Kinshasa, 04 mai 2025 (ACP).- Un appel au financement des films documentaires a été lancé samedi au gouvernement de la République démocratique du Congo, pour son implication dans la préservation de la mémoire collective, lors d’une discussion organisée autour de la projection du film « La Miséricorde de la Jungle« , à l’Institut français de Kinshasa.
« C’est donc une occasion de lancer un appel aux autorités pour qu’elles prennent réellement le cinéma au sérieux. Ce n’est pas un domaine à négliger. Un film documentaire est consistant, impacte, et laisse une empreinte durable. Il est crucial que nous participions à la construction de notre propre narratif. Et pour cela, il faut financer ce cinéma », a déclaré Okoko Nyumbaiza, cinéaste congolais, dans son commentaire sur ledit film, inspiré de la « Deuxième Guerre du Congo » (1998-2002), conflit impliquant plus d’une trentaine de groupes armés africains sur le territoire congolais.
« On sous-estime souvent le rôle du réalisateur. Pourtant, c’est lui qui peut toucher un million de personnes avec une seule œuvre. Ce n’est pas n’importe qui. Si vous ne financez pas des réalisateurs pour qu’ils produisent des œuvres qui servent la mémoire collective, la cohésion et les objectifs politiques nationaux, d’autres vont imposer leur vision, manipuler les faits et produire des récits qui ne nous ressemblent pas », a-t-il ajouté, soulignant que ce genre de films est aussi une forme de thérapie, permettant d’offrir un narratif cohérent dans l’interprétation des faits historiques.
La projection de La Miséricorde de «la Jungle» permet de découvrir le narratif extérieur sur les atrocités en RDC.
Bien avant cette discussion, articulée comme un commentaire collectif autour de cette œuvre du réalisateur rwandais Joël Karekezi, le cinéaste congolais Okoko Nyumbaiza a fait remarquer que la projection de ce film d’une durée d’une heure et trente minutes au public congolais a été une manière de découvrir le narratif extérieur et d’éclairer la lanterne sur les intentions des uns et des autres concernant les atrocités dans l’est de la RDC.
« J’ai eu l’occasion de l’analyser et tout le monde a compris que le narratif du film reflète clairement le point de vue rwandais. Il ne correspond en rien à la vision congolaise de la guerre. Mais cela restait essentiel, car il faut aussi observer ce que font les autres, ce que font, on peut dire, nos ennemis, et ce qu’ils proposent comme narration. Cela permet, bien entendu, de comprendre leurs intentions, qu’elles soient politiques ou populaires », a-t-il affirmé.
« On se demande quelle mémoire nous devons conserver. Est-ce la mémoire que l’on a conditionnée ? Est-ce la mémoire dont nous-mêmes sommes les acteurs, dont nous sommes les sujets principaux (…) », s’est pour sa part interrogé Mwalimu Bahati, producteur de cinéma, affirmant que la préservation de la mémoire collective en RDC passe également par la redéfinition de l’histoire et la révision du système éducatif.
Évoquant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2002), La Miséricorde de la Jungle de Joël Karekezi a remporté l’Étalon d’or de Yennenga au FESPACO 2019. Ce film, primé aussi à Chicago (Silver Hugo 2018) et au Panafrican Film Festival (2020), retrace la complexité de la plus grande guerre interétatique de l’Afrique contemporaine, dont les hostilités ont connu la participation de plus de trente groupes armés africains. ACP/C.L.