Kinshasa, 28 octobre 2024 (ACP).- Des actes de violences à l’encontre des femmes en milieu universitaire ont été dénoncés lundi par l’Association des femmes professeures d’université en République démocratique du Congo dénommée «Cercle Sophie Kanza (CSK)», a appris l’ACP, d’un communiqué.
«Nous, membres du «Cercle Sophie Kanza (CSK)», prenons position et dénonçons les violences faites aux femmes en milieu universitaire suite à un événement produit dernièrement à l’Institut des sciences et techniques médicales de Bukavu dans la province du Sud- Kivu et dont un article intitulé «ISTM Bukavu : un cas de violence physique contre une femme au cœur de l’implosion dans cette institution» a été paru le 11 octobre dernier dans le Journal BKInfo», a-t-on lu dans le communiqué.
Cette dénomination a été faite par. les professeures, femmes, chefs d’établissements de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) .
Il s’agit de la présidente du CSK, des rectrices de l’Université pédagogique nationale (Upn), de l’Université du Cepromad(UNIC), de l’Université Notre Dame du Kasayi et de l’Université évangélique en Afrique ainsi que les directrices générales de l’Institut supérieur des techniques médicales de Kinshasa (ISTM -Kinshasa ),, de l’Institut supérieur pédagogique de la Gombe à Kinshasa (ISP-Gombe), de l’Institut supérieur des arts et métiers (ISAM -Kinshasa ) ,de l’Institut supérieur des techniques médicales de Beni (ISTM -Beni ) et la coordinatrice de BEBUC .
En effet, les violences faites à l’égard des femmes en milieu universitaire sont une réalité trop longtemps occultée en République démocratique du Congo (RDC). Ces violences, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou morales, sont commises souvent dans des contextes où les victimes se trouvent en position de vulnérabilité.
Malheureusement, dans les universités et autres institutions d’enseignement, ces abus sont souvent minimisés, passés sous silence ou même normalisés, créant un environnement hostile à l’épanouissement des étudiantes.
Cet article du CSK vise à dénoncer ces violences et à appeler les autorités académiques et gouvernementales à prendre des mesures concrètes pour protéger les femmes dans ces espaces. La nature des violences en milieu universitaire, selon la source, prend diverses formes, allant des commentaires sexistes aux agressions physiques ou sexuelles.
Ces violences peuvent être perpétrées par des professeurs, des membres du personnel, ou même des pairs. Parmi les formes les plus courantes, on retrouve : le harcèlement sexuel : propositions déplacées, avances non désirées, commentaires à connotation sexuelle, ou chantage sexuel en échange de bonnes notes.
Les discriminations sexistes sont multiples, notamment le traitement illégal entre hommes et femmes, les stéréotypes de genre marginalisant les femmes dans certaines disciplines, l’exclusion des femmes des postes de responsabilité.
L’abus de pouvoir se caractérise par l’exploitation des étudiantes par des personnes en position de pouvoir, le chantage pour l’obtention de diplômes ou le contrôle moral ou sexuel imposé. Les violences psychologiques sont diverses : la dévalorisation des compétences des femmes, les humiliations publiques, la minimisation de leurs efforts ou contributions académiques.
Les conséquences sur les victimes sont dévastatrices, tant sur le plan mental que physique. Elles affectent non seulement la santé des victimes, mais également leur parcours académique et professionnel. Parmi les effets les plus notables, on observe, selon les femmes professeures d’université, le décrochage académique. Certaines victimes abandonnent leurs études, incapables de continuer dans un environnement toxique, compromettant ainsi leur avenir professionnel.
Il y a également l’isolement .Par peur de ne pas être crues ou par crainte de représailles, les victimes s’isolent, accentuant leur vulnérabilité. Les troubles psychologiques quant à eux se manifestent par l’anxiété, la dépression, le stress post-traumatique, et la perte de confiance en soi sont des conséquences fréquentes. Le ralentissement des carrières figure parmi les violences. Il se manifeste par le manque de soutien et de mentorat ainsi que l’absence de protection qui peuvent empêcher les femmes de réaliser leur plein potentiel académique et professionnel.
Silence complice des institutions académiques
Le Cercle Sophie Kanza a également dénoncé le silence coupable des institutions académiques, malgré leur rôle de formation de l’élite intellectuelle et morale de la société. Pour le CSK, les institutions académiques sont souvent complices par leur inaction face à ces violences. Les plaintes des victimes sont rarement prises au sérieux, et lorsqu’elles les sont, elles aboutissent rarement à des sanctions à l’encontre des auteurs.
