Starlink plie face à la pression du régulateur congolais : une saga technologique (par Albert KABEYA « Expert »)

Depuis plusieurs mois, un afflux massif de kits de connexion Starlink a été observé en République Démocratique du Congo (RDC), principalement aux frontières du Rwanda et de la Zambie. Les zones de l’Est en conflit sont majoritairement concernées. Le coût d’achat du kit de connexion varie entre 350 USD et 750 USD, selon les sources, et l’abonnement mensuel moyen est d’environ 40 USD pour une vitesse promise de 40 Mbit/s avec une latence de 116 millisecondes.

Pour le citoyen moyen, quelque peu aisé, c’est une aubaine d’avoir un service de qualité promis, payable par carte en ligne tous les mois. Cependant, cela n’a malheureusement pas d’incidence tangible sur la création d’emplois, la consommation de revenus localement, le prélèvement de taxes par l’administration, etc. En revanche, cela apporte une véritable perturbation sur un marché de quelques dizaines de fournisseurs d’Internet. Au-delà d’un tout petit nombre de fournisseurs d’accès internet qui se distinguent, avouons-le, plusieurs fournisseurs ont des capacités parfois insuffisantes, incapables d’apporter un service de qualité et se concentrent essentiellement sur les zones urbaines à revenus élevés.

La saga Starlink avec l’État congolais a commencé lors d’une rencontre à la conférence GSMA de Barcelone de cette année, suite à quelques rencontres précédentes, physiques et par Zoom, entre les parties. Les dirigeants de l’entreprise d’Elon Musk ont tenté de forcer la délivrance par l’État congolais d’une licence sans prérequis, par le fait accompli de ventes sauvages sur le territoire de la RDC d’équipements Starlink. La position du régulateur a été de demander à l’opérateur américain d’interrompre au préalable le nombre de connexions illégales sur la RDC. Starlink, dans un premier temps, a décliné la demande en prétextant son incapacité technique à le faire.

La ténacité du régulateur dans les différents échanges qui ont suivi a fini par payer. Suite à cela, le communiqué de presse de l’ARPTC du 15 mars 2024 sur le sujet a été le clou de la saga. Au cours des échanges qui ont suivi, le régulateur a insisté auprès de Starlink non seulement pour couper le service mais aussi pour considérer qu’il était de fait hors-la-loi. Les communications rendues publiques le jeudi 22 mars 2024 par certains acteurs en témoignent.

Au-delà de tout, la suite de cette saga sera déterminante pour l’écosystème. En effet, la licence de Starlink sera un fait, sûrement dans un futur proche. Il va falloir que l’État congolais s’implique avec ingéniosité pour intégrer ce nouvel acteur, en tenant compte des acquis de l’écosystème actuel. Afin que les fournisseurs d’accès Internet sur le terrain ne soient pas lésés par une concurrence déloyale qui ne tiendrait pas compte de tous les prescrits de la loi. Il faudra, notamment, éviter que ce nouvel opérateur ait un règlement sur mesure, avantageux au détriment des autres opérateurs, au vu des éventuelles limites de la loi actuelle des télécommunications en RDC. Bien entendu, cela ne doit pas faire oublier le droit du consommateur congolais à une bonne connexion, pas chère, sans mettre de côté la réalité d’un territoire continental que les acteurs actuels ont du mal à couvrir.

Il est grand temps d’avoir une vraie vision de ce que nous voulons faire de l’Internet congolais, surtout avec l’arrivée imminente sur le marché des téléphones directement connectés aux satellites en basse orbite

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