapports, proches des sources gouvernementales, ont mis en exergue la diminution du nombre de groupes armés, que le Groupe d’études sur le Congo (GEC, Université de New York) chiffrait à plus de 120 avant l’état de siège et qui se réduisent aujourd’hui à quelques  milices résiduelles au fur et à mesure que la capacité de nuisance du Rwanda est en train de baisser du fait de la réorganisation de l’armée congolaise et de la montée en puissance des Fardc.  

On estime, par ailleurs, que sous le régime de l’état de siège dans l’Ituri et le Nord-Kivu, les recettes de l’état engrangées dans les deux provinces ont significativement augmenté de plus de 30%.  Ce qui reste considérable, certes, mais requiert en même temps des efforts additionnels pour poursuivre et amplifier l’avantage.

L’appel de Félix Tshisekedi

C’est dans ce cadre qu’il faut situer l’appel lancé par le président de la République lui-même à l’ouverture des travaux de la Table Ronde, définissant le contexte dans lequel cette mesure avait vu le jour et s’était imposée comme réponse structurelle.

« La situation exceptionnelle dans la partie orientale de notre pays, caractérisée par une insécurité persistante qui sévit depuis trois décennies avec une menace certaine  sur la souveraineté nationale et le fonctionnement régulier des institutions, m’imposait de proclamer l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu », avait indiqué le Chef de l’Etat à l’ouverture des travaux.

Le Président de la République avait, dans la foulée, demandé aux participants de faire preuve de responsabilité dans la lecture des événements et la proposition des solutions cohérentes à mettre en œuvre pour sortir d’une situation très embarrassante aussi bien pour les dirigeants que pour la population payant chaque jour un tribut très lourd.

« Je suis conscient de ce que ce régime voulu exceptionnel par le constituant n’a pas vocation à s’éterniser. Je vous demande de bien vouloir prendre la mesure, la vraie, de la situation tout en appelant au sens élevé de votre responsabilité car il en va de la survie de la nation », avait martelé Félix Tshisekedi Tshilombo.

Un exercice périlleux

En d’autres termes, le chef de l’Etat ne détient pas une solution magique qui puisse rencontrer les attentes des uns et des autres et surtout résorber la crise qui continue de sévir sur le terrain. Il est surtout vrai, quoi qu’il fasse ou qu’il dise, que des mécontents se manifesteront ,dans un cas de figure comme dans l’autre, pour remettre en cause l’option levée, dès lors que celle-ci ne rencontre pas leurs attentes.

Bref, c’est peu de dire que Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo se trouve, dans le cas d’espèce,  entre le marteau et l’enclume.  Mais ce qui est tout aussi indiscutable à ce stade, c’est que dans un cas comme dans l’autre, la réflexion du Chef de l’Etat cherchera à capitaliser les avantages de l’augmentation des recettes de l’Etat et de la réduction de l’insécurité sur le territoire des deux provinces, telles qu’elles devraient se dégager des conclusions du rapport  présenté par le Premier ministre Sama Lukonde Kyenge. 

Un autre facteur qui risque de peser de manière déterminante dans la réflexion du Chef de l’Etat sera, incontestablement, la sécurisation du processus électoral arrivé à son stade critique et menacé par l’activisme de certains compatriotes et leurs relais dans les salons politiques et diplomatiques. 

Le Président de la République, qui s’est engagé à réussir l’organisation des élections dans le délai constitutionnel, mettra sans doute un point d’honneur à garantir la sécurisation du processus électoral. Ce qui impliquerait le renforcement des mesures sécuritaires de manière encore plus drastique, pour prévenir tout dérapage dans le cadre de l’état de siège, mais aussi de manière générale dans celui du contexte électoral.

 Il revient donc au Chef de l’Etat d’apprécier et de décider en dernier ressort.  Y compris en mettant à contribution les chambres parlementaires, pour plus de légitimité.

ACP/

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