Plusieurs facteurs expliquent ce silence coupable, selon cette source. Il s’agit de la peur du scandale. Les institutions, soucieuses de préserver leur réputation, préfèrent étouffer les affaires de violences pour éviter de ternir leur image. Le manque de mécanismes de plainte efficaces, car souvent les victimes n’ont aucun recours fiable. Il n’existe pas de structures indépendantes et confidentielles pour traiter les plaintes, ce qui décourage les femmes de dénoncer les abus.
«La culture du silence» est une autre violence. Dans de nombreux milieux académiques, dénoncer les violences est perçu comme une trahison envers l’institution, et les victimes sont ostracisées au lieu d’être soutenues.
Au regard de rôle des autorités compétentes face à cette situation alarmante, il est impératif que les autorités académiques et gouvernementales agissent rapidement et avec détermination pour mettre fin à ces abus, ont relevé les professeures.
Proposition des mesures concrètes à prendre par les institutions académiques
Le Cercle Sophie Kanza a proposé quelques mesures concrètes que les institutions peuvent et doivent mettre en place. Il s’agit d’adopter une politique de «tolérance zéro» que chaque établissement d’enseignement supérieur doit établir. Au fait, les institutions académiques doivent appliquer des politiques strictes contre le harcèlement et les violences sexistes.
Ces politiques doivent être clairement communiquées et rigoureusement appliquées. Autre recommandation : Créer des mécanismes de signalement et de soutien. Le Cercle Sophie Kanza estime que les universités doivent mettre en place des cellules d’écoute et de soutien indépendantes, accessibles et confidentielles, pour accompagner les victimes et enquêter sur les cas de violences.
Pour ce faire le CSK recommande également la formation et la sensibilisation des acteurs du milieu académique. Cette structure plaide pour les formations obligatoires sur le genre, le respect et l’égalité à l’attention des enseignants, du personnel administratif, ainsi que des étudiants, avec des modules sur la prévention des violences. Elle invite les femmes professeures d’université à assurer une plus grande inclusion des femmes dans les instances décisionnelles.
Le CSK exige que les femmes soient présentes dans les organes de gouvernance académiques et participent activement à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques visant à lutter contre les violences et discriminations.
Le Cercle Sophie Kanza recommande de renforcer les sanctions contre les auteurs de violences faites aux femmes. Pour cette structure, les sanctions doivent être dissuasives, allant de la suspension au licenciement, et dans les cas les plus graves, inclure des poursuites judiciaires.
Le CSK rappelle qu’au cours des états généraux de l’enseignement supérieur et universitaire tenus en septembre 2021 à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga, la violence à l’égard des femmes et des hommes avait été identifiée parmi les antivaleurs des établissements d’enseignement supérieur en RDC.
À cette occasion, plusieurs résolutions avaient été prises. Il s’est agi, entre autres, de l’adoption d’une charte d’éthique et d’une charte de qualité, de la création d’un comité d’éthique et de vigilance dans chaque établissement/faculté/section, et de renforcement des mécanismes de lutte contre les antivaleurs. Les participants à ces travaux avaient aussi formulé des recommandations sur la lutte contre le harcèlement moral et sexuel, le monnayage des points, le tribalisme, et le clientélisme. Ils avaient exigé aussi la révocation de toute personne reconnue coupable par la commission d’éthique.
Soutien des efforts de la ministre de l’ESU pour instaurer un environnement sain
Le CSK a exprimé son soutien à la ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire, Professeure Marie-Thérèse Sombo Ayanne Safi Mukuna, pour ses efforts dans l’instauration d’un environnement universitaire «éthique» et «sain», particulièrement en faveur des femmes, qu’elles soient de l’administration, étudiantes, assistantes, cheffes de travaux ou professeures.
Les violences à l’encontre des femmes en milieu universitaire constituent une entrave majeure à l’égalité des chances et à leur épanouissement. Il revient aux autorités compétentes de prendre des mesures adéquates pour éradiquer ce fléau.
La protection des femmes dans les établissements académiques est une responsabilité collective. Seule une action concertée et résolue permettra de mettre fin à l’impunité et d’assurer un environnement d’apprentissage sain et respectueux pour toutes et tous.
Fort des diverses compétences en son sein, le CSJK se positionne comme un organe consultatif dédié à l’écoute des femmes et à la rupture du silence entourant le harcèlement et les violences de genre. Soucieux de cet engagement, le CSK se met à la disposition de toutes les instances pour collaborer et œuvrer pour l’épanouissement harmonieux des femmes dans les sphères socio-professionnelles. ACP/