Kinshasa, 22 novembre 2021 (ACP).- Le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a enjoint le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde de créer une Commission nationale de politique commune sur le rapatriement du patrimoine culturel congolais, dans sa communication lors de la 29ème réunion du Conseil des ministres, qu’il a présidé vendredi, par visioconférence.
Le porte-parole du gouvernement, le ministre de la Communication et des médias, Patrick Muyaya Katembwe, qui l’a indiqué dans son compte-rendu, a insisté sur la nécessité de voir ce processus de rapatriement se libérer de toute passion et s’inscrire sur une nouvelle politique culturelle fondée sur le respect mutuel.
Fort du thème de son mandat à l’Union Africaine, le Président de la République a souligné l’opportunité d’aborder la question du recouvrement de notre patrimoine, notamment avec le Musée Royal d’Afrique Centrale de Tervuren, qui regorge une grande quantité d’une valeur inestimable de nos plus belles œuvres.
«Le retour de ces œuvres redonnerait non seulement aux Congolais mais aussi aux Africains l’affirmation de leurs identités. Il encouragera la compréhension mutuelle et permettra d’animer un dialogue interculturel et intergénérationnel », a-t-il indiqué, tout en saluant la coopération des autorités Belges.
Pour le Chef de l’Etat, cette commission devrait inclure toutes les parties prenantes, notamment : les ministères impliqués, des experts, des scientifiques, des chefs coutumiers, des autorités traditionnelles, monarques, etc. l’objectif étant de mener des discussions approfondies sur la mise en œuvre d’une politique nationale cohérente sur la stratégie du rapatriement et les préalables requis pour la réussite d’une réappropriation et valorisation de notre patrimoine.
La RDC a choisi comme thème : « Art, culture et patrimoine : Leviers pour construire l’Afrique que nous voulons », pour sa présidence tournante de l’Union africain (UA), suscitant la question du patrimoine africain acheminé en masse vers l’Europe lors de la période coloniale. La Belgique déposera début 2022 un projet de loi pour amorcer une restitution.
Un grand pas vers la restitution des objets spoliés
La Belgique fait un grand pas en avant dans la restitution des objets spoliés durant la période coloniale. Les Belges ne veulent plus des objets qui ont été acquis de manière violente.
Dans une déclaration publiée le 20 juillet 2021, dans « l’Echo », sous le titre « L’heure de la restitution d’objets spoliés au Congo est venue », le secrétaire d’État PS Thomas Dermine, a affirmé : « les objets acquis par nos ancêtres de façon illégitime ne nous appartiennent pas. Ils ne sont pas à nous. Ils appartiennent au peuple congolais ».
Les autorités belges, de leur côté, ont déjà largement entamé le mouvement. Pour l’instant, tous les objets sont petit à petit recensés et identifiés, et en fonction de leur provenance ils seront automatiquement éligibles pour une restitution.
Le gouvernement belge compte déposer, début 2022, un projet de loi pour rendre automatiques les restitutions d’objets africains : un nombre considérable sera déclassé et ne fera plus partie du patrimoine inaliénable du royaume.
Il y a des œuvres acquises de manière légitime, et dans ce cas, elles peuvent rester en Belgique et celles obtenues de manière violente, lors d’un pillage par exemple. Désormais, la Belgique rend ces œuvres directement disponibles à la RDC.
«Dès qu’on a déterminé que cela a été acquis de manière illégitime, la propriété de cette pièce revient tout de suite au gouvernement congolais, souligne Guido Gryseels, directeur général du Musée royal de l’Afrique centrale, la plus vaste collection d’art africain en Europe.
Ensuite, c’est au gouvernement congolais de décider si la pièce reste ici ou si elle doit être rendue au Congo, et quand elle reste ici, sous quelles conditions. Mais c’est au Congo de déterminer cela. On ne veut pas imposer des critères ou des conditions pour rendre une pièce. C’est entièrement au Congo de décider cela ».
Selon des sources crédibles, 85. 000 objets congolais peuplent les collections de «l’Africa Museum » à Tervuren, aux portes de Bruxelles. Naguère « Musée royal d’Afrique centrale », c’est l’ancien « Palais des Colonies » lancé en 1897 par le roi Léopold II, le monarque à l’origine de la colonisation.
Il y a trois pays dans le passé colonial belge, le Congo-Kinshasa à partir de 1885, et le double protectorat du Rwanda-Urundi après la défaite allemande de 1918. Mais c’est surtout de la RDC que proviennent l’immense majorité des œuvres présentes dans le royaume.
Près de la moitié, soit 35 000 à 40 000 de ces objets pourraient au bout du compte se retrouver éligibles pour une restitution au Congo. Le plus facile sera pour les objets dont la provenance est clairement douteuse : par exemple, les objets acquis avec des méthodes déjà illégales à l’époque coloniale comme « pillage, prise d’otage ou profanation ». On commence ici à avoir une première évaluation mais 1 500 à 2 000 pièces sont d’ores et déjà considérées comme mal acquises selon ce premier critère.
Le patrimoine devra revenir de Belgique mais de manière organisée. Il devrait y avoir d’abord un effort destiné à reconstituer des collections représentatives de certains groupes ethniques. Le reste prendra plus de temps car le nouveau musée national congolais ne peut accueillir pour l’instant que 12.000 pièces dans des conditions optimales de conservation. ACP/Kayu/RNL/JFM/SBG