La rumba congolaise : des sites mythiques ouvrent les portes à des études économiques prospectives (Par Arthur Kayumba)

Kinshasa, 30 décembre 2021 (ACP).- La construction d’un musée de la rumba congolaise et d’un mausolée pour Papa Wemba, son « roi » constitue l’espoir de faire de même pour son « Père » (Joseph Athanase Kabasele), son « Seigneur » ( Pascal Sinamoyi Tabu Ley) et son « Grand maître », Luambo Makiadi Franco, soutiennent les membres de l’équipe qui a travaillé avec le directeur général de l’Institut national des arts (INA), le Pr André Yoka Lye Mudaba, pour  l’inscription de la Rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’UNESCO.

Ils affirment que cela contribuerait à accroître l’attractivité de Kinshasa, la capitale, cette ville des fêtes élevée par l’UNESCO au rang de mégapole créative.

Ces sommités de la culture et des arts, dans une réflexion sur le rapport entre le riche patrimoine immatériel qu’est la rumba congolaise et les possibilités de promotion du tourisme national, estiment qu’à travers les potentialités que représentent certains sites mythiques (Matonge, village Molokai, bar Vis-à-Vis, Café Rio, Nganda au bout du quartier, Chez yaMposa, Ma Elika…), on peut ouvrir à des études économiques prospectives.

Tout est parti avec le décès du chanteur Papa Wemba qui a remis à l’ordre du jour la question de la patrimonialisation de la rumba congolaise dont Kinshasa demeure le lieu d’expression par excellence.

La particularité de cette musique est qu’elle se donne à lire comme un puissant facteur d’identité, d’identification et de transformation de la société congolaise dont elle reflète autant qu’elle en constitue le produit.

Comme terme générique ou concept par lequel l’on désigne des variantes de styles et rythmes qui caractérisent la musique populaire urbaine en République démocratique du Congo (RDC), la rumba constitue une synthèse de quatre foyers musicaux : ouest-africain, afro-cubain, occidental et congolais (traditions ethnico-nationales).

 Elle a connu une évolution fulgurante qui charrie une riche histoire marquée par des visages iconiques, une pléthore d’ensembles musicaux, de styles divers, d’écritures diversifiées, de danses de plus en plus innovantes.

Entre continuités et ruptures, des harmoniques remarquablement soutenues par des inventions linguistiques enrichissent le fonds lexical des langues congolaises, le français et le lingala mis en exergue, notamment. Ainsi, la rumba congolaise est un trésor du patrimoine immatériel d’autant plus important qu’elle est une poïétique, voire une mythopoïesis qui concourt à la construction d’une identité narrative.

Les contributions de la rumba congolaise explorées sur de nombreuses pistes

La musique comme pratique professionnelle, sous-entend aborder la question du salariat, du marché de l’emploi musical, de l’inscription sociale et des conditions matérielles des artistes congolais (droit d’auteur, protection de la propriété intellectuelle, contrat de production). Des études critiques comparatives sur l’organisation, la gestion ou le management des groupes musicaux en tant qu’entreprises de production des services et des biens symboliques des années 1950 à ces jours se révèlent suggestives.

C’’est aussi dans cette perspective que l’articulation abordée entre musique et politique, a amené à  thématiser les diverses formes de modalisation politique de la rumba congolaise, sa participation à la construction du nationalisme et du militantisme à l’époque du mobutisme et de l’authenticité,  l’instrumentalisation des vedettes musicales au service des idéologies politiques après 1990 ; la production marginale d’une musique antigouvernementale, l’exercice du pouvoir au sein des groupes musicaux, la dynamisation de l’opinion publique par une musique tant religieuse que profane charriant des significations ou des intentions politiques.

La richesse esthétique de la musique congolaise est développée dans ses rapports avec le protocole du corps. L’imagination dans la création des danses (danses folkloriques, ludiques, comiques ou subversives) et la sémiologie de ces dernières, avec sa part d’imprévisible et de spontanéité qui ont contribué à la créativité et la technicité des artistes congolais.

Les deux Congo en fête, pour la victoire de la rumba dans les mutations de l’histoire africaine

Les deux Congo se réjouissent parce qu’avec la traite négrière, les africains ayant emmené dans les Amériques leur culture et leur musique, ils les retrouvent sous d’autres formes et dimensions honorifiques.Lesafricains ont fabriqué en ce temps leurs instruments, rudimentaires au début, plus sophistiqués ensuite, pour donner naissance au jazz au nord et à la rumba au sud.

Cette musique a été ramenée en Afrique autour du Pool Malebo, la boucle du fleuve Congo par les commerçants grecs et européens, avec des disques et des guitares. Et dans leur bagage, le premier tube congolais, « Marie Louise », signé Antoine WendoKolosoy (1925­-2008), alors jeune mécanicien sur les bateaux, et édité en 1948 par les éditions Ngoma.

À cette époque, cette partie du continent africain se distinguait par le fait que la musique n’était pas seulement réservée aux griots ou lignées de musiciens. Tout le monde avait donc le droit de chanter, de jouer d’un instrument.

La particularité de la rumba congolaise

La rumba dans sa version moderne a une centaine d’années. Entre-temps, elle a rencontré la rumba cubaine des années 1930, la musique caribéenne, latine et afro-américaine, avant de s’émanciper dans les années 1940. Sa rythmique très particulière est basée sur l’ostinato, c’est-à-dire des phrases qui tournent en boucle. Avec deux instruments de base : la guitare et la basse. La philosophie de la rumba congolaise repose sur ce passage des polyrythmies, autour des tambours et des percussions, vers la guitare et la basse.

C’est une musique des villes et des bars, de rencontre des cultures et de nostalgie, de « résistance et de résilience », de « partage du plaisir aussi », avec son mode de vie et ses codes vestimentaires (« la sape »), explique le Pr André YokaLye, directeur général de l’Institut national des arts (INA). Pour lui, la rumba est « tentaculaire, présente dans tous les domaines de la vie nationale ». Elle est marquée par l’histoire politique des deux Congos, avant et après l’indépendance. Elle devient majoritaire, populaire dans toute l’Afrique subsaharienne, via la radio.

Au-delà des deux Congo, la rumba occupe une place de choix sur tout le continent, puisqu’elle a connu son apogée dans l’ébullition sociale, politique et culturelle précédant les indépendances africaines. Porté par la figure cardinale de Joseph Kabaselé Tshamala alias Grand Kallé (1930-1983), l’un des pères fondateurs de la rumba congolaise, leader de l’African Jazz.

C’est lui qui a fait entrer la musique congolaise dans la modernité en faisant la jonction avec les autres musiques noires de chaque côté de l’Atlantique. Il crée avec Tabu Ley Rochereau une nouvelle manière de faire de la musique en groupe plutôt qu’individuellement, c’est le début des orchestres, cette tradition va éclore partout sur le continent.

Et sa rumba va prendre une dimension plus importante encore, avec une veine mélancolique marquée par des mélodies plus lentes, des textes en lingala qui évoquent la vie réelle des Congolais qui traversent comme tous les autres des moments de ruptures, qui rencontrent l’amour, font face à des injustices ou veulent tout simplement rester debout, lutter. C’est fortement marqué par le contexte politique de l’époque et grâce à son instruction que Grand Kallé va d’abord créer son propre label et convaincre des politiques à s’intéresser à ce que font les musiciens du pays. ACP/Kayu/RNL/NKV/MNI/SGB

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