Le débat sur l’avenir de l’école en RDC devient urgent, selon un expert en éducation

Kinshasa, 25 janv. 2021 (ACP) Le débat sur l’avenir de l’éducation en RDC devient urgent, a indiqué M. Mabiala Ma-Umba, enseignant-chercheur, expert en éducation et en communication pour le changement social et de comportement, à l’occasion de la Journée internationale de l’éducation célébrée le 24 janvier de chaque année.

Selon lui, la célébration de cette journée se tient à un moment où, en RDC comme dans beaucoup d’autres pays du monde,  les écoles, les universités et les instituts d’enseignement supérieur sont temporairement fermés à cause de la crise sanitaire due à la pandémie de Coronavirus. C’est donc à juste titre que cette Journée a été placée cette année, par les Nations Unies, sous le thème : « Relancer et redynamiser l’éducation pour la génération COVID-19 ».

Cette pandémie, a-t-il fait remarquer, est un coup dur non seulement sur le plan humain et sanitaire mais aussi sur le plan économique et social. Elle a, en effet, amplifié les inégalités sociales, économiques et numériques. Parallèlement, comme le souligne l’UNESCO, cette pandémie a « mis en évidence la capacité des systèmes à innover  et a fait ressortir l’immense valeur que revêt l’éducation pour les apprenants, les familles et les communautés ».

La célébration de cette journée, selon cet ancien directeur « Education & Jeunesse » à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), est donc une opportunité pour s’interroger sur les points forts et les faiblesses du système éducatif congolais, ainsi que sur les mesures urgentes à prendre afin de redresser la  situation.

Aujourd’hui, alors que beaucoup de parents, les organisations de la société civile et internationales comme l’UNICEF plaident pour la réouverture des écoles, il devient urgent de lancer le débat sur l’avenir de l’école. À la lumière de principaux défis auxquels le système éducatif congolais est confronté. Comment réformer l’Ecole en RDC ?

Des reformes pour faciliter la gratuité de l’enseignement de base

 En RDC, a-t-il dit, la mesure de gratuité de l’enseignement de base prise par le Chef de l’Etat est salutaire mais elle n’est pas suffisante. Pour que cette mesure produise les effets escomptés, il est crucial de prendre en compte, dans une vision holistique, les défis majeurs auxquels le système éducatif congolais est confronté et d’amorcer des réformes courageuses pour refonder le système éducatif congolais et  l’adapter aux réalités du 21ème siècle.

 A ce propos, il a inventorié quelques défis principaux, à savoir : la croissance démographique avec le nombre  d’enfants à scolariser qui ne va pas cesser d’augmenter. A ce jour, le nombre d’enfants scolarisables âgés de 6 à 11 ans est estimé à environ 15,5 millions et en 2030, c’est-à-dire en l’espace de dix ans, elle sera d’environ 19,7 millions.

 Il a noté également que chaque année des millions d’enfants et de jeunes quittent l’école sans qualifications.

 En effet dans plusieurs provinces, le taux d’élèves qui terminent leurs études  est en dessous de la moyenne nationale qui se situe autour de 31,1%. Le cas spécifique des filles mérite une attention particulière : les jeunes filles abandonnent massivement  les études à la fin de l’école primaire et durant les premières années du cycle secondaire, à cause des mariages précoces et des grossesses précoces et non désirées dont sont victimes 12% des filles de moins de 15 ans et 39% pour la tranche  d’âge de 15 à 19 ans.

Il a noté, en outre, que des tests administrés en 2017-2018 à environ 11.500 garçons  âgés de 7 à 14 ans et à 10.700 filles sur l’ensemble de la RDC ont montré l’ampleur du drame en ce qui concerne la qualité des apprentissages : à peine 15,7% des garçons et 15,2% des filles ont été capables de lire correctement un texte simple écrit en français.

En milieu rural, les résultats sont plus dramatiques : à peine 9,1% des garçons et 6,5% des filles ont été capables de démontrer des compétences de base en lecture, en français, avant de conclure que la qualité de l’éducation laisse à désirer surtout, à cause de la qualification des enseignants mal formés.

M. Mabiala a relevé également une gestion calamiteuse du secteur de l’éducation avec des enseignants fictifs et des détournements massifs. Il n’est un secret pour personne que le système éducatif congolais est en proie à un gaspillage inacceptable des ressources.

Des pistes de solution pour assainir le système éducatif

Face au « diagnostic désastreux  du système éducatif congolais », M Mabiala préconise que des dispositions urgentes soient prises pour assainir la gestion du système éducatif national, de sorte que les ressources disponibles, y compris les ressources humaines et les infrastructures scolaires, soient utilisées à bon escient. Il est urgent d’accélérer la construction de nouvelles écoles, de nouvelles salles de classe et, surtout la formation et le recrutement de nouveaux enseignants.

Dans cette perspective, a-t-il poursui, une taxe spéciale de solidarité pour l’éducation s’avère nécessaire afin d’accroitre le financement interne de l’éducation, non seulement pour permettre à un grand nombre d’enfants d’avoir accès à l’école (et notamment étendre la mesure de gratuité au niveau secondaire) mais aussi pour investir dans la qualité.

Envisager un système  éducatif qui rend facultatif le chemin de l’Université

Par rapport à l’inadaptation du système éducatif, il recommande de repenser le modèle du système actuel. Pour lui, avec la croissance démographique actuelle et les tendances qui se dessinent pour les 30 prochaines années, il est clair que la RDC n’aura pas les moyens d’accueillir tous les jeunes à l’Université.  C’est dans cette perspective qu’il convient de repenser la finalité de l’école secondaire et de lever l’option de privilégier l’enseignement professionnel et technique, en s’inspirant des modèles qui ont fait leurs preuves  dans d’autres pays.

Cet expert en éducation estime que le numérique constitue aujourd’hui un outil incontournable qui pourrait aider à soutenir les efforts en matière d’éducation des enfants et des jeunes. C’est donc une opportunité à saisir pour lancer des initiatives de partenariat public-privé afin de révolutionner les modalités d’enseignement et d’apprentissage, former les enseignants  mais aussi améliorer la gestion du système éducatif. L’avenir de l’Ecole en RDC reste donc un sujet autour duquel il y a, plus que jamais, urgence de forger «  l’Union Sacrée de la Nation », conclut-il. ACP/kayu

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